SPLENDEUR ET VANITE DE L’AUTOMNE I MOMIJIGARI
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L’automne est venu
sur l’oreiller
le vent me salue
Basho
Depuis toujours, le culte de la nature et de la simplicité a été portée au Japon aux plus exquis raffinements. La nature est unie aux Japonais par des liens profonds et subtils.
Masaharu Anesaki (187-1949), écrivait dans son livre L’art, la vie et la nature au Japon :
Quand le printemps revient
Les oiseaux muets retrouvent leurs chants
Les fleurs mortes renaissent ;
Mais dans la saison d’automne,
On cueille les feuilles écarlates, aimées tendrement,
Et avec bien des larmes, on laisse les feuilles vertes
Toutes au doux flanc de la colline…
recueil de poèmes Manyo-shu
© Sakai Hoitsu (1761-1828) ou son atelier, Paire de paravents à six volets : Fleurs et plantes des quatre saisons, Musée Guimet
ORIGINE DE MOMIJIGARI
Au printemps, on suit la montée du front des cerisier hanami tandis qu’on automne, on suit la descente du front des érables (momiji Acer Palmatum), un passe-temps appelé momijigari littéralement la chasse aux feuilles rouges.
Les feuilles pourries du momiji
Qui tombent dans les lieux solitaires de la montagne
Loin de tous les regards
Sont comme un brocart
Enseveli par la nuit.
extrait recueil de poèmes Manyo-shu
Les érables incandescents règnent sur la nature et marquent la fin de l’automne.
Déjà proche la fin de l’automne –
La forme de la lune
dans des gouttes de pluie
Basho
l’étique WABI-SABI
Au fond des montagnes,
Foulant les feuilles rougies
Brame le cerf.
Quand j’entends sa voix
Que l’automne est triste !
Sarumaru Tayu – Hyakunin isshyu N°5
LES ARTS
La célébration des feuillages rouges d’automne kōyō influence la culture et ses arts : la littérature, la poésie, le théâtre Nô et Kabuki, l’art du textile, les peintures, l’architecture traditionnelle, l’art du jardin, l’art de la table et la céramique, la cuisine japonaise… Le végétal domine leur esthétique !
° Le théâtre Nô
° L’art du textile
Le tissage des tissus et de la broderie célèbre la nature. Les plus belles soies tissées ont été réservées aux hommes jusqu’au XVIIème siècle. Les peintres Hokusai, Toyokuni et autres, ont fourni les thèmes à l’art des tissus entre autres pour le kosode prédécesseur du kimono (kiru et mono « chose que l’on porte sur soi ») destinés au théâtre, des véritables peintures sur étoffe.
° L’art des estampes Ukiyo-e image du monde flottant
Il y a un lien indéfectible et une influence réciproque entre la peinture et le textile.
° L’architecture traditionnelle
La végétation automnale vêtue de rouge vif et cuivré, jaune dorée et orange se mêlent aux couleurs gris, blancs et noirs des temples et des maisons en bois, dégageant une subtile lumière.
L’architecte Allemand Bruno Taut est arrivé au Japon en 1933 et séjourné trois ans dans une maisonnette au temple Shorinzan Daruma-ji à Takasaki-shi, Gunma
Soir d’automne :
Vois s’élever les brumes de la vallée
Entre les feuillages flamboyants
Retenant encore l’humidité perlée
De la fraîcheur d’une averse soudaine
Dans le jour déclinant
Jakuren Hoshi
° L’art du Jardin
L’esthétique japonaise : union de l’angle droit et de la forme naturelle
° L’art de la table et de la céramique
Les ouvrages en céramique tôgei, considérés comme le sommet de l’énergie créatrice artistique, ont les couleurs qui s’harmonisent avec celles de la nature et des saisons.
Collection privée photo Sotaro Hirose © DR.jpg Col. privée S. Hirose ©
° L’art culinaire et Washoku, la cuisine japonaise au patrimoine culturel de l’humanité
L’érable se décline sur tous les plans dont culinaire offrant un enrobage délicieux en particulier aux gâteaux et autres douceurs telle que le mochi ou les manju.
Le washoku cuisine japonaise inscrit à l’UNESCO depuis fin 2013, est un moyen d’expression de l’esprit japonais de respect envers la nature et une coutume traditionnelle qui transcende les générations. Le changement des saisons est marqué par les fruits et les légumes de saison, par des mets spéciaux…
Représentation de l’automne dans la gastronomie japonaise bishoku.
nagarete tomaru
minato niwa
benifukaki namida ya
tatsuran
Kokin-shu, 293
cessant leur course s’amoncèlent
là, à l’embouchure du fleuve,
des vagues s’élèvent, rouge sombre
pareilles à des larmes
Kokin-shu, 293