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Auteur/autrice : AMCAdmin20

5/2023

JARDINS POLYCHROMES

°°°

Au milieu de mai, grâce aux rayons de soleil et aux torrents de pluie, la nature resplendit, parée de verts et bigarrée de couleurs. Aux teintes variées de roses, des fleurs de pruniers, de pêchers et de cerisiers, succèdent les arbustes fleuris et multicolores  : les azalées, les pivoines, les glycines puis, début juin, les hortensias.

Il existe au Japon toute une gamme de jardins : beaucoup sont centrés sur un étang constellé d’îlots ; certains d’entre eux reproduisent sur terre le paradis bouddhique ; d’autres célèbrent le mariage heureux de la pierre et de l’eau, l’union élémentaire du statique et du dynamique. Il y a aussi des espaces dépourvus d’eau et, parfois, de végétaux. Il y a encore des jardinets secrets menant au pavillon où a lieu la cérémonie du thé, et de grands parcs conçus pour la promenade et ouverts sur l’horizon. extrait Berthier François. Les jardins japonais : principes d’aménagement et évolution historique. In: Extrême-Orient, Extrême- Occident, 2000, n°22. L’art des jardins dans les pays sinisés. Chine, Japon, Corée, Vietnam. pp. 73-92. 

Je vous emmène au Japon pour admirer l’harmonie des couleurs et l’élégance des formes des massifs de fleurs de quelques jardins d’exception !

LES COULEURS ET LEURS SYMBOLIQUES

Au début, au milieu et à la fin de la saison, si nous ouvrons nos capteurs sensoriels, nous prenons conscience des micro-changements qui se relaient dans la nature pour annoncer l’avènement de la nouvelle saison. Les Japonais parlent d’ailleurs de soixante-douze saisons. Sensibles aux changements de saison, ils ont toujours manifesté un intérêt profond, voire une obsession, pour le fait d’apprendre le secret de la nature en observant minutieusement ses « états » révélateurs, dont les couleurs. extrait Sumiko Oé-Gottini Sensation Soustraction MNAAG

Dans sa Chronique colorée Iro-ké publiée par le magazine Tempura Numéro 2Sumiko Oé-Gottini nous fait savoir que :

En japonais, le mot couleur (« iro ») a une origine bien particulière. L’idéogramme chinois est fait de deux signes : un humain qui en chevauche un autre pour n’en faire qu’un. Oui, « faire l’amour », telle serait la provenance du mot « couleur » au Japon.

Au mois de mai et début juin, le rouge et le violet prédominent. Mais, quelle est leur symbolique ?

  • Rouge

La première laque arrivée au Japon à l’époque Jômon (13000-400 av J.C.) était rouge, considérée sacrée puisqu’elle est la couleur du soleil représentée par la déesse Amaterasu, la plus importante divinité shintoïste. Mais encore :

Le rouge, couleur du sang et du feu, exprime à la fois la pudeur, la vulgarité, l’amour, la cruauté, l’espoir, la désespérance, la noble résistance jusqu’à la mort… » Sumiko Oé-Gottini, Chronique colorée Iro-ké, magazine Tempura Numéro 2.

  • Violet

A l’époque de Nara, durant le règne de l’Impératrice Suiko (592-628), le violet était la couleur la plus noble. Il était impossible de la porter à la Cour sans recevoir son autorisation ! Cette couleur, murasaki en japonais, nous ramène à l’écrivaine Murasaki Shikibu auteure du chef-d’œuvre Le Dit de Genji I Genji monogatari de l’ère Heian (794-1185).

LES MASSIFS DE FLEURS

  • AZALEE  I  TSUTSUJI

Il existe d’innombrable variétés d’azalées aux teintes vives ou pales. Elles apportent de la couleur à l’architecture traditionnelles en bois.

Sanctuaire shinto Nezu-jinja, au nord de Tokyo, est célèbre pour sa colline aux azalées.

 

Sur les rochers,
des fleurs d’azalées rouges
teintes par les larmes du coucou
Bashô

Temple Shoden-ji, à Kyoto, créé par le jardiniste adepte du sen Kobori Enshû (1579-1647). David Bowie, aurait pleuré d’émotion.

L’originalité de ce jardin réside dans le fait que l’on a substitué aux pierres des buissons taillés : sur une couche de sable, des massifs d’azalées arrondis sont disposés par groupes de trois, cinq ou sept, selon un rythme aimé des Japonais qui découvrirent la musicalité de l’impair bien avant que Verlaine ne la chante 10. Le Shôdenji est en quelque sorte une version végétale du Ryôanji. Une autre particularité de ce jardin est qu’il inclut dans son champ le Mont Hieï, le plus haut des sommets qui dominent Kyoto. Le procédé consistant à intégrer le paysage extérieur à l’espace d’un jardin est appelé shakkeï(« emprunt du paysage ») et connut son apogée au XVIIe siècle. Plus tardif que le Ryôanji et le Daïsen.in, le Shôdenji montre comment évoluèrent les jardins Zen après l’âge d’or de l’époque Muromachi. extrait Berthier François. Les jardins japonais : principes d’aménagement et évolution historique. In: Extrême-Orient, Extrême-Occident, 2000, n°22. L’art des jardins dans les pays sinisés. Chine, Japon, Corée, Vietnam. pp. 73-92.

Dans une chaumière,
une bonzesse seule et insensible –
Azalées blanches
Bashô

  • PIVOINE   I  BOTAN

Arrivée de Chine à la période Heian (794-1185) en tant que plante médicinale, la pivoine devient une fleur ornementale. Transformée, la pivoine japonaise est pleine de grâce.

Jardin Yûshien, sur Daikonshima, une petite île au milieu de la lagune Nakaumi

L’île de Daikonshima est née de l’éruption ­d’un volcan, la terre est noire, et c’est dans ces cendres que le ginseng et la ­pivoine ­arbustive trouvent leur bonheur. Hidehisa Inutani, directeur du jardin de Yuushien.

© source photo

Sur cent lieu à la ronde
les pivoines
repoussent les nuages de pluie
Busson

  • GLYCINE  I  FUJI

Les glycines sont mises en scènes de manière spectaculaires au Japon ! Les rameaux de 20 ou 30 mètres portent d’énormes grappes blanches violacées, une cascade de fleurs.

Voici la plus vieille glycine géante, âgée de +140 ans, transplantée pour lui permettre de continuer sa croissance dans le parc florale de la ville Ashikaga située au Nord de Tokyo.

En voyage au pays de Yamato
Cherchant une auberge
fatigué –
Ah ces fleurs de glycine
Bashô

  • HORTENSIA  I  AJISAI

A Kamakura (ancienne capitale 1185-1333), le temple Meigetsu-in de l’école bouddhiste Rinzai émerge d’un océan bleu d’hortensias.

Hortensias –
Ce buisson est le petit jardin
d’un salon privé
Bashô

Pour en savoir plus sur les saisons et les couleurs, je vous invite à (re)découvrir mes articles :

7/2021 LE CULTE DES SAISONS

5/2022 KIMONO  I  HEIAN L’AGE D’OR

 

4/2023

LE PAPILLON  I  CHÔ

°°°

Passant l’automne
un papillon lèche
la rosée des chrysanthèmes
Bashô (1644-1694)

Les insectes, tout autant que les arbres, les fleurs, les oiseaux,…, apportent de la magie à nos vies scandées par les rythmes de saisons. Contrairement aux Occidentaux, les Japonais et les Grecs anciens ont toujours été sensibles aux insectes et à leurs chants.

Ce n’est pas seulement lorsqu’il est question d’insectes que les poètes grecs se rapprochent des Japonais : ils s’y apparentent par des milliers d’émotions infimes, concernant les dieux, le destin de l’homme, le plaisir que donnent les fêtes sacrées mais aussi ces chagrins inhérents à la vie que l’humanité partage depuis sa naissance. extrait Insectes Lafcadio Hearn, édition du Sonneur

En avril, émergent les premiers papillons. Gracieux, ils puisent leur énergie du soleil, sous la protection de la déesse Amaterasu, et se nourrissent du pollen des fleurs. Bien que leur vie soit éphémère, ils occupent une place significative dans la culture japonaise.

Parmi les fleurs écloses
sur la haie
un papillon volige
ah ! l’envie d’être avec lui
si éphémère
Saigyô (1118-1190)

CROYANCES POPULAIRES

Dans la Grèce antique, chez les Amérindiens ou en Chine, le papillon est un symbole de l’âme et de l’immortalité. De même, au Japon, il représente « l’âme des vivants et des morts » […]extrait Bestiaire japonais Nelly Delay & Dominique Ruspoli, Editeur A propos

En solitaire, le papillon symbolise la longévité lorsqu’il vole au dessus d’un prunier, la joie ou un pressage heureux lorsqu’il entre par hasard dans une maison, mais aussi l’éclosion de la féminité. Pour cette raison, le papillon décore le kimono des jeunes filles le furisode « manche flottante », en tant que métaphore de la jeune fille qui déploie ses ailes pour devenir femme tandis que les manches longues jusqu’aux chevilles sont synonymes de pureté et d’innocence. De plus, pour maintenait le furisode, la ceinture obi à pans longs, peinte ou brodée, est largement nouée dans le dos en forme de papillon cho musubi. Leurs coiffures aussi portent le nom de papillon chocho mage : les cheveux sont partagés en quatre coques symétriques.

@ Suzuki Harunobu, Beauté sautant dans le vide depuis le balcon du temple Kiyomizu, 1765

Suivant les âges, l’inspiration du costume traditionnel féminin japonais changeait, mais elle trouvait toujours sa source dans la nature. De la petite fille, on faisait un papillon ou un oiseau tropical, aux couleurs vives, presque criardes, et comme rehaussées par le son des grelots cachés dans les semelles des socques (les pokkuri). […] De décennie en décennie, le charmant papillon des îles finissait par se muer en un moineau brun (parfois dès trente-cinq ans), puis en une mite grise – c’était le nom du style convenant à une vieille dame. extrait Les dames du Soleil Levant de Danielle Elisseeff

D’autre part, les papillons qui voltigent en couple, représentent le bonheur conjugal sur les kimonos lors d’un mariage. Et les décorations en papier en forme de papillon origami pour la cérémonie dénommées o-chô et mechô symbolisent l’union heureuse et éternelle.

La phalène est le symbole du rêve et de la vie insouciante. Certains jours de fête, la « danse du papillon » a une importante signification. Deux papillons sont les témoins symboliques des noces au Japon : accompagnateurs dansants sur le chemin de la vie, ils mènent le couple vers l’avenir à travers un merveilleux jardin fleuri. extrait Japonisme, WICHMANN Siegfried, Edité par Chêne/Hachette

En grand nombre, les papillons inspirent l’effroi, comme l’indique l’histoire du clan Taira (l’un des quatre clans qui dominèrent durant l’ère Heian, avec les Fujiwara, les Minamoto et les Tachibana, dont le blason mon était un papillon machaon de couleur jaune, noir et bleu appelé ageha-chō.

Papillon qui bat des ailes
je suis comme toi –
poussière d’être
Issa (1763-1828)

Lorsque Taira-no-Masakado préparait en secret sa grande rébellion, une telle nouée s’abattait soudain sur Kyôto que les gens prirent peur, croyant qu’ils annonçaient une catastrophe… Ces insectes étaient-ils les âmes des milliers d’hommes destinés à mourir sur le champ de bataille, agitées à la veille de la guerre par quelque mystérieux pressentiments ? extrait Insectes Lafcadio Hearn, édition du Sonneur

Valsent les papillons –
je parle
avec les morts
Yokohama Hahkkô

<

Chô le papillon incarne à la perfection la capacité de se transformer et à renaître. De quoi séduire, dans le Japon médiéval, les samouraï qui voient dans cette figure virevoltante et fragile une invitation au combat et à la victoire, fut-ce au péril de leur vie et un moyen d’atteindre à l’immortalité. extrait Bestiaire japonais Nelly Delay & Dominique Ruspoli, Editeur A propos

RELIGION BOUDDHISTE

A ce titre, le bouddhisme considère que les phénomènes qui composent la personnalité d’une personne décédée pourront se réincarner sous des formes animales, végétales et minérales.

Couvert de papillons
l’arbre mort
est en fleurs
Issa (1763-1828)

Le papillon est l’incarnation d’une âme défunte bienfaisante et protectrice ou l’âme d’une personne qui s’envole vers l’autre monde.

Sur l’œillet
Un papillon blanc –
ou une âme égarée
Masaoka Shiki (1867-1902)

La plupart des légendes sont d’influence chinoise à part ce conte populaire : un homme inconsolable, dénommé Takahama, a veillé toute sa vie la tombe de sa bien-aimée Akiko jusqu’au jour où son âme l’a rejoint dans le royaume des morts sous forme la forme du papillon blanc.

Le Papillon bat des ailes
comme s’il désespérait
de ce monde
Bashô (1644-1694)

Dans le bâtiment principale Daibutsu-den du  temple Tôdai-ji à Nara, au pied du grand Bouddha en bronze de 14,98 m de hauteur, on remarque des fleurs de lotus et deux papillons…

Todaiji de Nara et son Daibutsu - Chroma France

LITTÉRATURE

Les poètes, les artistes et les danseuses ont souvent choisi un nom d’artiste geimyô de papillon : Chômu rêve de papillon, Ichô papillon solitaire. Il existe aussi des noms propres pour les filles Kochô ou Chô papillon… On sait aussi que le marchand d’armes britannique Glover épousa la fille d’un samouraï qui inspira le livret d’opéra de Puccini, Madame Butterfly Chôchô san.

De passage dans un pavillon de thé, une femme appelée « Papillon » m’a demandée, en me donnant une pièce de soie blanche, de composer un hokku sur son nom. J’ai donc écrit :

Parfum d’orchidée –
en sont imprégnées
les ailes du papillon !
Bashô (1644-1694)

© Kubo Shunman, Gunchô Gafu (1757-1820)

Mais, retournons dans les époques anciennes :

  • Période Heian (794-1185)

Faire des insectes des sujets poétiques est une tradition qui remonte à l’époque Heian, période où la gente bien née et cultivée dresse déjà des parallèles entre l’aspect ou le chant des insectes et les sentiments humains. extrait Un bestiaire japonais / Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIe et XIXe siècles),Collectif – Catalogue exposition MCJParis

Dame Murasaki Shikibu intitula le chapitre 24 de son Dit du Genji  Genji Monogatari « Les Papillons », Kochō. Elle nous apprend l’existence de la danse des papillons Kochô mai exécutée lors des festivités de printemps au palais de l’Impératrice par des filles déguisées en papillon et oiseaux.

Pour les intentions de la dame au printemps, il fut précédé à une offrande de fleurs aux bouddhas. Huit fillettes, costumées pour moitié en oiseaux et pour moitié en papillons, toutes pareillement gracieuses, portaient les oiseaux, des fleurs de cerisier dans des vases d’argent, les papillons, des corètes dans des vases d’or. Et ces bouquets de fleurs banales prenaient là une splendeur et un éclat incomparables. extrait Dit du Genji chapitre 24 « Les Papillons », Kochō

Image Dames de la Cour impériale exécutant la « danse du papillon ».

Oiseaux et papillons
s’agitent avant l’envol –
Nuages de fleurs
Bashô (1644-1694)

La phalène est très jolie et charmante. Lorsqu’on approche la lampe tout près, pour lire quelques roman, qu’elle est gracieuse quand elle passe, en volant, devant le livre ! extrait Notes d’oreilles, Sei Shonagon Makura no sôshi

  • Période Edo (1603-1868)

A l’époque Edo, née la poésie humoristique kyôka.

© Kitagawa Utamaro (1753-1806) Album des insectes choisis, Yadoyano Meshimori (texte) 1787 Tenmei 7

Je me rêve papillon et j’embrasse
tes lèvres pour goûter un nectar de ta fleur
comme on piège la libellule sur une tige engluée
je te tiendrai si tu cherches à m’échapper

ARTS DÉCORATIFS ET JAPONISME

[…] fleurs et bêtes se trouvent associées dans l’art comme dans la vie. La pivoine et le papillon, le rossignol et le prunier en fleurs, l’érable et le daim, le renard et les roseaux au pâle claire de lune d’automne, ces thèmes, et bien d’autres encore, sont peints et chantés indéfiniment, et les Japonais ne se lassent pas de se réjouir en leur compagnie adorable. extrait L’art, la vie et la nature au Japon de Masaharu Anesaki.

Les premiers dessins d’insectes (libellules, araignées, papillons…) semblent avoir été faits par les Japonais, un siècle avant J .C., pour orner les poteries et les cloches des temples, technique en relief dénommée dôtakus.

Encore aujourd’hui, le papillon est présent dans les arts décoratifs (vases de porcelaine, l’art de la table…) et souvent en compagnie d’une pivoine « la rose du Japon ».

© Utagawa Hiroshige, Papillon et pivoines, estampe nishiki-e, encre sur papier, format chûban vertical, époque Edo, MFA Boston

Les artisans d’art européen ont vu leur créations influencée par l’artisanat japonais vers 1875. A la différence de l’enthousiasme de la noblesse du XVIIIe siècle pour la Chine, le japonisme s’est répandu grâce à l’Exposition universelle de Paris de 1867 (article à (re)découvrir Kimono I Symbole du japonisme)

Théodore Deck* réalisa de grandes assiettes murales en grès, où des pivoines d’une beauté remarquable sont associées à des magnifiques papillons. Dans sa composition, Deck suit les exemples japonais, en établissant une construction asymétriques des feuillages et des fleurs, et en disposant les papillons dans les espaces vides. extrait Japonisme, WICHMANN Siegfried, Edité par Chêne/Hachette

© Théodore Deck, Grand plat (vers 1875), Baltimore, Walters Art Museum

* Céramiste français : L’œuvre de Théodore Deck (1823 -1891) est caractéristique d’un grand éclectisme. En effet, l’artiste fait cohabiter dans sa production plusieurs influences qui touchent les arts au XIXe siècle, en passant par l’historicisme que l’on retrouve dans les portraits de personnages historiques ou célèbres de ses plats, l’orientalisme, le japonise ou l’art chinois. source

3/2023

LA FLEUR DE CERISIER, SYMBOLE DU JAPON   I   SAKURA 

°°°

Les mois de mars et avril célèbrent les fleurs de poirier rika, de pêcher momo et de cerisier sakura.

Je vous invite à (re)découvrir l’article 5/2021 publié le 1er avril 2021 :

 

ELOGE DU PRINTEMPS  SAKURA NO HANA  HANAMI

Dans la culture nippone, les fleurs de cerisier suggèrent les connotations « claires » du printemps (la renaissance de la nature, la jeunesse, la force, la joie)  ou « sombres » (l’éphémère, l’impermanence de la vie, la mort, les samouraïs)…

Nous allons comprendre pourquoi ce symbole national occupe une place majeure sur le plan esthétique, religieux, paysager et culturel.

Hisakata no
Hidari nodokeki
Haru no hi ni
Shizu kokoro naku
Hana no chiruramu
Sous le soleil
Dont les doux rayons font un jour
De printemps si doux
Pourquoi d’un cœur inapaisé
Ces fleurs vont-elles tombant
 

 Matsuo Bashô (1644-1694)

La fleur de cerisier sakura no hana, symbole du Japon

La fleur de cerisier sakura no hana fait partie des symboles du pays. Elle est glorifiée et admirée car pour l’âme et le sens esthétique des Japonais, elle représente la perfection. Elle est depuis toujours une source d’inspiration de milliers de poèmes waka (31 syllabes) et haïku (17 syllabes) et le symbole de l’impermanence des choses prônée par la religion bouddhiste. C’est pourquoi, elle a été adoptée comme emblème par les samouraï dont la vie était tout aussi éphémère que leur floraison.

Nous ne vivons que pour l’instant où nous admirons la splendeur du clair de lune, de la neige, des cerisiers en fleurs et des feuilles multicolores de l’érable. Nous jouissons du jour, de l’ivresse du vin, sans nous laisser dégriser par l’indigence qui nous regarde dans les yeux. Emportés par ce courant, telles les citrouilles dans les eaux d’un fleuve, nous ne laissons à aucun moment le découragement s’emparer de nous. C’est ce qu’on appelle le temps qui coule, le monde qui passe. Asai Ryoi Contes du monde éphémère des plaisirs

Un monde de douleur et de peine
Alors même que les cerisiers
sont en fleur
Issa (1763-1828)

 

L’esthétique du cerisier & shinto
Hanami regarder les fleurs est à la base un rite de purification et d’accueil des divinités shinto, religion polythéiste indigène. On accueil le kami, esprit de la nature qui descend de la montagne, vers le satoyama vallée cultivée pour devenir divinité des rizières et de la fertilité.

 

La divinité shinto Kono-hana-no-Sakya-Hime représente l’esprit des fleurs des cerisiers et le kami protecteur du Mont Fuji.

La voici, vêtue d’un kimono de cérémonie traditionnel porté par les dames de la cour à l’époque Heian (794-1185) dénommé junihitoe, composé d’un lourd vêtement de dessus kosode et une douzaine de jupons de soie de différentes couleurs destinés à produire un ensemble original et séduisant, pesant environ 20 kg.

Hanami était un passe-temps des aristocrates à la cour Heian qui s’est popularisé à partir de l’époque Edo (1603-1868).

 

La brise de printemps`
ne laisse pas les fleurs de cerisier
à ce monde flottant
elle les disperse
et ne cesse de les regretter
Saigyô (1188-1190), Vers le Vide, II Fleurs dispersées

Regarder les fleurs hanami c’est par excellence regarder les fleurs de cerisiers. Ici, non seulement concurrent toutes les dimensions de la vie sociale, mais s’entre-composent nature et culture : de la poésie à l’arboriculture, les paysages du cerisier ont en effet aussi bien modelé la sensibilité des japonais qu’engendré les vérités d’essences qui pouvaient les satisfaire. Augustin Berque, Le sauvage et l’artifice Les japonais devant la nature

Il y a plus de 300 variétés de fleurs qui se divisent en deux groupes : yamazakura (yama montagne) et satozakura (sato villages). Au printemps, tous les moyens de communication, dont Kishocho l’agence de la météorologie nationale, annoncent chaque jour l’avancée du front des fleurs hana-zanzen qui remonte du sud de l’archipel.

 

L’esthétique paysagère keikan bigaku

La nature est indissociable de la culture. Dès l’époque Heian(794-1185), l’esthétique paysagère s’est étendue aux jardins avec les pruniers ume et les cerisiers sakura.

Haru mo yaya
keshiki totonou
tsukuba to ume
Lentement le printemps
parfait son ambiance –
Lune et fleurs de pruniers
  Matsuo Bashô (1644-1694)

L’un des patrimoine Unesco, est la montagne sacrée de Yoshino au sud de Nara. Site important du point de vue historique (lieu d’exil d’un groupe qui a lutté contre le shogun* pour rétablir l’empereur au XIVe), littéraire (Yoshitsune Senbon Zakura pièce célèbre de kabuki**) et religieux (lieu de la secte Yamabushi, du culte shugendō).

Le moine En no Gyoja, aussi appelé En no Ozuno (634-707), fondateur de la secte shugendō et première personne qui a effectué l’ascension du Mont Fuji, a gravé sur le tronc d’un cerisier la vision du Bouddha. Depuis on a planté en offrandes, des cerisiers sauvages de montagne yamazakura arrivant ce jour à plus de 30 000.

Aussi loin que porte le regard, on n’y voit que des cerisiers en fleurs, hormis ce qui, caché, reste invisible.
Sakari ja hana ni sokoro
uki-boshi numeri-
zuma
Pleine floraison des cerisiers –
Les bonzes deviennent des fêtards
et les femmes mariées séduisantes
Une fois qu’Edo devient la capitale (l’actuelle Tokyo), le shogun Tokugawa Iemitsu (1604-1651) a construit des temples et transplanté des cerisiers de Yoshino sur le site d’Ueno, formé d’une colline et d’un étang censés évoquer le lac Biwa dominé par le Mont Hiei, près de Kyoto. L’objectif de cette greffe de meisho**** est de créer des liens symboliques entre des lieux historiques des anciennes capitales impériales et Edo, ville sans passé glorieux. Le shogunat espérait ainsi enraciner sa légitimité et renforcer sa souveraineté. Vocabulaire de la spatialité japonaise, Editions CNRS
 

Cerisiers des monts
le vent a blessé leurs branches
il s’en va déjà
s’emparant de toutes les fleurs
comme s’il en était le maître
Saigyô (1188-1190), Vers le Vide, II Fleurs dispersées
shogun* : chef militaire
kabuki** : théâtre japonais avec des costumes stylisés et un jeu codifie joué que par des hommes
yamabushi*** : « ceux qui se prosternent dans les montagnes » ascètes montagnards et guerriers
shugendo**** : tradition spirituelle lié à l’ascétisme en montagne dont le but est le développement d’expériences de pouvoirs spirituels gen par la pratique vertueuse de l’ascèse shu. Religion syncrétique incorporant des aspects du taoïsme, du shinto, du bouddhisme ésotérique et du shamanisme japonais traditionnel.
meisho***** : lieu touristique célèbre

 

HANAMI Célébration collective et individuelle
Au printemps, lors de la fête de hanami (hana fleur, mi regarder, observer) ou sakurami (sakura cerisier mi regarder, observer) les Japonais se réunissent débordants de joie sous le poudroiement de pétales de pruniers ume et de cerisiers sakura, assis sur des bâches bleues buru shito, pour pique-niquer, chanter et boire du hanami-zake sake à regarder les fleurs.
Haru-kaze ni fukidashi
sarah hana
mogana
Toutes ces fleurs écloses
dans le vent printanier,
éclats de rire
Hanami coïncide avec la rentrée le 1er avril pour les écoles et les universités, le monde des affaires et des entreprises avec l’embauche des nouveaux recrus. C’est à la fois une célébration collective et individuelle car il permet l’insertion de l’individu dans un cadre social et culturel auquel il participe.

Hanami se déroule selon une dramaturgie sociale dans laquelle chacun est spectateur. Contemplateur… d’un paysage idéalisé par le spectaculaire décor des floraisons mise en scène dans l’espace public, et la nuit, intensifié par des éclairages ; … et acteur d’un scénario comportant un prologue, kaika (l’éclosion des fleurs) ; un acte central, hana-zakari, mankai (la pleine floraison) ; et un épilogue, hana fubuki (les pétales emportés par le vent, tombent comme la neige), ou bien hana-ikada (les pétales flottent sur l’eau). Vocabulaire de la spatialité japonaise, Editions CNRS

Autant le hanami que la météo capricieuse de printemps haru ont enrichi le vocabulaire « de saison » :

  • hanagumori : temps gris de fleurs, brume printanière
  • hanabie : temps froid au printemps, gelée printanière

 

Fleur de cerisier sakura NO HANA et gastronomie shokubunka

Les fleurs de cerisiers annoncent la venue du printemps et constituent de ce fait l’un des points culminants du calendrier gastronomique, non seulement en tant que produit de la terre mais aussi comme ornement ou motif. Ryokan, édition Könemann

Le thé est parsemé de fleurs de cerisiers, les gâteaux wagashi (gâteau mou, cuit ou sec) et sakura-mochi prennent toute les nuances de rose et les formes de pétales.

En 1979, la fédération des confiseurs japonais lance une campagne de promotion pour les gâteaux japonais avec la formule « les wagashi font partie de la culture japonaise », wagashi ha nihon no bunka「和菓子は日本の文化, et instituent le 16 juin comme jour des gâteaux traditionnels japonais. source

Bien évidemment, la vaisselle et toute la décoration s’harmonisent avec la floraison des cerisiers. La céramique tougei, les bols en laque nimonowanornés de fleurs de cerisiers sont des objets de grande valeur.
Yotsu-goki no
sorowanu
hanami-gokoro kana          
Admirer les fleurs
sans le service à vaisselle…
à ma convenance
Matsuo Bashô (1644-1694)

 

Geisha et la danse des fleurs de cerisiers miyako-odori

A Kyoto, quartier de Gion, durant le mois d’avril de chaque année, 32 geishas* donnent 5 fois par jour un spectacle miyako-odori la danse des fleurs de cerisiers. J’ai eu la chance de pouvoir y assister lors de mon 1er voyage en 2012 et prendre des photos en cachette malgré l’interdiction. Sont restés gravés dans ma mémoire, les filles pleines de grâce vêtues de kimonos somptueux, la musique, les danses, les décors….

Le kimono de printemps représente les fleurs de cerisier avec des couleurs roses sakura iro.

geisha* : personne des arts, amuseuse ou compagnie professionnelle

Yuki haru ya
tori naki uo no
me wa namida               
S’en va le printemps, ah –
chants d’oiseaux, le poisson
larme à l’oeuil

Matsuo Bashô (1644-1694)

 

2/2023

LE BRAVE PRUNIER  I  UME

°°°

© Ogata Kôrin Prunier blanc et prunier rouge (paire de paravents, à deux panneaux) couleur et or sur papier XVIIIe Musée MOA ATAMI Japon

Le mois de février célèbre son arbre, le prunier ume. Ses fleurs gracieuses au parfum suave annoncent le printemps pendant que celles de cerisier sommeillent encore.

Les fleurs de prunier sont à l’origine de la tradition o-hanami qui appelle à leur contemplation et les premières à avoir été louées dans les poèmes, les récits et les missives amoureuses. Puis, révérées par les plus grands artistes, elles ont illuminé les arts de leur éclat.

Que n’ai-je un pinceau
Qui puisse peindre les fleurs du prunier
Avec leur parfum !
Satomura Jôha (1525-1602)

Après vous avoir exposé l’origine de o-hanami et la symbolique du prunier, je vous propose un voyage dans le temps : un aller-retour entre l’ère Heian et aujourd’hui.

DIVERSITES

La fleur de prunier, qu’elle soit blanche ou rouge, vit deux fois plus longtemps que celle de cerisier. Dans Notes de chevet Makura no sôshi (chapitre 21. Fleurs des arbres),  Sei Shonagon nous ouvre son cœur :

J’aime la fleur du prunier, qu’elle soit foncée ou claire ; mais la plus jolie, c’est celle du prunier rouge. J’aime aussi un fin rameau fleuri de cerisier, avec ses corolles aux larges pétales, et ses feuilles rouge foncé.

© Sakai Hoitsu (1761-1828) détail paravent « Fleurs et arbre en fleurs« 
ORIGINE ET symbolique

L’observation des fleurs o-hanami a commencé avec le prunier umemi, coutume empruntée à la Chine des Tang à l’ère Nara (710-794). La célébration des fleurs de cerisier, devenues tardivement symboles emblématiques du Japon, s’est répandue à partir de l’époque Edo.

La beauté éphémère des fleurs suggère l’impermanence de l’existence, de la jeunesse qui se fane. Une douce mélancolie ressort de ce poème anonyme :

Les fleurs, elles s’épanouissent : – alors
On les regarde : – alors
Elles se fleurissent : – alors…

© Suzuki Haorunobi Jeune fille admirant un prunier en fleur le soir 1766

Les qualités et la symbolique que l’on confère à la fleur de prunier sont multiples :  patience, optimisme, espoir, force, vitalité, bravoure, loyauté, élégance, noblesse, beauté, qualités morales, discrètes et délicates de la femme, de la mère qui enfante et élève son enfant.

LE PRUNIER A LA COUR DE HEIAN
  • Concours de poésie

La fleur de prunier est un thème récurrent dans le Man’yōshū, le plus ancien recueil de poèmes waka compilé au VIIIe, mais elle est détrônée par celle de cerisier à partir du Xe siècle.

La Cour, lieu d’épanouissement culturel, mène une vie oisive et futile, consacrée aux divertissements : concours de poésie, contemplation des fleurs o-hanami, calligraphie, amours courtois et libres, etc…

Ces aristocrates composent et s’affrontent dans d’exquis et courts poèmes. Le temps s’écoule, immobile, derrière les coursives, les vérandas et les pavillons. La nature est un jardin et ce jardin un paysage. On chante, en style précieux, l’amour, son goût de la lune et des fleurs. Les fleurs sont un spectacle. On va en cortège respirer la frêle exhalaison des pruniers, mais l’or et la soie des manteaux sont saturés des parfums de l’encens. La voie de l’encens Boudonnat Louise et Kushizaki Harumi, Esteban Paris Editions Picquier

 

© Le dit du Genji – BnF – département des Manuscrits
Le prunier en fleur
attend son maître
dans le jardin
Kikaku (1661-1707)
Les fleurs du prunier parfumées
qui tombent
glissent sur la branche
mais transmettent à la manche
leur fragrance.
Extrait Le Dit de Genji de Murasaki Shikibu
  • Art de la séduction

Les missives amoureuses étaient nouées de manière particulière en fonction du sexe de la personne qui l’envoyait. Le parfum et la couleur du papier n’étaient pas choisis au hasard. Un code était à respecter : papier rose perle à la floraison des cerisiers, papier parme durant la floraison des glycines… et à chaque missive on nouait une branche ou une fleur de saison. L’étiquette amoureuse voulait que l’amant, peu après son départ matinal avant l’aurore, envoie à la dame de ses pensées une lettre et un poème pour confirmer ses sentiments et… sa culture littéraire. La règle exigeait que la dame fasse écho avec un poème waka. Un savoir-faire et savoir-vivre d’un raffinement extrême !

Le message, sous forme de poème, s’accompagnaient d’un végétal pour illustrer la nature et le changement de saison. Les règles d’usage comme pour les costumes et accessoires, étaient d’accorder le texture et la couleur du papier à la saison ou au sentiment exprimé avec la plus grande originalité. Les lettres étaient accrochées ou nouées à une fleur ou à un rameau fleuri. La configuration esthétique du message était aussi importante que celui-ci. Papiers japonais Françoise Paireau

© Murasaki Shikibu, Tosa Mitsuoki (1617-1691)

Les beaux garçons
dessaleurs de prunier et les saules pleureurs
de belles femmes
Bashô (1644-1694)

  • Art de l’encens

Les nobles dépensaient sans compter pour des bois précieux, ingrédients des pastilles d’encens neriko, qu’ils composaient en fonction de leur goût, leur imagination et sur base des recettes traditionnelles. Ils s’en servaient à parfumer les vêtements, les éventails et les lettres.

L’encens Baika a été inspiré par le parfum doux et entêtant de la fleur de prunier.

neriko : pastilles d’encens pétries, fabriquées à partir de poudre d’encens, de miel et de prune, laissées « mûrir » pendant 3 à 5 ans dans un pot.

Dans le Dit de Genji Genji Monogatari de Murasaki Shikibu, on apprend que le prince Kaoru portait un parfum sans pareil :

Un parfum se dégageait de lui dont la suavité n’était pas de ce monde, qu’il répandait étrangement autour de lui à chacun de ses mouvements, et il semblait que la brise qui le portait au loin, devait être perceptible bien au-delà de cent pas. […] encore qu’il se gardât d’en imprégner ses vêtements, les odeurs les plus rares qu’ils conservaient dans leurs coffres de Chine, étaient surpassé par le parfum ineffable qui se dégageait de lui ; sous les arbres en fleurs de son jardin, bien des gens, mouillés par des gouttes de pluie printanière , s’étaient retrouvés pénétrés par le parfum d’un prunier que sa manche avait à peine effleurée […].

Pour en savoir plus, (re)découvrez mon article 4/2021 Encens I Art olfactif

Nerikosource
Les couleurs des fleurs
Sont brouillées sous la neige,
Tellement qu’on ne peut les voir :
Mais leur parfum qu’on respire
Révèle leurs présence.
Poèmes du recueil Kokinshyû du VIIIe
Par cette nuit de printemps,
Obscure et sans formes,
Des fleurs de prunier
La couleur est invisible ! Oui !
Mais leur parfum ! peut-il se dérober ?
Poèmes du recueil Kokinshyû du VIIIe
  • Légende du « prunier volant » Tobiume

Sugawara no Michizane (845-903) poète et politicien de renom, victime d’un complot organisé par les Fujiwara, il tomba en disgrâce et fut contraint à l’exil à Kyushu. Il regretta tant de quitter son prunier favori qu’il lui composa un waka avant le départ :

Quand le vent d’Est souffle,
fleurissez, fleurissez, fleurs de prunier !
Même si votre maître n’est plus là,
n’oubliez pas le printemps !

La légende dit que celui-ci s’envola de Kyoto pour le rejoindre à Dazaifu, d’où son nom Tobiume « prunier volant ».

Après son décès, les familles des rivaux vécurent que des malheurs vus par l’Empereur comme une vengeance de l’esprit de Sugawara. Pour le consoler, il le consacra au rang de Dieu des études et des lettres Tenjin et érigea un sanctuaire shinto en sa mémoire : Dazaifu Tenman-gū, préfécture de Fukuoka.

© Sancturaire Dazaifu, « le prunier volant » Tobiume
FETES  MATSURI

L’âme japonaise vénère les fleurs et l’apparition de certaines d’entre elles est l’occasion de fêtes populaires matsuri.

Lors des fêtes du 1er jour de l’an, des vases de porcelaines et de bronze sont ornés de branches de pin matsu, de bambous take et de pruniers ume. Ces trois compagnons des grands froids ont inspiré le motif de bonne augure des kimono dénommé shōchikubai, symbole du Nouvel An japonais.

L’An se lève, obscur ;
La neige voile l’aurore.
Ciel rend nous l’azur,
Car le prunier vient d’éclore,
Et son doux parfum t’implore !
poème extrait de Le Japon par Judith Gauthier

© Musée Guimet, Sur-kimono de femme (uchikake) Période Edo Début XIXe siècle Damas de soie teint par réserve, peint, brodé de soie polychrome et filé d’or MA 11707

Le pin, le bambou et le prunier (shōchikubai) sont souvent utilisés ensemble dans l’art japonais : le pin, toujours vert, signifie la constance, le bambou, la flexibilité et la résistance, tandis que la fleur de prunier, la première à s’épanouir en hiver, est un signe de fertilité. source MNAAG Musée Guimet

Umemi est une invitation à contempler la floraison évanescente, sentir le parfum tenu des fleurs dans l’air doux et caressant et faire la fête sous les confettis de pétales emportées par la brise qui se déposent parterre formant un lit somptueux. Les festivals ont lieu entre mi-février et mi-mars dans des parcs publics, des sanctuaires et des temples à travers tout le pays.

Prunier en fleur
Le souffle discret du vent
pour ne pas les disperser
Bashô (1644-1694)

© Kankomie, Inabe, environ 4 000 pruniers en fleurs, 100 variétés

Dans le parc, tout blanc,
De Tchiyoda, quelle chose,
Le premier de l’An,
Souris dès l’aube morose ?…
C’est la fleur du prunier rose.
poème extrait de Le Japon par Judith Gauthier

Pendant umemi on célèbre autant la fleur que le fruit de cet arbre sacré. Prumus mume produit l’ingrédient principal de divers délices : umeboshi, prune salée et séchée utilisée pour les onigirikobai petit gâteau à base de pâte de haricots rouges azuki et de farine de blé cuite à la vapeur, umeshu alcool japonais à base de prunes marinées dans la liqueur, etc.

 

1/2023

LE PIN ÉTERNEL  I  MATSU 

°°°

Le pin vit mille ans,
Le petit liseron du matin une journée seulement,
Mais tous deux jouent leur rôle.
Poème zen anonyme

Les Japonais vivent avec la nature, charitable et impitoyable. Elle est la source éternelle de leurs aspirations et de leurs inspirations.

Chaque mois de l’année possède sa fleur ou son arbre favori. En janvier, on célèbre le pin matsu qui  exprime sa beauté à travers ses déformations et ses courbes façonnées par la toute-puissante nature et parfois par l’homme.

Je vais vous révéler dans cet article, sa place dans les croyances et dans quelques domaines de l’art car le sujet est vaste.

CROYANCES
  • Shintoïsme

Quel pays de verdure et d’ombre, ce Japon, quel Éden inattendu !… extrait Japon, Erwin Fieger, Edition L’iconothèque

L’archipel nippon est un pays de forêts imprégnées de profonde spiritualité et de surnaturel. Dans la croyance shinto, les arbres sont habités par les esprits de la nature déifiés, dénommés kami. Bois, plantes, pierre… tous ont une âme. Dans cette estampe, Katsushika Hokusai (1760-1849) sépare par une barrière de pin, le monde des humains de celui des dieux.

@ Hokusai Katsushika Le mont Fuji vu à travers les pins de Hodogaya sur la route du Tôkaidô (Tôkaidô Hodogaya). Les « Trente-six vues du mont Fuji » (Fugaku sanjû-rokkei), 36e vue

La brise fraîche
emplit le vide ciel
de la rumeur du pin
Onitsura

  • Bouddhisme zen

De son côté, le bouddhisme zen invite l’homme à se connecter à son monde intérieur.

En art, une grande importance est accordée à l’espace vide, métaphore du silence nécessaire à l’apparition de la vision intérieure. Car la nature du Bouddha ne peut se manifester, ni l’état d’éveil spirituel être atteint, si l’espace intérieur du sujet se trouve encombré et si son esprit fourmille de pensées. En peinture, le vide et la brume renvoient souvent à cet état d’ouverture, d’écoute intérieure, manifestation de la nature de Bouddha, de l’éveil. Des caractéristiques que l’on relève dans certaines peintures, par exemple dans Bois de pins de Hasegawa Tôhaku (1539-1610). extrait Style Japon de Calza Gian Carl édition Phaidon

L’un de mes coup de foudre est ce chef-d’œuvre de la peinture monochrome à l’encre noire sur deux paravents byōbu-e, qui représente un bois de pins dans le brouillard.

Ils évoquent un état atemporel dans un espace profond et dilaté : c’est le vide du bouddhisme zen. extrait Le Japon Rossella Menegazzo Hazan Guide des arts

© Hasegawa Tohaku (1539-1610), partie droite du Shôrin-zu (Bois de pins), encre sur papier, 16ème, Musée National de Tokyo, Japon

Un pin ne me semble véritablement pin qu’enveloppé de brumes ou de nuages.[…] Le fond brumeux, traversé par une pâle lumière hivernale, entraîne le spectateur dans les profondeurs de la forêt, peut-être en direction du sommet enneigé visible sur la droite, ou dans les méandres d’invisibles sentiers entre les arbres. extrait Petit éloge des brumes de Corinne Atlan

    • Us et coutumes

Les branches et les aiguilles de pin symbolisent la joie, une longue vie ou l’éternité.

Vent dans les pins –
Des aiguilles de pin tombant sur l’eau
le son agréable
Matsuo Bashô (1644-1694)

Associé au bambou take, symbole de pureté, de noblesse, de force et de souplesse, le pin évoque le Nouvel An. La coutume veut que l’on dépose de part et d’autre d’une porte d’entrée de mi-décembre au mi-janvier un kadomatsu littéralement «pin du seuil » pour accueillir le dieu shinto du nouvel an, Toshi-gami, afin de protéger le foyer. Par contre, dans le quartier des geisha à Kyoto,  dénommé Gion, le kadomatsu se limite à un pin avec ses racines et symbolise la croissance éternelle.

A la fin,  cette offrande est brûlée avec les autres décorations du Nouvel An au temple shintô et la fumée qui s’en échappe permet au kami de l’an de repartir.

DOMAINES DE L’ART
  • Art du jardin

La manière dont une touffe d’aiguille de pin est fixée sur une branche, le rapport de cette branche aux proportions de l’arbre, la façon dont ses racines l’ancrent dans le sol, tout cela manifeste la simplicité et l’équilibre naturel du pin. extrait Ryokan. Séjour dans le Japon traditionnel Gabriele Fahr-Becker Editions Könemann

Le pin est indissociable du jardin japonais qui est toujours ingénieusement composé. Tailler et façonner le pin pour lui donner une forme précise et gracieuse, cela exige un savoir-faire millénaire. Un jeune surgeon peut être coupé et ligoté à l’aide de fils de fer et de ficelle durant des années jusqu’à ce qu’il atteint l’aspect désiré par le jardinier.

Le pin de Sumiyoshi et en arrière-plan le pavillon Shōkintei. Villa de Katsura, Kyōto, XVIIe siècle

Lors de mon 1er voyage en 2012, j’ai visité la sublime Villa impériale Katsura près de Kyoto. redécouverte par l’architecte allemand Bruno Taut en 1933 qui disait : « A Katsura, les yeux pensent ! ».

Suite à cela, cet ermitage princier a influencé d’autres pionniers de l’architecture : Walter Gropius, Wies ven der Rohe, Le Corbusier, Franck Lloyd Whright.

Mon regard s’est porté sur le pin solitaire de Sumiyoshi. Autrefois, à sa gauche, il y avait le pin Takasago cités dans la préface de l’Anthologie de la poésie ancienne et moderne Kokin Wakashû. (lire plus bas Théâtre Nô)

Deux autres pins révérés par les artistes dans les estampes, sont la preuve vivante de cet art : Tsuki no Matsu et Yogo no Matsu.

L’actuel Parc d’Ueno se trouve sur une terre qui appartenait autrefois au Temple Kanei-ji, le temple familial des shoguns (chefs militaires du Japon jusqu’au milieu du 19e siècle). Dans un des coins du parc se dressait le Tsuki no Matsu (Pin de la Lune), surplombant l’Étang Shinobazu-no-ike. Ses élégantes branches circulaires étaient l’œuvre d’horticulteurs. Les gens raffinés croyaient y distinguer une pleine lune, s’imaginant en train d’admirer le superbe astre illuminer la nuit. source Niponica 22

© Utagawa Hiroshige, Uenosannai Tsuki no Matsu, 1857

Yogo no Matsu du temple Zenyo-ji à Tokyo est un pin noir du Japon vieux de plus de 600 ans. Avec ses 8 m de haut et ses branches s’étendant sur 31 m d’est en ouest et sur 28 m du nord au sud, ce magnifique arbre exhale une grâce divine qui convient parfaitement à son nom Yogo, qui signifie « la révélation des divinités et du Bouddha » source Niponica 32

A l’art du jardin se rajoute le bonsaido, l’art des bonzaïs qui réunit ciel et terre dans un pot.

  •  Architecture et routes

L’architecture traditionnelle est fondée sur l’amour du bois, elle encense la force et la splendeur de la nature.
Les matériaux d’ameublement et de construction, comme l’ossature d’une maison, sont confiés à divers espèces de pin :

Akamatsu I Pinus densiflora I Pin rouge
Kuromatsu I Pinus Thunberghii I Pin noir

A l’époque d’Edo, les routes furent en général balisées à chaque ri (1 ri = 3.9 km) au moyen d’un pin matsu. On y trouve encore des pins solitaires ippon matsu qui rappellent l’emplacement de ces étapes importantes ichirizuka.

Des pins sur chaque île –
le bruit du vent
est frais
Shiki

  • Poésie et sites célèbres  I  Meisho

Plusieurs fameux poètes, dont Saigyō (1118-1190), « passionnés de meisho », récoltaient pendant leurs pérégrinations de précieux souvenirs : aiguilles de pin, grenouille séchée, coquillage….

Même ici le cœur s’ennuie
de nouveau le désir de s’envoler
et ce pin restera seul
vraiment seul
sans ami
chap X vers le pays Sanuki 11, Vers le vide de Saigyô

À l’époque d’Edo, le lettré confucianiste Shunsai Hayashi,Gahō Hyashi (1618-1680), a nommé les trois plus beaux paysages du Japon, les Nihon Sankei  : Amanohashidate, la baie de Matsushima et l’île de Miyajima.

Leur point commun ? Des pins murmurants au bord de rivages sableux.

Amanohashidate, littéralement « passerelle céleste » dans la préfecture de Kyoto, une langue de sable plantée de plus de 6000 pins dont certains atteignent une hauteur de 40 m.  Je me suis rendue lors du 2ème voyage en 2013.

Est-ce pour admirer pins et cyprès ?
La brise parfumée
souffle bruyamment
Matsuo Bashô (1644-1694)

La baie de Matsushima, au nord de Kyoto, parsemée d’environ 260 îlots couverts de pins maritimes. Célébrée dans un haïku par le poète Basho (1644-1694) qui, resté sans mots face à un tel paysage, il a usé de la répétition pour exprimer sa beauté captivante.

Oh, Matsushima !
Oh, Matsushima, ah !
Oh, Matsushima !
Matsuo Bashô (1644-1694)

Depuis, d’autres paysages ont gagné en reconnaissance comme Miho-no-Matsubara. Une plage impressionnante, longue de 7 km et couverte de plus de trente mille pins a été inscrite au patrimoine culturel mondial en tant qu’élément du mont Fuji en juin 2013.

L’ukiyoe de Hiroshige Utagawa (1797-1858) et des poèmes waka témoignent de sa beauté.

© Utagawa Hiroshige, Miho no Matsubara
© Aflo, Niponica 13, Miho no Matsubara

Serais-je le seul
À leur demander abri ?
Non, les blanches vagues
Elles aussi, les harcèlent
Les sveltes pins du rivage
poème de Tsurayuki-shū

Ce lieu est connu aussi pour l’ancien conte Hagoromo-no-Matsu « La robe de plume » qui donna lieu à une célèbre pièce de , Hagoromo.

Une divinité céleste, descendue sur une plage pour se baigner, abandonne sa robe de plumes sur le sable. Un pêcheur s’aperçoit et, désirant la jeune beauté, cache sa robe. Elle n’a plus alors d’autres ressources que de devenir l’épouse du pêcheur. Après lui avoir donné des enfants, elle prie son mari de lui rendre la robe de plumes. Celui-ci ayant cédé à son désir, elle retrouve sa nature divine, et avant de regagner son domaine céleste, danse pour remercier le pêcheur.[Bibl. -ar René Sieffert, In Nô et Kyôgen, Paris 1979] Le Japon Dictionnaire et civilisation Louis Frédéric Collection Bouquins

  • Théâtre Nô

Parlant du théâtre , le seul décor est la peinture d’un pin sur le paroi arrière de la scène.

Takasago, titre d’une célèbre pièce de théâtre de Nô : un vieux couple révèle à un religieux bouddhiste qu’ils sont les esprits de deux pins vénérables sur la plage de Takasago. Cette pièce, parfois intitulée Aioi no Matsu (Les pins d’une vie partagée) écrite par Zeami d’après un poème de KIi no Tsurayuki apparaissent dans sa préface au Kokin waka-shû, traite de la fidélité de dieux vieillards ayant vécu ensemble toute leur vie. (Bibl : René Sieffert, Nô et Kyôgen, Pubu. orient de France, Paris 1979) Le Japon Dictionnaire et civilisation Louis Frédéric Collection Bouquins

Le pin de Takasago est un symbole d’extrême longévité.

Je n’ai guère envie
de m’entendre dire :
comment, toujours en vie ?
ce que pourrait penser le pin de Takasago
me remplit de confusion
poème Kokin waka rokujō (no 3057)

  • Art du tissage

Les tissus de kimono comportent des motifs représentant les fleurs de saison et leurs couleurs ou des motifs de bon augure et significations magiques. Le pin matsu symbolise la longévité, puis l’hiver, lorsqu’il est associé à la neige ou à deux autres compagnons des grands froids : le bambou take et le prunier ume.

  • Céramique

Les ouvrages en céramique tôgei, considérés comme le sommet de l’énergie créatrice artistique, ont les couleurs qui s’harmonisent avec celles de la nature et des saisons.

 

 

À Suminoe
Plus le vent d’automne
Souffle sur les pins
Plus les vagues blanches au large
Y ajoutent leur fracas
Ōshikōchi no Mitsune, 
Kokin shū, « Célébrations », poème no 360

 

11/2022

KIMONO  I  symbole du JAPONISME

°°°

A la différence de l’enthousiasme de la noblesse du XVIIIe siècle pour la Chine, le japonisme s’est répandu grâce à l’Exposition universelle de Paris en 1867.

Dès les XVIIe et XVIII siècles, la manufacture de Lyon s’inspira des motifs de l’ornementation japonaise pour créer ceux des soieries ; tandis qu’à Chantilly et à Saint Saint-Cloud, l’on copiait les porcelaines de Kakiemon et les Nabeshima. Enfin, les meubles de laques étaient appréciés de Madame de Pompadour et de Marie-Antoinette, qui en firent collection. Mais, ces phénomènes étaient plutôt les dernières manifestations de la mode des chinoiseries. extrait Japon, la vie des formes Shuichi Kato Bibliothèque Des Arts

Pavillons chinois et japonais, Exposition universelle, 1867 © Le Monde illustré, 1867

Le public fut fasciné par le pavillon japonais et la découverte du kimono porté par les premières femmes japonaises venues en Europe et accueillies avec une curiosité extrême.

On peut affirmer que le kimono est le symbole national du Japon et conjointement du japonisme en Europe qui gagna par la suite l’Occident. Nous allons découvrir pourquoi il a été une source d’inspiration autant pour les peintres que pour les créateurs de mode et les écrivains.

PEINTURE

A Londres, la première exposition d’art appliqué japonais de 1854 et l’Exposition universelle de 1862 ont été le détonateur de l’intérêt des artistes pour le Japon, mais le terme japonisme né en 1867 avec l’Exposition Universelle de Paris.

La découverte de l’art japonais, notamment à partir de l’Exposition universelle de Paris en 1867 et de l’afflux d’objets japonais, déclencha un mouvement artistique appelé japonisme. Il touche de nombreux artistes à la recherche d’une nouvelle voie créatrice et l’impact de cet art, soit dans les motifs, soit dans les techniques (composition, couleurs, contours, etc… fut considérable. extrait Quand le Japon s’ouvrit au monde Francis Macouin , Keiko Omoto Émile Guimet et les arts d’Asie Collection Découvertes Gallimard (n° 99)

Hayashi Tadamasa (1853-1906), interprète durant l’exposition universelle, puis traducteur de documents sur l’art japonais et marchand, a joué un rôle fondamental dans l’histoire du japonisme durant son séjour à Paris de 1878 à 1893, et à la fois en tant qu’ami des peintres (Claude Monet, Camille Pissaro, Paul Renouard), des intellectuels et des hommes de lettres (Edmond de Goncourt, Émile Guimet, Félix Régamey).

Puis, Louise Mélina Desoye (1836-1909) a été l’unique femme qui a contribué à la première vague du japonisme en vendant dans sa boutique des produits importés du Japon. Ce lieu a été fréquenté par les peintres de la vague « japonisante » dont le précurseur anglais James Whistler : installé à Paris dès 1855, ses œuvres ont diffusé l’impressionnisme en Angleterre et aux États-Unis.

© Free Gallery of Art, Smithsonian Institution Washington, Caprice en pourpre et or n° 2. Le paravent d’or, 1864, James McNeill Whistler
© Smithsonian’s Museum of Asian Art Whashington, Rose et argent : La Princesse du pays de la porcelaine, 1863-1865, James McNeill Whistler

Toujours à Paris, Samuel Bing (1838-1905) marchand et critique d’art, collectionneur et mécène français d’origine allemande) avait acquis des milliers d’estampes japonaises qu’il a reproduites de 1888 à 1891 dans sa revue mensuelle Le Japon artistique. Documents d’art et d’industrie publiée simultanément en français, anglais et allemand. En 1890, il a enfiévré le monde avec l’exposition de 725 peintures et 428 livres illustrés japonais à l’École des Beaux-Arts de Paris.

A partir du mois de juillet 1893, la revue littéraire et artistique La Revue Blanche, publie en couverture une estampe en noir et blanc d’un peintre de la mouvance symboliste : Bonnard, Vouillard, Roussel, Manet, Monet, Pissaro, Renoir…

© Pierre Bonnard, La Revue Blanche

Certains artistes qui collectionnaient des estampes ont fini par changer la technique et la forme de leur art, comme Henri Toulouse-Lautrec et Vincent Van Gogh. Ce dernier, écrivait du Sud de la France à son frère « Ma vie devient ici de plus en plus celle d’un peintre japonais ». (cf. article 8/2021 Iris, le radieux). A sa mort en 1890, son médecin a trouvé un carton de quatorze estampes près de son lit.

Parallèlement, les contrastes des couleurs des kimono ont également influencé la palette des artistes.

[…] dès 1890, l’Art Nouveau s’inspira des lignes souples et des motifs floraux des tissus japonais, des poncifs de papier, ainsi que des estampes de couleur. extrait Japon, la vie des formes Shuichi Kato Bibliothèque Des Arts

L’estampe, perçue en Europe comme une nouvelle forme d’expression artistique, a connu un immense succès, nombreux peintres y ont puisé leur inspiration :

  • en Angleterre : Aubrey Beardsley ;
  • en France : Jacques-Joseph (James) Tissot, Edouard Manet, Claude Monet, Edgar Degas, Gustave Moreau, Henri Toulouse-Lautrec et Vincent Van Gogh ;
© Boston Museum of fine art, Claude Monet, Madame Monet en kimono, La Japonaise 1876
© Albi Musée Toulouse Lautrec, Toulouse-Lautrec en kimono, avec éventail et poupée japonaise, 1890
François Gauzi (1862-1933), Portrait de Lili Grenier en kimono devant un paravent
© Lili Grenier en kimono, Henri de Toulouse-Lautrec, 1888
  • en Belgique : Alfred Stevens ;
© Domaine Public, Alfred Stevens (1823-1906) La Parisienne Japonaise
© Domaine Public, Alfred Stevens (1823-1906) Yamatori
  • au Pays Bas : George Hendrik Breitner ;
© George Hendrik Breitner, Girl in red kimono, 1894
© Breitner George Hendrik – Girl in a Red Kimono Before a Mirror
  • en Autriche : Gustave Klimt ;
© Gustav Klimt, Femme en Kimono
© Gustav Klimt, Le baiser, 1909
  • en Allemagne : Otto Eckmann et Emil Orlik.

Malgré la fascination exercée par le Japon sur ces artistes, aucun n’a fait le voyage pour le découvrir ou confronter leurs idées à celles des artistes japonais !

A l’inverse, des artistes japonais se sont rendus à Paris – devenu centre artistique de l’Europe grâce aux impressionnistes – pour apprendre les nouvelles techniques de la peinture et fini par peindre « à l’occidentale » : Kuroda Seiki, Saeki Yûzô, Aoki Shigeru, Kihida Ryûsei, Fujita Tsuguji qui s’est fait naturaliser français…

© Centre de recherches de la Tôkyô kokuritsu bunkazai, Kuroda Seiki, Au bord du lac, 1897
© Kuroda Seiki, A Maiko Girl 1893
© Ryusei Kishida
© Ryusei Kishida, Reiko, Girl of Japan art detail, 1918
MODE

Les soieries japonaises ont envouté les artistes, mais également les femmes qui les arrachaient des mains des marchands.

Leur charme tout particulier provient de leurs motifs fantastiques, aux mille couleurs, dans lesquels jouent et s’entremêlent merveilleusement des rameaux en fleurs, de fines pousses de roseau, des oiseaux en vol et d’étonnantes formations de nuages. La magie multicolore de ces étoffes, absolument délicieuses et incomparables, provient surtout du fait que la signification propre du motif décoratif – comme il est de règle pour un motif – s’efface dans l’effet d’ensemble de la pièce. Il y a là des juxtapositions de couleurs d’un effet si inhabituel, d’un attrait si vif que l’on comprend bien la frénésie avec laquelle les mains de nos élégantes se tendent vers ces exquises pièces de tissu. (propos de Lessing Julius, historien de l’art allemand, extrait Japonisme WICHMANN Siegfried Edité par Chêne/Hachette

Entre 1860 et 1920, l’attitude et les gestes de la parisienne ont été influencés par le kimono.

« Quand les cultures tribales ont choisi le tatouage et la peinture du corps comme vêtement incarné, l’Occident a choisi le vêtement comme peau sociale, les deux muant le corps brut en corps culturel » note Thomas Lentes dans Qu’est-ce que la mode ? Cette notion de « peau sociale » semble s’appliquer parfaitement au vêtement traditionnel japonais, soumis au contraintes de la hiérarchie sociale tout en étant une représentation extrêmement brillante d’une partie du « corps culturel » nippon. En effet, le kimono n’est pas seulement manifestation d’une appartenance sociale et parure, il est aussi philosophie, esthétique, poésie, il est art : un art portable. extrait Kimono d’art et de désir Aude Fieschi Editions Picquier

Issey Miyake écrivait dans le livre Kimono de Sylvie et Dominique Buisson que plusieurs créateurs de mode occidentaux ont subi l’influence orientale tandis que ceux japonais sont partis de la mode occidentale pour obtenir leur originalité.

Frederick Worth (1825-1895), couturier français d’origine britannique et l’un des fondateur de la haute couture à Paris, s’est inspiré des tissus japonais et du kimono pour la création de ses robes.

Par la suite, le célèbre Paul Poiret (1879-1944) créa en 1910 un manteau kimono et des robes.

Frederick Worth
Paul Poiret
LITTÉRATURE

L’influence du Japon s’est déployée non seulement dans les arts plastiques mais aussi en littérature, d’où le terme de japonisme littéraire.

Les écrivains ont pressenti très tôt la fascination que présentait le Japon. De la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, certains écrivains composaient dans le « goût japonais » par exemple Judith Gautier, autrice de plusieurs romans et nouvelles inspirés par l’histoire japonaise et Pierre Loti avec Madame Chrysanthème.

L’idéal féminin que donnent les livres de Pierre Loti est le personnage de Madame Chrysanthème Okiku-san qui enchantait Van Gogh, culmina finalement dans le doucereux plagiat de Madame Butterfly et apparaît comme une métaphores romantique de la réalité. Auguste Rodin lui-même, fut captivé par la danseuse Hanako. extrait Japon, la vie des formes Shuichi Kato Bibliothèque Des Arts

© Domaine public, Danseuse Hanako
© Musée Rodin, Rodin, Hanako 1907

En guise de conclusion :

L’influence de la culture japonaise sur l’art occidental  du début du XXe siècle est indéniable et se manifeste d’innombrables manières. Les aspects les plus variés ont ainsi vu le jour : compositions asymétriques, nouveaux thèmes inspirés de la nature ou de la société, respect du vide, c’est-à-dire « amour du vide » qui vient remplacer l' »horror vacui », et beauté des lignes, entre autres. extrait Ryokan, Gabriele Fahr-Becker édition Könemann

10/2022

L’OMBRELLE KASA  I  ACCESSOIRE DU KIMONO

°°°

© Utagawa Kunisada, Chutes de neige au crépuscule à Ueno

Étroitement liés à la vie quotidienne, tous les supports artistiques japonais impliquent un mouvement dans l’espace et un rythme dans le temps. La peinture se roule et se déroule, le paravent se déplie, le kimono n’a d’existence que porté, les laques sont toujours utilitaires. Les Japonais aiment ainsi à se définir à travers des objets idéals, des fictions codées qui transforment le réel en quelque chose de sacré, et à transformer les gestes en rituels. extrait Le corps japonais de Dominique Buisson

Pour faire écho, je rajouterais l’éventail et l’ombrelle kasa à qui je dédie ce dernier article en tant qu’accessoire du kimono.

Après une brève présentation de ses origines, j’aborde son mode de fabrication et les modèles selon leur usage, ainsi que sa place dans la croyance populaire.

ORIGINE

Les premières ombrelles rigides auraient été découvertes parmi les tributs envoyés par le roi de Kudara, une ancienne province coréenne, à l’empereur Kimma (539-571).

Avant cela, les femmes portaient des chapeaux larges et plats, en fibres végétales tressées (bambou ou cyprès).

@ BNF, L’aubergine, Harunobu Suzuki (1725-1770)

Quittons-nous –
Je porte des vêtements d’été
et kasa à la main
Bashô (1644-1694)

Ici, un aperçu en images de divers modèles de chapeaux pour femmes et hommes dont les paysans et les moines pèlerins.

© Domaine public , Kusakabe Kimbei via Wikimedia Commons

Durant Edo (1603-1868), afin de pouvoir voyager plus aisément à pied, les artisans ont inventé divers objets pliants et légers à base de bambou et de papier : l’ombrelle et la lanterne.

©Tokyo National Museum, Suzuki Harunobu (1725-1770)

Sévère
le bruit de la grêle
sur mon kasa en cèdre !
Bashô (1644-1694)

FABRICATION

La monture des kasa est faite de bambous fendus et sur le réseau flexible des branches on tend du papier washi huilé imperméable, décoré ou pas de peinture ou logo. Les kasa pour femmes sont plus grands que ceux des hommes et comptent 40 baleines au lieu de 50.

Les kasa sont souvent représentées dans les estampes ukiyo-e  « images du monde flottant » puis dans les premiers photographies.

LES TYPES DE KASA

La forme du kasa traditionnel est immuable, par contre, il change de nom selon sa conception et son utilisation.

  • higasa ombrelle qui protège du soleil éviter que la peau ne se hâle
  • amagasa contre la pluie

Nous logeâmes dans une hutte au pied de la montagne. Il feraient une nuit noire et sans lune, et je me sentis engloutie et perdue dans l’obscurité, lorsque trois chanteuses apparurent, venant on ne sait d’où. […] Nous les déposâmes devant notre logement, à l’abri d’un grand karakasa. Mon domestique alluma un feu afin que nous puissions les voir. extrait Sarashina nikki de Sugawara no Takasue no Musume

  • bankasa comporte le kamon symbole de la « maison » ou le nom de l’établissement  (ryokan, hôtels…) tenue à la disposition des clients
  • jya no me gasa littéralement parapluie « œil de serpent » car le dessin en cercle y ressemble

Les artisans de Kyoto excellent dans la fabrication des ombrelles et ont rapidement adapté leur technique traditionnelle aux goût modernes.

Les ombrelles de type occidental sont appelés kômorigasa littéralement « parapluie en forme de chauve-souris ».

A l’ère Meiji (1852-1912), le prix des premières ombrelles occidentales était exorbitant, synonymes de luxe et de raffinement.

Elles étaient fabriquées à partir de matériaux tels que le coton et le lin, avec des pampilles en soie sur la poignée et la pointe pour souligner leur élégance. source web-japan

CROYANCE POPULAIRE

Dans le folklore, le kasa-obake littéralement « esprit-ombrelle » est un monstre yōkai de la famille tsukumogami composée d’objets du quotidien qui peuvent prendre vie après 100 ans d’existence. Il a la forme d’une ombrelle traditionnelle pourvue d’un œil, d’une langue, de deux bras et d’une seule jambe. Il n’est pas redoutable, mais tout simplement… dégoutant. Pour en savoir plus, cliquez ici

 

9/2022

KIMONO   &   ART DU maquillage traditionnel

Artifice ou célébration de la beauté ?

°°°

Exquise et étrange, avec son air de froide déesse qui regarde en dedans, qui regarde au-delà, qui regarde on ne sait où.
Pierre Loti

Le maquillage traditionnel, contrairement à la coiffure et au vêtement, a évolué légèrement entre l’Antiquité et le XIXe siècle. En dissimulant ses traits, la femme était devenue une abstraction qui ne prenait de sens que dans la rigidité des codes sociaux propres à chaque époque.

Durant Heian (794-1185) « La très longue chevelure, objet de nombreux poèmes, mettait en valeur le blanc du visage qui s’appliquait en couche de plus en plus épaisse et se répandait chez les courtisanes et les jeunes danseuses. Les yeux étaient étirés et la bouche rouge, menue à l’extrême. L’ensemble devait apparaître comme immatériel et inexpressif car la dame se devait d’afficher un léger masque de détachement et d’ennui pour mettre un paravent à l’expression de ses sentiments. L’esthétique qui en résulte imprégna longtemps l’esprit du maquillage. Cette incertitude mélancolique, cette opposition de sensualité et d’inexpression, cette corrélation étroite entre la beauté et la tristesse marquèrent la naissance du goût japonais. » extrait Le corps japonais, Dominique Buisson, Editions Hazan

Depuis le 6 janvier 1869, date du décret impérial qui a interdit le fard d’un autre âge, seuls les geisha, les maiko et les acteurs de kabuki maintiennent cet art vivant.

Mon article dévoile les secrets de maquillage à travers sa palette de base – blanc, noir et rouge – ainsi que les soins du visage et, pour finir, quelques accessoires remarquables par leur raffinement.

BLANC

Une peau blanche était, comme dans la plupart des société aristocratiques, un signe de beauté. Dans les peintures représentant les messieurs et les dames de la cour, les gens d’un rang supérieur avaient toujours des visages plus pâles. La nature ne respectant pas toujours cette distinction, la pâleur nécessaire était acquise au moyen de généreuses applications de poudre. extrait La vie de cour dans l’ancien Japon au temps du Prince Genji, Ivan Morris, Collection La Suite des temps, Gallimard

@ Artmemo, Goyo HASHIGUCHI (1880 – 1921)   Jeune femme se poudrant

« Un visage blanc cache beaucoup de défauts » – proverbe

[いろのしろいのはしちなんかくす, iro no shiro no wa shichinan kakusu] « Iro no shiro » désigne la blancheur d’un visage de femme, 七難 – しちなん- shichinan ; désigne les 7 infortunes bouddhistes et dans son sens figuré un grand nombre de défauts. Il faut se méfier des apparences. 

Pour cela, on employait une poudre blanche – keifun blanc de mercure ou o-shiroi blanc de céruse (en dépit du Saturnisme dû au plomb !) – fondue dans l’eau et appliquée avec des pinceaux sur le visage, le cou, la nuque et le décolleté qui étaient enduits auparavant de l’huile de camélia bintsuké-abura. Après Edo (1603-1868), ces poudres nocives ont été remplacées par une pâte non métallique neri-o-shiroi et la poudre kona-o-shiroi.

Les geisha mettent en valeur leur nuque en la blanchissant, mais gardent nus trois triangles de peau naturelle dénommés « trois jambes » sanbon-ashi (les apprenties maiko n’ont que deux !). Ce minime détail invite à l’érotisme en laissant imaginer les secrets d’une intimité interdite.

makeup guide | Geisha

Aujourd’hui encore, la blancheur de la peau demeure la condition première de la beauté. En été, la japonaise cache son visage du soleil sous des chapeaux, des ombrelles,… et les bains de soleil font défaut à sa culture.

NOIR

Le noir est inhérent aux coutumes de passage de l’existence féminine, de l’enfance à l’âge adulte.

  • Les sourcils

La coutume d’épiler ou de raser les sourcils  existait en Chine pendant la première dynastie Han et fut importée au Japon. L’aristocrate et la femme des samuraï se rasaient les sourcils à partir de la maturité (13 ans) tandis que la femme du peuple, une fois mariée ou devenue mère, coutume dénommée hongenpuku.

A la très aristocrate époque Hein, le goût était à l’extrême délicatesse et le maquillage se japonisa. Les sourcils étaient alors les éléments les plus importants de la beauté. On les détestait naturels et on épilait « ces horribles chenilles » afin de les redessiner, généralement plus haut sur le front. Au début, c’était des croissants fins et longs, mais les plus spectaculaires étaient larges et estompés. Plus tard, on les nomma « feuilles de saule », « croissants de lune », « antennes de papillon », « cocons de soie ». extrait Le corps japonais, Dominique Buisson, Editions Hazan

@ Artmemo, Shodo YUKAWA Beauté de l’époque Heian (794-1185)

On redessinait les sourcils rasés avec du noir mayuzumi obtenu par un mélange de fleurs brûlées, de poudre d’or, de suie et d’huile de sésame ou par de la pelure de châtaigne, du charbon de paulownia.

Dans l’ouvrage Kewai mayuzukuri kuden La tradition du maquillage des sourcils,  Mizushima Bokuya détaille les règles pour dessiner les sourcils et les accessoires nécessaires.

  • Les dents

La coutume detsushi ou kanetsuke qui consistait à se noircir les dents était usitée par les femmes et les hommes de classes supérieures jusqu’à l’ère Meiji « pour se différencier des esclaves et des animaux » (à la période de Tokugawa (1603-1867) les prostituées appelées « les mariées d’une nuit » également).

D’abord réservé aux dames de la cour, le o-haguro, le noir à dents, est adopté par les hommes et se répand dans les meilleurs guerriers ; puis son usage est à nouveau restreint aux femmes du peuple. Parallèlement, ce signe de l’accès à l’âge adulte devient celui du mariage : couleur inchangeante, symbole de la fidélité et de l’obéissance des femmes. Abolie en 1870, la coutume du noircissement des dents subsista longtemps dans les campagnes reculées. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

© Kitagawa Utamaro, Museo Nacional del Prado

La poudre hagurome était composée de débris de fer oxydés et de noix de galle fushi, dissoute dans du thé ou du saké.

ROUGE

Sur ce fond blanchâtre, les femmes mariées appliquaient généralement un peu de rouge, elles peignaient également leurs lèvres pour donner à la bouche l’aspect d’un bouton de rose. extrait La vie de cour dans l’ancien Japon au temps du Prince Genji, Ivan Morris, Collection La Suite des temps, Gallimard

Le rouge beni-guchi, extrait de benibana*, plante de la famille du chrysanthème Carthamus tinctoris, servait pour rougir les lèvres, les joues et parfois pour le contour des yeux afin d’éclairer l’iris et creuser un peu l’arcade.

@ Artmemo, Goyo HASHIGUCHI (1880 – 1921)   Jeune fille se mettant du rouge à lèvres

Elle est mignonne, fine, élégante ; elle sent bon. Drôlement peinte, blanche comme du plâtre, avec un petit fond rond rose bien régulier au milieu de chaque joue ; la bouche carminée et un peu de dorure soulignant la lèvre inférieure. extrait Japon, Erwin Fieger, L’iconothèque

*Entre parenthèse, ces agents colorants de benibana servirent pour teindre les tissus, puis à partir du XVIIe dans la fabrication des encres d’imprimerie pour les estampes ukiyo-e de type benizuri-e et beni-e.

LES SOINS

A l’époque Edo 1813  est paru un ouvrage sur l’esthétique intitulé Le Guide de la beauté dans la capitale Miyako fûzoku keshôden de Sayama Hanshichimaru et illustrations de Hayami Shungyôsai.

  • Le visage

Les femmes utilisaient des sachets de tissus nuka-bukuro remplis de son de riz hydratant nuka, de plantes médicinales ou aromatiques, de poudre de haricots rouge azuki nettoyante araiko qui contenait de la saponine. Elles plongeaient les sachets dans l’eau chaude puis les essoraient avant de frotter leurs visages.

Cent belles femmes dans des sites célèbres d’Edo : La colline Goten-yama, Utagawa Toyokuni III, 1858 © POLA Research Institute of Beauty and Culture
  • Les dents

On utilisait une brosse à dents fusayôji en bois de saule, de cèdre ou de bambou sur laquelle on mettait du sel ou une poudre abrasive rouge mêlée à des parfums.

@ Yoshitoshi, Fine Art Print

Source : catalogue de l’exposition Secrets de beauté, Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises à la Maison de la culture du Japon à Paris 

ACCESSOIRES
@ Artmemo, Kitagawa UTAMARO (1753-1806) La courtisane Takashima Ohisa

Voici un aperçu de quelques accessoires qui ont été présentés du 19 mai au 10 juillet 2021 lors de l’exposition Secrets de beauté, Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises à la Maison de la culture du Japon à Paris

@ Maison de la culture du Japon à Paris

@ TACHIBANA MUSEM JAPAN

SECRETS DE BEAUTE

Michiyo Watanabe du POLA Research Institute of Beauty & Culture nous éclaire sur les rituels du maquillage des Japonaises de l’époque Edo. Fard blanc, rouge à lèvres, dents noircies ou encore sourcils rasés signifient souvent bien plus qu’une simple mise en valeur esthétique de ses atours. Elle nous explique en quoi le maquillage était souvent le reflet d’une position sociale ou d’un statut marital.

 

8/2022

KIMONO  I  COIFFURES & ORNEMENTS

°°°

La coiffure a évolué parallèlement au vêtement et sa diversification a entraîné l’essor des ornements de cheveux, les seuls bijoux qui décoraient et mettaient en valeur la chevelure de jais des élégantes : peignes kushi,  piques kôgai,  épingles kanzashi. En outre, elle variait selon l’âge et le statut social des femmes, sans oublier les femmes artistes geisha, les femmes galantes asobi-bito et les courtisanes yûjo.

COIFFURES

Pendant la période Heian (794-1185), la chevelure était une obsession même dans les conversations des dames. Les aristocrates laissaient pendre leurs cheveux lisses, brillants, séparés en deux par une raie, immensément longs, sauf les mèches latérales coupées à une longueur de 30 cm, coiffure dénommée taregami.

Japan's Love-Hate Relationship With Cats | Arts & Culture| Smithsonian Magazine

Haru no kuni
koi no mikuni no

asaborake
shiruki wa kami ka
baika no abura ?
En ces deux pays
du printemps et de l’amour

pour moi l’aurore…
Preuve n’en est-ce dans mes cheveux
le baume aux fleurs de prunier ?

Yosano Akiko

Dans son Journal, Murasaki Shikibu, lorsqu’elle aborde les cérémonies du Jour de l’An (1008), fait le portrait de onze dames éminentes de la Cour (la taille, le maintien du corps, le kimono et ses couleurs, la forme du visage et le maquillage, les cheveux et ses ornements, l’esprit….).

La dame Dainagon est très petite, raffinée, blanche, belle et ronde, quiconque très hautaine de maintien. Ses cheveux sont trois pouces plus longs qu’elle. Elle se sert d’épingles à cheveux délicieusement sculptées. Son visage est exquis, ses manières raffinées et charmantes.

Les cheveux de cette beauté avait donc 10 cm de plus que sa taille ! Mais la longueur la plus impressionnante (1,80 m) relatée par Murasaki dans Le Dit du Genji I Genji Monogatari est celle de la Princesse Ochiba. A l’époque, un homme pouvait tomber amoureux d’une femme grâce à sa chevelure rien qu’en l’apercevant de dos, aussi parce que les femmes dissimulaient leurs visages derrière les manches de kimono, les éventails, les paravents, les rideaux…

Kurogami no
midare no shirazu
uhi fuseba
maza kakiyarishi
hito zo koishiki
Lorsque je pleurais
indifférente au désordre
de mes noirs cheveux
celui qui les démêlait
Ah combien je l’ai aimé

Yosano Akiko

Lors des cérémonies, les femmes attachaient leurs cheveux avec des rubans.

Pour le repas de Madame, huit femmes, vêtues de pareille couleur, les cheveux reliés, noués d’un cordon blanc, se suivent portant les plateaux d’argent blanc. Miya no Naïshi qui ce soir assure le service, en impose toujours par sa beauté grave et nette, mais ses mèches qui retombent, par le contracte avec les cordons blancs, la rendent plus aimable que jamais et son profil a demi caché par l’éventail possède un charme singulier. extrait Journal, Murasaki Shikibu

Murasaki ni
ogusa ga ue e

kage ochimu
no no harukaze nii
kami kezuru asa

 

Comme violacée,
sur les petites herbes

tombe mon ombre ;
au vent de printemps des champs,
matin lissant mes cheveux…

Yosano Akiko

Si une femme décidait de se couper les cheveux avant une reconversion religieuse rakushoku pour se retirer du monde, les assistants pleuraient durant la cérémonie car ils savaient que les cheveux ne regagneraient jamais leur longueur.

J’ai coupé ma chevelure
Et teint
De noir mon vêtement
Mais ce qui demeure inchangé
                   C’est mon cœur.
poème extrait de
Femmes galantes, femmes artistes dans le Japon ancien XIe-XIIIe siècle
par Jacqueline Pigeot

III. Choses qui doivent être courtes
Les cheveux d’une femme de basse condition. il est bon qu’ils soient gracieusement coupés court. extrait Notes de Chevet Makura no soshi, Sei Shônagon

A l’époque AzuchiMomoyama (1573-1603), la Cour imposait aux femmes le port de chignons à la mode chinoise des Tang, à savoir double ou simple sur le haut de la tête. Les chignons des jeunes femmes étaient plus complexes que ceux des femmes mariées, tout comme les manches des kimono et le nœud de l’obi (plus de détails dans mon article Kinomo I Éternelle fascination)

C’est durant Edo (1603-1868) que la coiffure japonaise Nihon-gami est née ainsi que ses techniques. Elle comprenait quatre parties dont la forme a évolué en fonction des modes :

  • les « cheveux du devant » maegami
  • les « cheveux des tempes » bin
  • les « cheveux de derrière » jusqu’à la nuque tabo ou tsuto
  • cheveux enroulés en chignon mage

Les quatre types de chignons de base qui traversent toute la période Edohyôgo-mage, shimada-mage, katsuyama-mage et kôgai-magé répondaient à des règles fixes en fonction notamment de la classe et du rang social, de l’âge, du statut matrimonial ou encore de la région géographique. extrait Secrets de beauté, Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises, Catalogue Exposition Maison de la culture du Japon à Paris

©Vintag.es

Le style caractéristique du coiffage des tempes on le retrouve dans l’immortelle estampe intitulée Trois beautés de notre temps Kansei san bijin de Kitagawa Utamaro.

@Utamaro (1793) Three Beauties of the Present Day (Tôji san bijin): Tomimoto Toyohina, Naniwaya Kita, Takashima Hisa

Avec la prospérité croissante de la classe marchande, leurs coiffures s’alourdissent de façon à mettre en valeur la finesse de la nuque, tenue pour un gage de la beauté du corps nouvellement prisée. Sous l’influence des geisha, des chignons de plus en plus complexes sont imaginés : les cheveux épaissis à l’huile de camélia, divisés en quatre ou cinq mèches, sont enroulés en coques ou en veloutes sur le sommet de la tête, sur la tempe ou sur la nuque, et fixés à l’aide de cordons*, de peignes et d’épinglés décoratives. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

*cordons, cordelettes de papier motoyui, ou de fils de chanvre asaito ou fils tressé de kumihimo

ORNEMENTS

Dès la période Jomon (vers 8000 av J-C – vers 300 av J-C) apparaissent les épingles à cheveux en os et les peignes étroits avec des dents longues tate-kushi en os, corne ou bambou durci à la laque, certains ornés d’animaux fantastiques chargés de pouvoirs magiques.

Le tate-kushi qui à la base maintenait la coiffure, s’est vu modifier la longueur et ses dents plus courtes pour remplir le rôle de peigne yoko-gushi (le peigne à double endenture tôgushi, peigne à queue kesuji-tate, peigne à dents larges tokigishi..)

@ Rob Michiels Action A collection of 42 Japanese ivory and lacquer Kushi combs and 18 Kougai hair pins, Meiji, 19th C.

A l’époque Heian (794-1185), les cheveux dénoués ont annihilé la fonction ornementale des épingles et des peignes.

Cent belles femmes et sites célèbres d’Edo : Devant le sanctuaire Shibashinmei, Utagawa Toyokuni III, 1858 © POLA Research Institute of Beauty and Culture

Enjiiro wa
tare ni kataramu
chi no yuragi
haru no omoi no
                          sakari no inochi

 

Enfant de vingt ans
dont ruissellent sous le peigne
les longs cheveux noirs…
Tant de beauté il y a
dans le printemps de l’orgueil !

Yosano Akiko

C’est au milieu de l’époque Edo (1603-1868) que peignes et épingles à cheveux se multiplient et se diversifient. La bourgeoisie acquiert alors la suprématie économique et supplante la classe des guerriers : elle promet une nouvelle culture et de nouvelles modes qui lui sont propres. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

Les accessoires kushi peigne, kôgai pique, kanzashi épingle, kamikazari ornement… sont constitués de divers matériaux (écaille de tortue, bois, bambou, nacre, ivoire, agate, verre, or, argent, corne de sabot de cheval ou de bœuf, os de cou de grue pour les extravagants) et utilisent plusieurs techniques (la peinture laquée d’or ou d’argent maki-e, l’incrustation de nacre ou de verre, de cristal, de corail).

@ Trocadero, Rare Japanese Edo Period Silver Gilt Hair Pin

On sait que le peigne n’était pas seulement un accessoire de mode pour la Japonaise, mais aussi une marque de distinction, de dignité ou de rang. C’est ainsi qu’une courtisane réputée porte un grand nombre de peignes magnifiquement ornementés, qui « rivalisent » de splendeur avec sa coiffure. Ses cheveux bleu-noir et l’ivoire blanc (ou la nacre luisante) font naître, avec des bijoux de toutes couleurs, des contrastes intenses. Les peignes étaient souvent assortis au kimono ou au fard très clair du visage, ce qui permettait de créer, là aussi, contrastes ou harmonies suivant la mode de l’époque . Si le peigne répondait à des soucis d’ordre esthétique, et s’il reflétait tel ou tel statut social, il obéissait aussi à une symbolique des saisons. extrait Japonisme, Wichemann Siegfried, Edité par Chêne/Hachette

Les motifs décoratifs raffinés du peigne nous font pénétrer dans un monde miniature, celui de la flore, de la faune, de la littérature,…

Peigne (kushi) « Iris », Japon, fin XIXe siècle Ivoire, nacre et écaille. Musée des Arts Décoratifs © MAD, Paris / Jean Tholance
Rounded comb lacquered with sparrows and bamboo decor – Japan – XIX century Source ©Musée Guimet, Paris
Comb dragonflies decor – Japan – XIX century ©Musée Guimet, Paris

Plusieurs artistes ont représenté des ornements de manière magistrale dans leurs œuvres : Kiyomitsu, Harunobu, Masanobu, Utamaro, Tokyni, Kunisada, Kuniyoshi

Sous l’influence de l’occident, dès l’ère Showa (1926-1989) le port du kimono disparaît de la vie quotidienne et par conséquent la coiffure japonaise et ses ornements aussi. Seules les geisha, les jeunes filles pour le Nouvel An et les mariées utilisent encore ces sublimes bijoux.

COIFFURES DES GEISHA

Les geisha ainsi que les femmes galantes yûjo et les danseuses de kabuki nouent depuis toujours leurs cheveux.

© Japa-mania.fr  / geisha coiffure shimada-mage / maiko coiffure momoware

Pour dormir sans écraser sa coiffure, l’élégante devait dormir sur un oreiller haut de bois rembourré parfois de paille, dénommé takamakura. Un supplice !

Fine Japanese Lacquer Takamakura Geisha Pillow, First Half of the 20th Century
Tamakura ni
bin no hitisuji

kireshi ne wo
ogoto to kikishi
haru no yo no yume
Le bras en oreiller,
un de mes cheveux rompit.

Ce son me parut
être celui d’un koto ;
rêve de nuit de printemps

Yosano Akiko

De nos jours, certaines geisha portent des perruques.

Elle sont faites de cheveux humains fixés sur une carcasse métallique. La chevelure est partagée en mèches, enduite d’huile de graines de camélia et lissée avec des spatules chaudes. Le perruquier est capable de reconstruire entièrement une perruque en vingt minutes, en fixant chaque mèches de cheveux à l’aide d’invisibles bandelettes de papier. Quand tout est terminé, il plante solidement un peigne en écaille et une épingle de corail dans les épais rouleaux de cheveux. extrait Geisha Liza C. Dalby

Ichiban Japan I Documentaire : Une journée dans une maison de Geisha à Kyoto

Uba-tama no
xwaga kuro-kami ya
kawaruran
kagami no kage ni
fureru shira-yuki
A des baies noires jusqu’ici
pareils mes cheveux auraient-ils
changé de couleur ?
Voici qu’au reflet du miroir
est tombée la neige blanche

Ki no Tsurayuki _ Anthologie Kokin Shü _ Livre 10 poème 460

SECRETS DE BEAUTE DURANT EDO

Michiyo Watanabe du POLA Research Institute of Beauty & Culture nous éclaire sur les coiffures des Japonaises de l’époque Edo. Elle nous raconte l’histoire extraordinaire de ces chignons du plus simple au plus sophistiqué. Ornementée d’accessoires et d’extensions choisis – parfois extrêmement lourds et peu pratiques – la coiffure des femmes était, tout comme le maquillage, une source de renseignements précieuse sur leur statut social ou marital. source MCJP

7/2022

NETSUKE & SAGEMONO  I  ACCESSOIRES DU KIMONO

°°°

© Rijksmuseum & Europeana

Le kimono, contrairement au vêtement occidental yôfuku, n’est pas doté de poches. Par ailleurs, le port du sac a été emprunté à la mode occidentale qu’à l’ère Meiji (1868-1912) lorsque le Japon s’ouvrit au monde après plus de deux siècles d’isolement (Sakoku 1633-1854).

Mais avant cela, comment les femmes transportaient donc leurs effets personnels ?

© Bouddha Museum, Netsuke Geisha par Hoyuki

Au début, elles glissaient les objets dans les manches du kimono et sous la ceinture obi  puis, à l’époque Muromachi (1336-1573), des accessoires ingénieux et sublimes virent le jour : le nestuske et les sagemono.

NETSUKE

Netsuke est un minuscule  objet utilitaire (entre 3 et 8 cm) indispensable au kimono qui retient dans l’obi, avec l’aide d’un bouton coulissant ojime, le cordonnet qui attachent les sagemono « choses qui pendent » (découvrez Kyoto Seishu Netsuke Art Museum !).

Les netsuke, quant à eux, étaient de véritables chefs d’œuvre de sculpture miniature, d’os, de bois précieux, de pierre ou de laque, qui représentaient des sujets divers traités le plus souvent avec humour : des dieux et des déesses de la mythologie japonaise, des personnages célèbres ou encore des animaux, avec une préférence pour ceux du signe du zodiaque. Exécuté le plus souvent sur commande, chaque netsuke était une pièce unique. extrait Kimono d’art et de désir, Aude Fieschi, Editions Picquier

© Rijksmuseum & Europeana

© Rijksmuseum & Europeana

© Plazzart

© Ivory and art

Le port du netsuke s’est répandu à l’époque Edo. Plus de 3000 artistes ont été répertoriés ! Leurs créations matérialisaient l’imaginaire des Japonais et exigeaient un sens raffiné de la beauté et une technique artisanale d’une grande méticulosité.

L’aspect le plus frappant des arts nombreux de la période d’Edo est l’intérêt méticuleux avec lequel les Japonais scrutèrent tous les aspects de la nature à la recherche des sujets. Il semble qu’aucun objet, animé ou inanimé, n’ait été trop banal pour devenir le thème d’un minuscule chef d’œuvre. Le goût inné et les normes élevées des artisans pendant ces siècles n’ont jamais été égalés dans aucun autre pays. extrait L’art dans le monde – Japon, Peter C Swann, Edition Albin Michel

© Bristol Museum, Kikugawa school (1840-1860)

© Beaussant Lefèvre

Depuis Meiji, les netsuke et les estampes sont très prisés par les collectionneurs occidentaux qui savent reconnaître leur valeur artistique.

Les katabori-netsuke sont les plus recherchés car ce sont souvent des magnifiques œuvres d’art miniature, représentant soit des masques (de Nô ou de Gigaku) ; des animaux, des personnages de légende, parfois des végétaux, des fleurs, ou des fruits, des poissons et crustacés par exemple. L’imagination des sculpteurs de netsuke (qui étaient parfois aussi des des peintres ou des graveurs sur métal) ne connut pas de bornes. extrait Le Japon, Dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric

© Kyoto Seishu Netsuke Art Museum

SAGEMONO

Les sagemono impressionnent par leurs décorations d’un raffinement extrême. Preuves en images !

>> les bourses kinchaku littéralement « attaché à la ceinture »

© Fine Japanese Kinchaku Purse With Kagamibuta Netsuke, 1900

>> hakoseko  est un petit sac à main porté par une mariée ou des filles lors de la fête des filles au Japon hina matsuri  littéralement « fête des poupées » qui a lieu le 3 mars de chaque année.

© North West Museum Gift of the Yoshitoku Corporation and the Tokushima Prefecture Museum

>> le nécessaire à fumer (kiseru zutsu étui à pipe, tabako-ire blague à tabac)

Longue pipe, à petit fourneau (ganbuki) et embouchure (suikochi) en métal, dont le tuyau rat était en général fait de bambou importé de Laos. A l’époque d’Edo elle était utilisé par ls hommes aussi bien que par les femmes qui utilisaient, pour garder le tabac et recueillir les cendres , une boite spéciale appelée tobako-bon. extrait Le Japon,Dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric

© Met Museum, Pipe and Pipe Case with Tobacco Pouch
early 19th,  Shibata Zeshin

© Bohams, A tabako-ire, a kiseru-zutsu and a kiseru by Myoju, 19th

 

>> les instruments de calligraphie portable yatate

Le yatate est un nécessaire portable pour écrire. Il était utilisé par toutes les classes de la société et par les deux sexes. Il est constitué d’un compartiment contenant un coton imbibé d’encre et d’un étui pinceau (et éventuellement d’un coupe-papier, boulier, compas,…).
Yatate signifie littéralement « Support pour flèches » (Ya
« flèches », Tate « support ». L’origine de ce nom a donné lieu à différentes explications mais la plus communément admise est la suivante :
Autrefois, il était de tradition pour les samurai de transporter dans leurs carquois : la pierre à encre, l’encre et les pinceaux. Ils les utilisaient pour écrire les lettres à leur famille, pour prendre des notes sur le déroulement des batailles et pour rédiger des poèmes. Cet art était très à la mode à la cour et chez les combattants. La pierre à encre, transportée dans le carquois était appelée « Yatate no suzuri ». Le mot yatate est une abréviation du mot yatate no suzuri.
 On ne sait pas bien à quelle époque le yatate a pris cette forme portable telle que nous le connaissons mais des descriptions relevées dans les livres montrent le port du yatate à la ceinture dès le début de l’époque EDO.. extrait Association Franco Japonaise Paris – Bulletin – N°150

© Espace Quatre, Yatate en bois de cerf imitant un tanto et un inro

© Association Franco Japonaise Paris – Bulletin – N°150, Yatate avec pinceau et couteau par Kajikawa

>> inrô porté par les hommes, est une boîte comportant une ou plusieurs cases, destinée à l’origine à contenir le sceau personnel avec la pâte vermillon puis des médicaments.

Pour en savoir plus, lire cet article publié sur Tokonoma magazine en ligne portant sur les arts et les cultures de l’Asie et de l’Extrême-Orient : INRŌ : ÉCHANTILLON DU RAFFINEMENT JAPONAIS

© Paris Musée Guimet – MA5885

© Sothebys – Six inro, Japon, 18e/19e

 

Visitez virtuellement à 360 ° le Kyoto Seishu Netsuke Art Museum

@ Kyoto Seishu Netsuke Art Museum