kimonO I une éternelle fascination
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Le kimono* fait partie des symboles nationaux du pays du Soleil-Levant . Il révèle le raffinement de la culture nippone et la quiddité de la féminité.
*kiru « se vêtir de » + mono « chose » = « chose que l’on porte sur soi »
Ce vêtement traditionnel japonais wafuku nous fascine esthétiquement tout en ignorant ses codes sociaux.
Dans cette première partie, découvrons l’origine et l’évolution du kimono, les différents types et les tissus employés selon les protocoles, sans oublier les étapes de l’habillage dont l’intrication est laborieuse et architecturale.
Origine et évolution du kimono
De nos jours, le kimono se compose d’un seul sous-kimono blanc et le kimono lui-même retenu par une ceinture souple aux hanches, resserré à la taille par une large ceinture obi.
Haru sugite
natsu ki ni kerashi
shirotae no
koromo husu chô
Ama no Kaguyama
Il semble que le printemps
s’achève et que l’été soit là
sur le mont Ama-no-Kaguyama
dit-on, teintes en blanc sèchent
des robes
Impératrice Jitô (645-702), Hyakunin Isshû
L’ancêtre du kimono est le kosode « manches étroites » de forme cylindrique. Originaire de la Chine des Tang, il a été adopté dès l’époque Nara (710 et 794) en tant qu’habit quotidien, puis comme sous-vêtement et enfin, comme robe de dessus au XVIème. Aujourd’hui, Il est porté par les femmes mariées, les manches longues nagasode étant réservées aux enfants et aux jeunes filles.
Urami wabi
hosanu sode da ni
aru mono wo
koi ni kuchinan
na koso oshi kere
Peines rentrées, aigreurs, pleurs
versés sur mes robes encore
pour un amour
dont avec horreur je contemple
le désastre avec la ruine de mon nom.
Sagami (998-1061), Hyakunin Isshû
A l’époque Heian (794-1185), l’âge d’or du Japon, le kimono a connu son apogée à la cour, chez les femmes de samouraïs et de marchands et chez les prostitués de luxe yujos. Lors des cérémonies, on portait douze tuniques non doublées en soieries juni hitoe superposées de manière à entrevoir le bord de chacune d’elles sur le col, sur les pans de devant et aux manches, fermées avec une simple cordelette.
oto ni kiku
Takashi no hama no
adanami wa
kakeji ya sode no
nure mo koso sure
Les vagues sonores et insidieuses
de la plage de Takashi ne
m’atteignent pas plus que
vos frivoles insistances
car je ne veux baigner
les manches de ma robe…
Dame Kii, Hyakunin Isshû
Durant Kamakura (1185–1333), le pays était dominé par les samouraïs et le bouddhisme Zen qui ont imposé la rigueur et la simplicité, le dépouillement…. Le luxe de Kyoto était synonyme de décadence ! Les femmes des guerriers ont commencé par porter que deux ou trois couches de kimonos retenus par une ceinture discrète en corde de chanvre au niveau des hanches.
Waga sode wa
shiohi ni mienu
oki no ishi no
hito koso shirane
kawaku ma mo nashi
La manche de ma robe n’a pour
se sécher pas plus de temps que
le rocher à l’horizon
englouti par la marée haute,
mais qui le sait ?
Dame Sanuki (1141-1217), Hyakunin Isshû
L’obi « ceinture » qu’on remarque dans les estampes, est fait d’un tissu souple et porté bas, mais à partir de 1800 il devient un objet élaboré, raide et lourd, aussi important que le kimono.
* Iki : sentiment propre à la bourgeoisie d’Edo qui se développa à partir du XIX siècle parmi les chônin, et qui faisaient appel à un sens esthétique nouveau, empreint de sensualité, ainsi qu’à un sens moral voulant que, bien qu’on jouît de fortune, on affectât de mépriser l’argent. Ce sentiment était quelque peu analogue au sui qui prévalait à Osaka dans la classe marchande au XVII siècle.
Grâce à l’enrichissement des classes moyennes durant Tokugawa, une dynastie de shoguns qui ont dirigé le Japon de 1603 à 1867, le kimono est devenu un effet de mode quant au choix des tissus, des couleurs, des dessins et des techniques ce qui a déplu au shogun.
En 1615, le gouvernement a imposé des lois pour réguler le costume en fonction des statuts sociaux.
Par exemple, la soie et certaines couleurs et techniques de tissages étaient interdites aux marchands car réservées à la cour.
Dès l’ère Meiji, lorsque le pays s’est ouvert au monde en 1868 après 200 ans d’isolement sakoku, les étrangers ont découvert le kimono tandis que les Japonais ont adopté progressivement l’habit occidental yofuku.
Les parisiens ont rencontré les premières femmes japonaises en kimono lors de l’Exposition universelle de 1867.
Patron et taille du kimono
La forme et la taille de base d’un kimono est immuable. En général, la longueur du kimono doit doit avoir environ 20 cm de plus que la hauteur de celle (ou celui) qui le porte. Le tissus en excès est replié à la taille et maintenu à la bonne longueur par des ceintures de tissu de crépon et l’obi. Un kimono est généralement taillé en six pièces rectangulaires coupées dans un seul coupon de tissus d’environ 11 m sur 0,36 cm quelle que soit la taille de celui ou celle qui doit le porter : il est assemblé avec des coutures droites. On doit plier le kimono d’une certaine manière afin de lui conserver les plis naturels, et on le range dans des coffres spéciaux tansu.
TISSUS
protocoles
Sur base de mes lectures, j’ai établi une liste de type de kimono formels et informels, que j’ai simplifié à l’extrême tant la complexité est déconcertante !
Un nouveau-né est présenté au sanctuaire shintô couvert de son premier kimono.
Pour la fête des âges critiques shichigosan 7-5-3 ans, le 15 novembre, toute la famille vêtue de kimono et hakama va au sanctuaire shinto pour demander la protection aux kami.
– le second kimono, sera porté par l’enfant à son 3ème anniversaire ;
– le 3ème kimono, à l’âge de 5 ans pour un garçon et à 7 ans pour une fille.
Les jeunes filles, le jour de leurs 20 ans pour fêter leur majorité, ainsi que la jeune épouse le jour de son mariage, doivent porter le furisode « manche flottante ». Les manches sont longues jusqu’aux chevilles et sont synonymes de pureté et d’innocence et l’obi à pans longs, peint ou brodé, est largement noué dans le dos .
Les couleurs du kimono sont vives et l’emplacement du dessin varie selon l’âge de la fille. Plus elle est jeune, plus le dessin monte en partant du bas du kimono.
Lors du mariage, la jeune épouse est vêtue d’un kimono de cérémonie brodés de fils d’or et d’argent. Il est très long et le bas enferme un matelassage pour l’alourdir.
Les femmes proches de la mariées portent le kuro tomesode kimono noir orné de cinq mon (sur le revers, le milieu du dos et les manches).
Les autres femmes mariées invitées sont vêtues avec iro tomesode kimono noir décoré d’un, trois ou cinq mon et de motifs colorés dans le bas et un obi coloré.
Pour se différencier des célibataires, les femmes mariées portent le tomesode dont les manches sont plus courtes (sode = manche, tomeru = celle qui doit rester là, mariée dans cette maison). Bien évidemment, les couleurs doivent être discrètes.
Lors des cérémonies funéraires, les femmes de la famille portent des kimono noirs avec cinq mon dénommés mofuku avec le col blanc du sous-vêtement nagajunde et un obi noir. Les autres, peuvent porter des kimono de couleurs sombres (violet foncé par exemple) avec obi, noir ou gris.
Il existe aussi le kimono de couleur et sans motif ou avec des petits motifs géométriques iromuji si on le décor d’un mon* il devient formel et on peut le vêtir lors des cérémonies du thé.
*mon : blason de famille, de forme circulaire, orné en général de motifs végétaux. A l’origine, se sont les samouraïs qui l’utilisait pour se reconnaître sur le champ de bataille.
Et enfin, le yukata kimono en tissus de coton, léger, imprimé ou teint en indigo, qu’on porte chez soi, pour aller au bain onsen ou tout simplement lors des canicules.
La coupe étant identique, seuls les tissus, les couleurs et les décorations changent en fonction des saisons. Par temps froid, on porte des kimono en soie ou en laine, et au dessus, une veste ample en tissus épais tanzen.
l’habillage
Voici une synthèse des étapes de l’habillage décrites dans le livre Kimono d’art et de désir, Aude Fieschi, Editions Picquier qui se compose de :
– tabi : chaussettes blanches à un doigt
– suso yoke : en coton, couvre le bas du corps
– hadajuban : pour le haut du corps, brassière avec manches mi-longues et étroites que l’on croise devant sans le serrer et dans les poches duquel on peut insérer des coussinets de rembourrage pour faire disparaître les formes en creux (taille, courbure des reins,…) et par dessus, pour cacher cela, on enroule plusieurs fois autour de la taille un bandeau. Seuls le visage, la nuque et les mains sont découvert et la forme du corps s’estompe.
– kimono de dessous en soie long naga juban pour les cérémonies ou court han juban avec col blanc amovible pour le laver facilement
– koshi himo cordelette sous la poitrine pour régler la longueur du nage juban et par dessus une ceinture large et raide datejime
kimono lui-mémé en croisant le côté gauche sur le côté droit (le contraire se fait pour un défunt) et on règle sa longueur avec une cordelette koshi himo puis le datemaki une longue écharpe de couleur qui dépassera de quelques centimètres sous l’obi
– obi : »ceinture » le type, le port et la taille sont complexes, tout un art !
LES Livres & les Ecoles de kimono
A l’époque Edo sont publiés les premiers livres de modèles de kimono hiinakata-bon, d’abord en noir et blanc avec les notes qui indiquaient les couleurs et les tissages, puis avec le décor peint à la main selon la méthode yûzen de Yuzensai Miyazaki, (1654-1736), moine peintre de Kyoto.
Ces écoles considèrent qu’une vieille dame doit porter son kimono avec dignité, une maîtresse de maison d’un certain âge avec sérénité et une jeune fille avec simplicité et netteté. Tout est dit !
A SAVOIR !
Le kimono se ferme en superposant le côté gauche sur le côté droit ! Le sens opposé est réservé aux personnes décédées.
Il est toujours porté avec des chaussettes à orteil séparé tabi et des socks zôri ou geta.
Le prix d’un kimono peut varier de 1 500 € à 50 000 €. Les japonais qui n’ont reçu aucun kimono en héritage peuvent en louer…