à mes Amies : Miyoko, Keiko, Junko et Naoko
– encens I art olfactif –
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La première fois que j’ai découvert l’encens j’étais une petite fille mais les effluves poudrées et délicates flottent encore dans mes souvenirs. Depuis lors, je ne peux plus m’en passer !
La Roumanie importait l’encens de « notre camarade » Chinois.
En 2018, à Paris, le Musée Cernuschi lui a consacré une belle exposition :
Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs
Podcast France Culture, La Fabrique de l’Histoire
Résumer l’art de l’encens au Japon en quelques lignes est impossible, tellement son évolution au long des siècle est riche (culte, rituels, traditions, symboles, jeux…)
D’après Chantal Jaquet dans son livre Philosophie du Kôdô, il y a trois sortes d’utilisation de l’encens : Dans mon blog 6ème voyage, je parle de l’île Awajishima connue pour ses forêts d’arbres odorants destinés à la production de l’encens. On raconte qu’en 595, des pêcheurs d’Awaji ont brûlé un morceau d’un bois sombre rejeté par la mer. Il a dégagé une senteur si éblouissante qu’ils ont décidé de l’offrir à la maison impériale. Le prince Shôtoku qui a reçu l’offrande a aussitôt reconnu le bois d’encens, parfum consacré aux cérémonies bouddhiques. Le bouddhisme est parti d’Inde en prenant la route de la soie pour s’installer d’abord dans le Nord de la Chine, puis en Corée avant d’arriver au Japon au VIe siècle. Il a emporté dans ses valises de l’encens, la nourriture du Bouddha. Le prince Shôtoku a répandu la doctrine bouddhiste avec ferveur mais il était pour le syncrétisme* qu’il comparait à un arbre : Au Japon, shintô, confucianisme, bouddhisme et voire même le christianisme, vivent en complète harmonie. Dans le Kôdô, la salle dédiée aux sermons ou aux réunions dans les temples et monastères bouddhiques, les bâtonnets d’encens utilisés en tant que lien avec les divinités et fumées purificatrices mesurent 30 cm. Par contre, pour la méditation zazen ils ont + 70 cm et se consument au bout de 8h. A la maison, la plupart des Japonais ont un autel funéraire butsudan avec l’effigie d’un bouddha et les tablettes funéraires où reposent les noms posthumes des ancêtres et chaque matin, depuis des siècles, ils brûlent l’encens pour rester en contact avec les défunts. Au XIVe et XVe siècle, se développe l’importation des bois aromatiques provenant de Chine. Des jeux avec des fragrances de bois aromatiques voient le jour : – takimonoawase qui compare les qualités des mélanges odorants et le savoir-faire de leurs auteurs Mais l’art d’apprécier les senteurs d’encens et de savoir distinguer leur provenance a été codifié par le poète Sanjonishi Sanetaka puis son disciple Shino Munenobu. Deux écoles existent encore de nos jours qui se différencient par les règles, la gestuelle, le matériel, le mode d’emploi, dénomination des ustensiles,…et enfin, la manière de consigner les résultats sur la feuille de relevé kokiroku : – Oie (Oie-Ryû) descendants de Sanjonishi Sanetaka utilise kai « l’écriture d’herbe » fluide avec des fines ondulations Le 8ème shôgun Ashikaga Yoshimasa (règne 1443-1473) a également joué un grand rôle dans le développement du rite de l’encens. Grand protecteur des beaux-arts (dont le théâtre Nô), des jardins paysagers et de la cérémonie du thé chanoyu), il a érigé le Ginkakuji Le Pavillon d’Argent en 1482, à l’époque villa dénommée Higashiyama-dono, le « Palais des montagnes de l’Est » où il se retira après avoir abdiqué. Après sa mort, il a été transformé en temple par Jishôji, l’école bouddhique zen Rinzai. Pour plus de détails, je vous invite à lire mon blog 1er voyage Les jeux raffinés ont donné naissance à la voie de l’encens Kôdô. – itchûgiki ou kanshoko si on utilise une seule essence de bois C’est durant la période Edo (1603-1868) qu’on a créé plus de mille formes de jeux inspirés de la littérature classique et de la poésie de l’époque d’or de Heian (794-1185). Le Parfum de Shirakawa : inspiré par un waka écrit par Nô-in Hôshi moine bouddhiste lors de son voyage Un moine chinois Ganjin a divulgué en 754 le secret de fabrication des parfums à brûler. Ainsi, prend vie le nerikô (petites boules parfumées constituées d’un mélange de poudre de bois aromatiques, épices, plantes odorantes, musc, chair de prune, miel, charbon) et la compétition takimono-awase le gagnant étant celui qui présente un mélange de haute qualité. Dès l’époque Heian (794-1185), l’âge d’or du faste et du raffinement, le moindre espace ou objet était soumis aux lois du parfum. La sensibilité esthétique avait plus de valeur que la vertu. Le code du beau avait atteint le summum de l’élégance mais aussi de la sophistication. L’encens était utilisé pour parfumer l’habitation soradaki.
Sonaeko, encens offert à Bouddha. Le kanji renvoie à l’idée d’offrande. Kûkô, l’encens d’accueil et d’hospitalité. Le kanji renvoie à l’idée de vide. Gankô, l’encens utilisé par plaisir.
L’encens culte bouddhiste
shinto / racines, confucianisme / tronc et bouddhisme /fleurs
*fusion de croyance et de pratiques disparates en un système unifié
L’encens rite
– koawase ou meiko-awase lorsqu’on utilise des meiko bois célèbres dotés d’un nom, concours complexe de fragrances et d’hommes qui s’ordonnent et se distinguent sous la haute autorité d’un maître
– Shino (Shino-Ryû) descendants de Shino Munenobu emploie la calligraphie zen shodo
La cérémonie est très élaborée et porte différents noms :
– kumikô « la combinaison des encens ». La forme la plus ancienne est juthukô « les dix écoutes » car dans la voie de l’encens sentir se dit écouter !
Le Parfum des Trois Paysages : Matsushima, Amanohashidate (2ème voyage 2013) et Itukushima.
Le Parfum des Étoiles Réunies : la légende du Bouvier et de la Tisserande qui se rencontrent chaque année le soir du 7 juillet.
Le Parfum de Genji : Genjikô, créé en 1716, un canevas composé de 54 chapitres du Dit de Genji de Murasaki Shikibu
Les règles du jeu sont strictes. Déjà, la température du feu dans le brûle-parfum doit être bien réglée afin d’obtenir la meilleure fragrance et les participants ne doivent exhaler aucune odeur…
L’encens plaisir
On accrochait aussi des boules de soie parfumées kusudama, à la manière de pots-pourris composé de fleurs et d’herbes pour chasser les mauvais esprits.
Les dames à la cours consommaient aussi des pastilles aux vertus « extraordinaires » :
Trois jours durant, la Dame consomme treize pastilles son haleine devient fleur. Cinq jours se passent, et son corps exhale délicieusement. Au dixième jour, ses manteaux ne sont que suaves effluves. Le vingtième jour, la brise qui la suit est un ample bouquet. Au vingt-cinquième jour, de l’eau tombée de ses mains, la terre s’est changée en parfum. Un mois s’est écoulée l’enfant qu’elle berce contre son sein garde toute la douceur de ses fragrances. La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier
Sans oublier, l’art de la séduction dont je parle dans mon blog 1er voyage : les lettres. Parfums et couleurs n’étaient pas choisis au hasard. Un code était à respecter : papier rose perle à la floraison des cerisiers, papier parme durant la floraison des glycines… et à chaque missive on nouait une branche ou une fleur de saison. L’étiquette amoureuse voulait que l’amant, peu après son départ matinal envoie à la dame de ses pensées une lettre et un poème pour confirmer ses sentiments et sa culture littéraire. Le code exigeait que la dame fasse écho avec un poème waka. Un savoir-faire et savoir-vivre d’un raffinement extrême !
Et enfin, le plaisir nous mène forcément à l’époque Edo (1603-1868) et ukiyo « le monde flottant », terme bouddhique qui exprime les souffrances liées à la vie profane, à ne pas confondre donc avec le renversement sémantique ukiyo et ukiyo-e « image du monde flottant » qui invite au divertissement et à la jouissance.
Dans le Monde Flottant, l’encens a deux rôles : arme de séduction et horloge pour mesurer le temps.
Le bois d’encens le plus précieux, de par sa rareté et son prix, se nommait Kyara. Son nom est devenu synonyme de beau, distingué et luxueux (vêtements élégants, femme avec des sentiments nobles, huile de kyara pour les cheveux..)
Les courtisanes et les femmes de joies fixaient leurs tarifs en fonction du nombre de bâtonnets utilisés. Un bâtonnet classique de 15 cm se consomme en 30 mn.
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Les ustensiles de la cérémonie de l’encens :
kôgo : boîte pour la matière odorante
hitori : le brule parfum
kôbasi : les baguettes
Le maître laqueur Koämi Nagashige, attachés au service des shogouns, a fini au bout de 3 ans le nécessaire à encens hatsune le plus somptueux qui existe pour le mariage de Chiyo, la fille de Tokugawa Iemitsu. Il a utilisé la technique nashiji « fond à peau de poire » qui donne une légère impression de rugosité, en mariant l’or, l’argent, le corail, l’écriture, dessins de pins et rochers, et le mon du shogoun, 3 feuille de mauve (trésor national conservé au Musée Tokugawa à Nagoya).
Le nom de son chef-d’œuvre Premier Chant du Rossignol a été emprunté au titre du 23ème chapitre du Dit de Genji de Murasaki Shikibu
Mois et années ont passé
à celle qui cueille le premier pin du Nouvel An
aujourd’hui
que se fasse entendre le premier chant du rossignol.
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Premiers ouvrages d’initiation à l’art du kô
La voie de l’Encens, le jardin de l’orchidée par le poète Kikuoka
La voie de l’Encens, le prunier d’une humble demeure par Maki
Nonchalamment Naozari ni
Je brûle l’encens
Soir de printemps
Kô taku haru no
Yube kana
Buson (1716 -1783)