L’ÉVENTAIL I ACCESSOIRE DU KIMONO
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De nos jours, il perdure en tant qu’accessoire indissociable du kimono que l’on glisse sur le devant de l’obi.
Mais que sait-on de son histoire ? Pourquoi existe-t-il plusieurs types d’éventails et quelle est leur utilité ? Nous allons le découvrir !
Histoire de l’éventail en bref
L’éventail est né en Chine au IIIe siècle avant J.C.. Le matériau a changé au fil des années (bambou, feuilles de palmier, plumes de paon, plumes de faisan…) pour finir en soie ou en papier tendu dénommé « écran » orné d’écritures et de peintures.
De simple objet pour s’éventer, cacher le visage, chasser les mouches ou attiser les braises, il est devenu attribut sacré et politique puis accessoire de mode.
Les éventails pliants furent importés du Japon en Chine à la période Heian (794 à 1185) puis, au Portugal et en Espagne à partir du XVIe siècle.
L’éventail au Japon
Il existe deux sortes d’éventails selon leurs formes.
– Uchiwa
C’est un éventail venu de Chine via la Corée, son nom vient de utsu-ha signifiant « feuille frappante ». De nos jours, il est encore employé par l’arbitre de combats de sumo (gunbai uchiwa).
À l’époque d’Edo, les uchiwa comportaient des motifs liés aux saisons ou aux modes ce qui engendra uchiwa-e, gravure japonaise du style ukiyo-e, qui présentait une scènes narrative ou des portraits.
– Ôgi
La forme pliante, en papier ou en soie avec des nervures en bambou ou en ivoire, a été inventée au Japon par une aristocrate.
Suite à la perte héroïque de son mari Atsumori, la femme s’est retirée dans le temple de Kyoto, Mieido. Un jour, elle a sauvé la vie d’un moine en l’éventant pendant la prière avec un morceau de papier plié.
Bashô aurait-il composé ce poème en sa mémoire ?
Un bonze, qui me tourne le dos avec son chapelet, écrit son portait en waka :
désobéissant
à ce monde
je m’isole
dans le village de montagne
manche de ma noire bure
Je le regrette et me souviens avec nostalgie de sa façon de vivre dans l’élégance poétique
Avec l’éventail
je voudrais le rafraîchir
par derrière
Selon les saisons et l’usage (vie quotidienne, rituel, théâtral, politique…) les éventails pliants se différencient de par la matière, les couleurs et les ornements, le nombre de sections et la taille.
Sensu avec des nervures plates ou fines ;
Kame-ôgi à 39 nervures dédié aux femmes ;
Après un moment, il voit près de l’oreiller un éventail étalé, fait de papier violet-pourpre tendu sur du bois de magnolia. – extrait Notes de Chevet Makura no soshi de Sei Shônagon
Rikyu-ôgi pour la cérémonie de thé chanoyu ;
Mai-ôgi composé de 10 baquettes et de poids en plomb autour du rivet afin de le sortir et le faire tournoyer facilement. Il est utilisé lors des danses classiques par les geisha et les acteurs du théâtre kabuki ;
Suehiro désigne un éventail traditionnel utilisé pour les grandes occasions. Il symbolise le souhait que les deux familles continuent de vivre dans le bonheur et la prospérité pendant de longues années. Le mizuhiki (nœud) utilisé pour Suehiro mesure environ 90 cm, et ne doit jamais être coupé car il est considéré comme étant le lien familial lui-même. Lorsqu’il est trop long, on replie les extrémités vers le haut pour l’ajustement. – extrait Nipponica n°29
Avec un éventail
je bois du saké à l’ombre –
Chute de fleurs de cerisier
Bashô
Umajirushi utilisé comme drapeau par les Tokugawa. L’éventail de commandement des généraux était marqué du blason du clan.
Tessen (gunsen) employé comme arme de défense dans les arts martiaux et sur le champ de bataille durant le Japon féodal.
Œuvres d’art
Les éventails sont des œuvres d’art ornées de calligraphies ou de peintures, héritage des aristocrates et des érudits.
Tous les seigneurs agitaient des éventails dont les minces baquettes laquées différaient de couleur, mais qui brillaient, uniformément tendus de papier rouge. Cela ressemblait tout à fait à un parterre d’œillets superbement fleuris. – extrait Notes de Chevet Makura no soshi de Sei Shônagon
Pour préserver ceux réalisés par un grand maître, on détachait le papier ou la soie des tiges et on les encadrait ou collait sur des paravents byōbu (littéralement « murs de vent »).
© Smithsonian’s museums of Asian art National Mall Washington DC, USA – Hon’ami Kōetsu (1558-1637) Eventails et nuages au-dessus de rochers et d’eau
– Calligraphie
Les premiers à avoir calligraphié les éventails décorés de scènes de la vie de Cour furent les moines, ainsi le profane et le sacré étaient liés.
[…] à l’époque d’Heian, les Japonais dévots faisaient des impressions en couleurs sur des éventails où ils écrivaient ensuite les saints sutras. – extrait Japon, L’art dans le Monde Peter C.Swann
A la cour de l’ancien Japon, les aristocrates organisaient des concours de poésies calligraphiées sur des éventails ôgi-awase.
– Peinture
Les éventail peints sont des chefs-d’œuvre uchiwa-e et ôgi-e « miniatures ».
L’asymétrie affectionnée par les Japonais s’impose même dans les peintures sur éventail : d’un côté, on laisse toujours un espace vide.
Tawaraya Sôtatsu est l’un des plus grands artistes qui excella à peindre sur éventail. Il vivait à Kyoto au temple de Daigo-ji et fut le co-fondateur de l’école Rimpa. Son art se caractérise par la singularité de la composition, la stylisation des formes et les coloris.
Jeux à la cour d’Heian
– ôgi-nagashi : on jetait des ôgi dans une rivière afin de composer des poèmes sur les sensations éprouvées ainsi que par les personnes qui les avaient jetés.
– ôgi-otoshi : on lançait un ôgi ouvert pour atteindre un objet précis
Croyances
Les contes folkloriques et les moines prêtent à l’éventail le pouvoir de chasser les esprits malveillants et maléfique.
Mais aussi, offrir un éventail est un signe d’amitié fort.
« SECRETS » DE FABRICATION
Le marchand d’éventails
promène sa charge de vent –
la chaleur
Kakô