Accueil » Articles Culture » Page 2

Étiquette : Articles Culture

4/2021

à mes Amies : Miyoko, Keiko, Junko et Naoko

encens  art olfactif

°°°

La première fois que j’ai découvert l’encens j’étais une petite fille mais les effluves poudrées et délicates flottent encore dans mes souvenirs. Depuis lors, je ne peux plus m’en passer !

La Roumanie importait l’encens de « notre camarade » Chinois.
En 2018, à Paris, le Musée Cernuschi lui a consacré une belle exposition  :

 

Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs
Podcast France Culture, La Fabrique de l’Histoire

Résumer l’art de l’encens au Japon en quelques lignes est impossible, tellement son évolution au long des siècle est riche (culte, rituels, traditions, symboles, jeux…)

Au Japon, l’apprentissage de tout art et une Voie : c’est-à-dire une sagesse inscrite dans une humble pratique. Les arts traditionnels, sous l’emprise du bouddhisme et plus précisément du zen, se sont toujours refusés à l’explication, car les mots semblent les priver de leur force et de leur mystère. Le geste est d’abord une expérience. Et sous sa lente répétition dans l’espace et le temps, les objets de la cérémonie deviennent les figurent apparentes d’un souffle harmonieux et serein. La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

D’après Chantal Jaquet dans son livre Philosophie du Kôdô, il y a trois sortes d’utilisation de l’encens :
Sonaeko, encens offert à Bouddha. Le kanji renvoie à l’idée d’offrande. Kûkô, l’encens d’accueil et d’hospitalité. Le kanji renvoie à l’idée de vide. Gankô, l’encens utilisé par plaisir.

  • L’encens culte bouddhiste

Dans mon blog 6ème voyage, je parle de l’île Awajishima connue pour ses forêts d’arbres odorants destinés à la production de l’encens.

On raconte qu’en 595, des pêcheurs d’Awaji ont brûlé un morceau d’un bois sombre rejeté par la mer. Il a dégagé une senteur si éblouissante qu’ils ont décidé de l’offrir à la maison impériale. Le prince Shôtoku qui a reçu l’offrande a aussitôt reconnu le bois d’encens, parfum consacré aux cérémonies bouddhiques.

Le bouddhisme est parti d’Inde en prenant la route de la soie pour s’installer d’abord dans le Nord de la Chine, puis en Corée avant d’arriver au Japon au VIe siècle. Il a emporté dans ses valises de l’encens, la nourriture du Bouddha.

Le prince Shôtoku a répandu la doctrine bouddhiste avec ferveur mais il était pour le syncrétisme* qu’il comparait à un arbre :
shinto / racines, confucianisme / tronc et bouddhisme /fleurs
*fusion de croyance et de pratiques disparates en un système unifié

Au Japon, shintô, confucianisme, bouddhisme et voire même le christianisme, vivent en complète harmonie.

Dans le Kôdô, la salle dédiée aux sermons ou aux réunions dans les temples et monastères bouddhiques, les bâtonnets d’encens utilisés en tant que lien avec les divinités et fumées purificatrices mesurent 30 cm. Par contre, pour la méditation zazen ils ont + 70 cm et se consument au bout de 8h.

A la maison, la plupart des Japonais ont un autel funéraire butsudan avec l’effigie d’un bouddha et les tablettes funéraires où reposent les noms posthumes des ancêtres et chaque matin, depuis des siècles, ils brûlent l’encens pour rester en contact avec les défunts.

  • L’encens rite

Au XIVe et XVe siècle, se développe l’importation des bois aromatiques provenant de Chine. Des jeux avec des fragrances de bois aromatiques voient le jour :

– takimonoawase qui compare les qualités des mélanges odorants et le savoir-faire de leurs auteurs
– koawase ou meiko-awase lorsqu’on utilise des meiko bois célèbres dotés d’un nom, concours complexe de fragrances et d’hommes qui s’ordonnent et se distinguent sous la haute autorité d’un maître

Il s’agit non seulement de juger des qualités et défauts des encens présentés, mais également de l’adéquation des appellations qu’on leur attribue en fonction de leur couleur, de leur forme, de leur provenance, ainsi que des références poétiques et littéraires auxquelles ils renvoient. Dictionnaire de la civilisation japonaise Editions Hazan

Grand seigneur, Sasaki Doyo aimait les poésies, les cerisiers en fleurs, mais plus farouchement encore les bois odorants. Il possédait une collection de 177 sortes d’encens prestigieux ou meiko. Il passait pour avoir un nez infaillible et pouvait donner le nom poétique de chacun des bois rares qu’il respirait : Nuages légers, Fleurs du Vieux Prunier, Brume sur le Fugi…La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

Mais l’art d’apprécier les senteurs d’encens et de savoir distinguer leur provenance a été codifié par le poète Sanjonishi Sanetaka puis son disciple Shino Munenobu.

Deux écoles existent encore de nos jours qui se différencient par les règles, la gestuelle, le matériel, le mode d’emploi, dénomination des ustensiles,…et enfin, la manière de consigner les résultats sur la feuille de relevé kokiroku :

– Oie (Oie-Ryû) descendants de Sanjonishi Sanetaka utilise kai « l’écriture d’herbe » fluide avec des fines ondulations
– Shino (Shino-Ryû) descendants de Shino Munenobu emploie la calligraphie zen shodo

Le 8ème shôgun Ashikaga Yoshimasa (règne 1443-1473) a également joué un grand rôle dans le développement du rite de l’encens. Grand protecteur des beaux-arts (dont le théâtre ), des jardins paysagers et de la cérémonie du thé chanoyu), il a érigé le Ginkakuji Le Pavillon d’Argent en 1482, à l’époque villa dénommée Higashiyama-dono, le « Palais des montagnes de l’Est » où il se retira après avoir abdiqué. Après sa mort, il a été transformé en temple par Jishôji, l’école bouddhique zen Rinzai. Pour plus de détails, je vous invite à lire mon blog 1er voyage

Le fait de brûler de l’encens développe un odorat raffiné : on lui attribue également le mérite d’affiner l’esprit à l’instar de la cérémonie du thé chanoyou ou de l’arrangement floral, ikebana, réputés pour favoriser l’équilibre spirituel et physique. Ryokan Editions Könemann

Les jeux raffinés ont donné naissance à la voie de l’encens Kôdô.
La cérémonie est très élaborée et porte différents noms :

– itchûgiki ou kanshoko si on utilise une seule essence de bois
– kumikô « la combinaison des encens ». La forme la plus ancienne est juthukô « les dix écoutes » car dans la voie de l’encens sentir se dit écouter !

C’est durant la période Edo (1603-1868) qu’on a créé plus de mille formes de jeux inspirés de la littérature classique et de la poésie de l’époque d’or de Heian (794-1185).

Le Parfum de Shirakawa : inspiré par un waka écrit par Nô-in Hôshi moine bouddhiste lors de son voyage
Le Parfum des Trois Paysages : Matsushima, Amanohashidate (2ème voyage 2013) et Itukushima.
Le Parfum des Étoiles Réunies : la légende du Bouvier et de la Tisserande qui se rencontrent chaque année le soir du 7 juillet.
Le Parfum de Genji : Genjikô, créé en 1716, un canevas composé de 54 chapitres du Dit de Genji de Murasaki Shikibu
Les règles du jeu sont strictes. Déjà, la température du feu dans le brûle-parfum doit être bien réglée afin d’obtenir la meilleure fragrance et les participants ne doivent exhaler aucune odeur…

 

  • L’encens plaisir

Un moine chinois Ganjin a divulgué en 754 le secret de fabrication des parfums à brûler. Ainsi, prend vie le nerikô (petites boules parfumées constituées d’un mélange de poudre de bois aromatiques, épices, plantes odorantes, musc, chair de prune, miel, charbon) et la compétition takimono-awase le gagnant étant celui qui présente un mélange de haute qualité.

Dès l’époque Heian (794-1185), l’âge d’or du faste et du raffinement, le moindre espace ou objet était soumis aux lois du parfum. La sensibilité esthétique avait plus de valeur que la vertu. Le code du beau avait atteint le summum de l’élégance mais aussi de la sophistication.

L’encens était utilisé pour parfumer l’habitation soradaki.
On accrochait aussi des boules de soie parfumées kusudama, à la manière de pots-pourris composé de fleurs et d’herbes pour chasser les mauvais esprits.

 

Les soieries étaient parfumées ikô, le Parfum de la Robe était surnommé aussi Parfum du Corps. Les vêtements, les corps et les chevelures étaient embaumés par les fumées d’encens. On utilisait aussi des sachets fragrants de soie nioi-bukuro que femmes et hommes portaient à même la poitrine. Encore aujourd’hui, on offre un nioi-bukuro à une personne en choisissant le parfum qui s’associe le mieux au caractère qu’on lui prête. Ces petits sachets créent de précieux moments esthétiques tandis que l’on se met à l’écoute de leur arôme. On découvre avec eux le sens esthétique unique des Japonais, pour qui le parfum est une forme de communication.Nipponica n°16

Les dames à la cours consommaient aussi des pastilles aux vertus « extraordinaires » :
Trois jours durant, la Dame consomme treize pastilles son haleine devient fleur. Cinq jours se passent, et son corps exhale délicieusement. Au dixième jour, ses manteaux ne sont que suaves effluves. Le vingtième jour, la brise qui la suit est un ample bouquet. Au vingt-cinquième jour, de l’eau tombée de ses mains, la terre s’est changée en parfum. Un mois s’est écoulée l’enfant qu’elle berce contre son sein garde toute la douceur de ses fragrances. La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

Sans oublier, l’art de la séduction dont je parle dans mon blog 1er voyage : les lettres. Parfums et couleurs n’étaient pas choisis au hasard. Un code était à respecter : papier rose perle à la floraison des cerisiers, papier parme durant la floraison des glycines… et à chaque missive on nouait une branche ou une fleur de saison. L’étiquette amoureuse voulait que l’amant, peu après son départ matinal envoie à la dame de ses pensées une lettre et un poème pour confirmer ses sentiments et sa culture littéraire. Le code exigeait que la dame fasse écho avec un poème waka. Un savoir-faire et savoir-vivre d’un raffinement extrême !

Et enfin, le plaisir nous mène forcément à l’époque Edo (1603-1868) et ukiyo « le monde flottant », terme bouddhique qui exprime les souffrances liées à la vie profane, à ne pas confondre donc avec le renversement sémantique ukiyo et ukiyo-e  « image du monde flottant » qui invite au divertissement et à la jouissance.

Vivre uniquement dans l’instant présent, se livrer tout entier à la contemplation de la lune, de la neige de la fleur de cerisier et de la feuille d’érable, chanter, boire du saké, ressentir du plaisir rien qu’à ondoyer, ne pas se laisser abattre par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître sur son visage, mais dériver comme une calebasse sur la rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo. poète Assai Riyôi préface de Contes du monde flottant Ukiyo monogatari

Dans le Japon du XVIIe siècle, le « monde flottant », ou ukiyo, est tout à la fois le monde des divertissements, du théâtre de kabuki et des maisons de thé, des acteurs et des courtisanes, univers « aux marges » d’une société urbaine et prospère. Le monde flottant de l’ukiyô-e, la pérennité de l’éphémère de Danielle Elisseeff

Dans le Monde Flottant, l’encens a deux rôles : arme de séduction et horloge pour mesurer le temps.

Le bois d’encens le plus précieux, de par sa rareté et son prix, se nommait Kyara. Son nom est devenu synonyme de beau, distingué et luxueux (vêtements élégants, femme avec des sentiments nobles, huile de kyara pour les cheveux..)

Les courtisanes et les femmes de joies fixaient leurs tarifs en fonction du nombre de bâtonnets utilisés. Un bâtonnet classique de 15 cm se consomme en 30 mn.

 

  • Les ustensiles de la cérémonie de l’encens :

kôgo : boîte pour la matière odorante
hitori : le brule parfum
kôbasi : les baguettes

Le maître laqueur Koämi Nagashige, attachés au service des shogouns, a fini au bout de 3 ans le nécessaire à encens hatsune le plus somptueux qui existe pour le mariage de Chiyo, la fille de Tokugawa Iemitsu. Il a utilisé la technique nashiji  « fond à peau de poire » qui donne une légère impression de rugosité, en mariant l’or, l’argent, le corail, l’écriture, dessins de pins et rochers, et le mon du shogoun, 3 feuille de mauve (trésor national conservé au Musée Tokugawa à Nagoya).

Le nom de son chef-d’œuvre Premier Chant du Rossignol a été emprunté au titre du 23ème chapitre du Dit de Genji de Murasaki Shikibu

Mois et années ont passé
à celle qui cueille le premier pin du Nouvel An
aujourd’hui
que se fasse entendre le premier chant du rossignol.

 

 

 

  • Premiers ouvrages d’initiation à l’art du kô

La voie de l’Encens, le jardin de l’orchidée par le poète Kikuoka
La voie de l’Encens, le prunier d’une humble demeure par Maki

Nonchalamment
Je brûle l’encens
Soir de printemps

Naozari ni
Kô taku haru no
Yube kana

Buson (1716 -1783)

3/2021

  sons   I  odeurs

°°°

Quand on voyage on devrait fermer les yeux

Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur

Blaise Cendrars extrait de Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

°°°

Il est facile de reconnaître le Japon les yeux fermés grâce aux sons et aux odeurs, indicatifs qui font la singularité d’un lieu, d’un milieu, d’une culture.

Les sons

Dans les villes, on est vite étourdi par un mélange assourdissant de sons : radio, télé, musique, annonces, avertissements, rappels, sonneries, sirènes, des vendeurs qui crient à voix nue ou dans un haut-parleur,… D’après une étude OMS,  le Japon serait la nation la plus bruyante du monde, pas étonnant !

Les seuls signaux sonores que je trouve amusants sont les feux pour les piétons : kako, le chant du coucou, pour les carrefours est-ouest et pico, un chant d’un autre oiseau, pour les carrefours nord-sud. Puis, les bandes sonores aux toilettes femmes car il est impoli de se faire entendre… les décibels varient en fonction du bruit que l’on fait, Mesdames !

Autrement, je chérie les sons de la nature : le chant des oiseaux au printemps, surtout Uguisu la bouscarle chanteuse, le chant des cigales en été, les grondements d’une cascade, le rugissement d’une rivière, le bruit du vent dans les arbres….

Les Japonais ont inventé la pratique du Shinrin yoku « forêt bain », qui signifie se baigner dans la forêt ou s’imprégner de la forêt à l’aide de ses sens. Ils ont même créé des onomatopées pour traduire les sons de la nature :

shito shito : le son d’une pluie fine
zaza zaza : le son d’une pluie forte
kasa kasa : le solde léger des feuilles craquant sous les pieds
gasagasa : le bruissement prononcé des branches ployant sous l’action du vent
hyu hyu : le son du vent qui souffle
goro goro : le roulement du tonnerre
saku saku : le craquement des pas dans la neige

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First

Le son hyu hyu dans une mini leçon animée de japonais… craquante !

Les odeurs

L’odorat est lié à nos émotions et nos souvenirs, autant que le sens gustatif qui nous ramène « à la madeleine » de Proust.

Koyasan a été ma première expérience avec le Japon traditionnel. En dehors du concentré de beauté qui m’entourait et les sons de la nature, j’ai été frappée par ses odeurs. Même ma chambre dégageait un mélange de fragrances naturelles (bois, paille des tatamis, graines de riz de l’oreiller, papier des shoji, encens…).

Le village est entouré de forêts de conifères fort aromatiques : cyprès hinoki, cèdres sugi(noki) et pins koyamaki*. Comme toute forêt, leurs parfums et celui de la terre, ont un effet direct sur l’esprit et le corps, un pouvoir de guérison. Et, contrairement au goût qui disparaît rapidement, les essences des arbres génèrent un effet qui dure.

Matsu sugi o
homete ya
kaze no kaoru oto
Est-ce pour admirer pins et cyprès?
La brise parfumée
souffle bruyamment
  Matsu-kaze no
ochiba ka mizu no
oto suzushi     
  Vent dans les pins –
Des aiguilles de pin tombant sur l’eau
le son agréable
Matsuo Bashô (1644-1694)

La nuit, il avait neigé légèrement. Le lendemain, les odeurs de la terre et des pierres tombales du sanctuaire Okunoin se sont mêlées à celles des conifères. En cas de pluie ou de neige, l’eau libère les huiles stockées dans les pierres et leurs parfums emplissent l’air.

Cette odeur a elle aussi un nom. Les scientifiques parlent de « petrichor » des termes grecs petra (pierre) et ichor, qui fait référence à l’essence qui circule dans les veines des dieux en lieu et place du sang. Petrichor signifie donc littéralement « l’essence de la pierre ». L’odeur de la vie ! extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First

(*) Hinoki « cèdre blanc » et « arbre à feu », cyprès (Chamaecyparis obtusa) 30-40 m hauteur. Arôme frais, citronné et une légère note fumée. Autrefois, on produisait du feu en frottant des baguettes de son bois dans les temples shintoïstes. C’est un arbre sacré de Kiso (**) utilisé pour la construction (maisons, temples, sanctuaires dont celui d’Ise), la menuiserie (rotenburo les bains en bois) et la sculpture. Il est tendre, ne se fendille et ne se déforme pas dans les climats humides, et il est résistant aux insectes nuisible. Ses écorces étaient utilisées  pour constituer des bardeaux hiwadabuki et on extrait de ses feuilles une huile servant à faire des parfums. Il en existe de nombreuses sortes de cèdres parfois appelées hiba (Thujospsis dolabrata).
Bienfaits de l’huile essentielle : calme l’anxiété, détend, apaise les douleurs musculaires

Sugi(noki) cèdre rouge du Japon ou le pin japonais (Cryptomeria japonica). Arôme boisé et chaude de résine. Huile est extraite du bois. Les coffres à linge sont souvent en cèdre car sa haute teneur en huile du bois qui chassent les insectes. Les Égyptiens l’utilisaient pour se parfumer et pour l’embaument.
Bienfaits de l’huile essentielle : traite les problèmes respiratoires et musculaires, favorise la stabilité émotionnelle.

Koyamaki (Sciadopythis verticillata) son nom vient du lieu de présence autour du mont Koya. Ses longues aiguilles vert clair sont disposées en bouquet autour du rameau, ce qui fait son originalité. Il est utilisé dans la construction des bateaux car résistant à l’humidité.
Bienfaits de l’huile essentielle : propriétés antibactériennes et antiseptiques, stimulante et tonifiante, calme l’anxiété, calme les douleurs musculaires et articulaires…

 

(**) Kiso : Pendant l’époque d’Edo, les samouraïs au pouvoir protégeaient les arbres qui poussaient dans la vallée de Kiso. Ils étaient abattus que pour la construction des maison et temples des familles influentes. La règle d’une tête pour un arbre a été instituée ; cela signifiait, comme vous l’avez sans doute deviné, que si vous abattiez un arbre, on vous coupât la tête. Les cinq types d’arbres protégés ont été surnommés les Kiso Goshinboku ou cinq arbres sacrés de Kiso.

    • Cyprès hinoki (Chamaecyparis obtusa)
    • Cyprès sawara (Chamaecyparis pisifera)
    • Nezuko ou Thuya du Japon (Thuja standishii)
    • Asunaro ou Thujopsis (Thujospsis dolabrata)
    • Koyamaki ou pin parasol du Japon (Sciadopitys verticilatta)

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First

2/2021

Mon premier contact avec le Japon traditionnel

°°°

Dès mon premier voyage au Japon au printemps 2012, j’ai éprouvé un apaisement moral et sécuritaire comme nulle part ailleurs. Je me sentais du Japon ! Avoir la conviction de retrouver une contrée au lieu de la découvrir, ça restera un mystère… sauf pour mon amie Keiko, persuadée que dans une autre vie j’ai été japonaise. Pour une fois, j’ai envie de croire à la réincarnation prêchée par la religion bouddhiste.

Les deux premières nuits, j’ai dormi à Ekoin, un temple bouddhiste shukubo qui signifie littéralement « dormir chez les moines », dans le village Koyasan situé à environ 1000 m d’altitude sur le mont Koya, 2ème montagne sacrée après le mont Fuji. Ici, des moines de la secte bouddhiste Shingon « Vraie Parole », fondée par KÛKAI (Kôbo Daishi) au IXe, vivent dans des temples entourés de forêts de cèdres, de cyprès et de pins.

Tu me demandes pourquoi j’ai pénétré les montagnes profondes et froides
M’offrant aux vertiges des pics raides et des rochers grimaçants
Pour ne parvenir que douloureusement en difficiles escalades à l’endroit
Que hantent les dieux de la montagne et les esprits des bois.

Rester en la grande ville m’eût été dérisoire
Je dois partir, loin. Rester ici me serait impossible
Libère-moi, car un jour je serai maître du vide
Un enfant de Shingon ici ne demeurera.
Kukai, poème pour un aristocrate de Kyoto

Pourquoi Koyasan ? Lors d’une dédicace de Thierry Janssen, psychothérapeute et auteur belge, on a abordé mon voyage et il m’a convaincue d’y faire une halte. Effectivement, c’est un endroit idéal pour être en contact avec le Japon ancien, tout y est ! La nature d’une majesté renversante, les maisons traditionnelles fascinantes et les cultes ancestraux. Mes cinq sens étaient en alerte constante !

Ce fut un immense bonheur de vivre enfin l’expérience tant rêvée : dormir dans une chambre traditionnelle washitsu ! Elle est restée imprégnée dans ma mémoire.

Une première porte coulissante donne sur une petite entrée avec un  placard pour les chaussures getabako. Puis, une deuxième porte fusuma (couverte côté intérieur d’un papier japonais peint représentant des Koï carpes sur fond doré) conduit à la chambre de 8 tatamis (1 tatami = 90 cm x 180 cm) constituée d’éléments traditionnels :

  • kotatsu : petite table mobile chauffante, équipée d’un chauffage électrique et recouverte d’une couverture qui permet de réchauffer les jambes étant donné qu’il n’y a pas de chauffage.*
  • tokonoma : alcôve de bois, on y trouve un rouleau kakejiku (peinture ou calligraphie), des fleurs ou un autre élément décoratif.
  • oshiire : placard avec fusuma où on range la literie (futon, couette, oreiller remplit de riz)
  • tembukuro : petit espace de rangement au dernier niveau du placard où on range les objets ou vêtements hors saison.
  • shôji : cadres tendus de papier blanc japonais dotées de croisillons en bois, ici, un rideau de shôji devant la fenêtre et quatre portes coulissantes et amovibles qui séparent la chambre de l’engawa.
  • engawa : la véranda, un plancher protégé par une avancée du toit, la frontière entre le dedans et le dehors
Le bois reste encore l’élément prédominant de l’architecture car le pays possède des forêts abondantes, il est ainsi à la portée de main et moins cher que la pierre.

*Dans les très vieilles maisons il existe encore les irori (une trou carré ménagé au centre de la pièce, on place le feu pour chauffer et cuisiner, le hibachi (petit brasero en céramique). Horigotatsu est beaucoup plus rare même s’il a des racines occidentales. Il était une fois un professeur d’art britannique nommé Bernard Leach qui vivait au Japon et il adorait le kotatsu mais était trop grand pour vraiment l’utiliser confortablement. Il décida de creuser assez profondément pour qu’il soit possible de s’asseoir confortablement avec les jambes pendantes à l’intérieur en dessous. Au centre, il y a aussi un trou légèrement plus profond pour le radiateur électrique moderne. Ce concept a pris son envol et s’est largement répandu dans les restaurants japonais. De nombreux autochtones et étrangers aiment ce style car il n’est pas nécessaire de s’asseoir en seiza (position assise correcte) en public.

La lumière, adoucie par les shôji, et les teintes de la pièce (bois, blanc, ocre et couleur blé), reposent les yeux et, avec l’espace dépouillé, ils forment un havre de bien-être. Pourquoi posséder des choses inutiles et encombrantes ?

La position assise a des effets directes sur la structuration de l’espace domestique. Elle implique une réduction des mouvements de l’individu. Les pièces d’habitation n’ont donc pas besoin d’être spacieuses, Si besoin est, en enlevant quelques cloisons coulissantes, on peut faire de deux petites pièces une grande. Le point de vue surbaissée qui découle de cette position assise conditionne de nombreux éléments tels que l’agencement du jardin, la hauteur des plafonds, la position des fenêtres, la position des œuvres d’art sur les étagères tana et dans les alcôves tokonoma. Tous font l’objet de codes très précis de mesures et de proportions. Dictionnaire de la civilisation japonaise Hazan

Les portes shôji donnent sur la terrasse fermée engawa avec baies vitrées qui une fois ouvertes, on accède à un sublime jardin. L’intérieur et l’extérieur se superposent par conséquent, le contact s’établit spontanément et complétement avec la nature. Une paire de geta attend avec impatience la promenade !

Les jardins japonais, par leurs rapports avec la religion, constituent un domaine complexe, ils ne peuvent pas être réduits à une simple historie des formes et des compositions.

 

 

Séjourner dans un shukubo m’a permit aussi de découvrir le quotidien des moines : assister aux rituels religieux (cérémonie du feu Gomataki et Otsutome) dès 6h30 du matin où l’on chante des sutras accompagnés de taiko tambour japonais, m’initier à la cuisine végétarienne shôjin ryôri(2 repas par jour à 7h30 et à 17h) et à la méditation Ajikan.

Une retraite de spiritualité inoubliable !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/2021

LE NOUVEL AN  I  Oshôgatsu ou ganjitsu

°°°

© BNF Estampe
© BNF Estampe

Fin 2013, lors de mon 3ème voyage, j’ai eu la chance et le bonheur de fêter le Nouvel An chez mon amie Keiko. Cela m’a permis d’observer et de participer à cette célébration importante autant sur le plan familiale que religieux. Un événement majeur pour tous les Japonais qui se réunissent en famille et se rendent dans les temples et les sanctuaires.

Les rites du Nouvel An, qui s’échelonnent sur plus d’un mois, se caractérisent par l’accueil des ancêtres, puis par celui du dieu de la nouvelle année, auquel on demande d’assurer la continuité du temps et l’abondance de l’année à venir. Dictionnaire de la civilisation japonaise Hazan

Avant 1873, on se basait sur le calendrier chinois et le Nouvel An était fêté au début du printemps. Par la suite, on a adopté le calendrier grégorien.

Le 31 décembre, ōmisoka_le réveillon

Fin décembre, pour bien accueillir la nouvelle année, on fait un double ménage intérieur : de son habitation ōsōji puis de son corps et son esprit shinshin. D’autre part, on est censé acquitter les dettes et conclure les affaires en cours.

La veille du Nouvel An, on se rend dans les temples bouddhistes otera et les sanctuaires shintô jinja pour prier hatsumode*,  les prédictions omikuji** puis, un peu avant minuit, pour écouter les 108 coups joya no kane frappés sur la cloche bonshō afin de chasser ses 108 passions ou souillures.

Comment prier hatsumode*  ?
Jeter une pièce dans la boîte en bois _Sonner la cloche 1 fois_Incliner la tête 2 fois en guise de remerciement_Taper 2 fois dans les mains_Incliner la tête encore uns fois

omikuji** « loterie sacrée » des divinations écrites sur des bandes de papier que l’on tire au sort.  Si la prédiction est mauvaise, la bande de papier est pliée et attachée à un arbre, un pin matsu en général, ou sur des supports spécifiques, afin de conjurer le mauvais sort.

Le 1er janvier

…on finit aux aurores en admirant le lever de soleil, symbole du bonheur car dans le culte shintô, la divinité du Nouvel An arrive avec le premier rayon de l’astre solaire. Amaterasu est, dans le shintoïsme, la déesse du Soleil, et tous les empereurs japonais sont ses descendants.

Les décorations de Nouvel An

Certains ont adopté le sapin, mais tous restent fidèles aux décorations traditionnelles dont le rôle est de souhaiter la bienvenue aux dieux en début d’année. D’ailleurs, les courts piédestaux sur lesquels on les présentent, ressemblent aux autels utilisés pour les offrandes aux divinités.

Shimekazari : déposée à l’entrée de la maison et composé d’éventail pliable Sensu, orange amère Daidai, crevette Ebi, fougère Uragiro, algue Kombu (il existe plusieurs formes et styles)
Kagamimochi : placée dans le tokonoma ou ailleurs, conçue avec orange amère Daidai, gâteau de riz Kagami mochi, fougères Uragiro et papier de riz Hanshi format 26/35 cm. Le 10 janvier, les mochis sont retirés, partagés et cuisinés dans une soupe traditionnelle de haricots rouge azuki.
Kadomatsu : déposée de part et d’autres de la porte d’entrée, constituée de pin et de bambou.

TRADITIONs CULINAIREs
  • ToSHI-KOSHI SOBA

Le soir du réveillon omisoka, on mange des nouilles au sarrasin toshi-koshi-soba, littéralement “soba pour passer l’année”.

  • Osechi ryôri

Ce sont des plats traditionnels du Nouvel An nés durant l’ère Heian (794-1185) qui, à mes yeux, incarnent le summum du raffinement culinaire. La présentation visuelle est tout aussi importante que la finesse du goût. Dans lÉloge de l’ombre Tanisaki Junichiro écrivait que la cuisine japonaise n’est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde, et mieux encore qui se médite.

Il semble que le mot o-sechi dérive de sechiku, qui désigne des mets préparés pour les dieux. Autrefois, l’on préparait le sechiku plusieurs fois durant l’année, qu’il s’agisse de marquer un changement de saison, de prier pour une bonne récolte, de souhaiter le succès pour ses descendants ou la sécurité du foyer. extrait magazine Niponica n°14

J’ai été émerveillée par la délicatesse et les saveurs des mets ainsi que leur « mise en scène » dans des sublimes boîtes laquées jūbako, luxueuses en comparaison avec les bento qu’on utilise quotidiennement.
Pour déguster, on utilise les baguettes festives aux extrémités pointues iwaibashi qu’on dépose sur hashi-oki repose-baguettes. Leur usage remonte au début de l’ère Heian (794-1192), lorsqu’un repose-baguettes de terre cuite en forme « d’oreille » fut placé au centre d’un plateau d’offrande de nourriture aux dieux. La manière correcte de faire reposer les baguettes est de laisser dépasser les pointes d’environ 3 cm pour que l’extrémité qui va dans la bouche ne touche pas hashi-oki !

De plus, chaque mets exprime, par son nom, un souhait de bonne santé et de prospérité.

daidai : orange amère, signifie « de génération en génération » quand il est écrit en kanji
datemaki : omelette roulée fourrée d’œufs et de poisson émincé. Le mot date évoque l’élégance, voire l’ostentation, et c’est un mets qui certainement attire l’œil. Autrefois, les documents importants étaient rangés comme rouleaux. Aussi, cette roulade comporte-t-elle une autre connotation : l’espoir du succès dans les études ou l’entraînement ;
kamaboko : un gâteau de poisson grillé composé de tranches blanches et rouges dont la couleur rappelle le drapeau national ;
kohaku-namasu : « légume rouge et blanc » kuai, composé de radis daikon et de carottes coupés en fines tranches, conservés dans du vinaigre au yuzu agrume ressemblant au citron ;
kazunoko : kazu « nombre » ko « enfant », œufs de hareng qui symbolisent le désir d’avoir un enfant pendant la nouvelle année ;
kuro-mame : des fèves de soja noir bouillies dans le sucre et de la sauce soja. Kuro signifie «noir» et mame «fève», mais mame peut aussi signifier «dur travail», «diligence», et ce mets invite donc le convive à travailler dur et avec enthousiasme durant l’année à venir ;
konbu : une algue, associée au mot yorokobu, signifiant « joie » ;
nishiki tamag: roulade d’œuf, le blanc et le jaune sont séparés avant cuisson, le blanc symbolise l’argent et le jaune l’or ;
tai : brème, associé au mot japonais « medetai », il symbolise une opportunité ;
tazukuri : des jeunes anchois séchés sont frits puis recouverts d’un glaçage sucré à base de sucre, vin doux mirin et sauce de soja mitonnés ensemble. L’on employait autrefois les anchois en guise de fertilisant en agriculture, et c’est pourquoi, dans le o-sechi, ils ont une connotation agraire, pour souhaiter d’abondantes.

  • Zôni

La tradition interdisait l’utilisation de l’âtre pour cuisiner durant les trois premiers jours de la nouvelle année, à l’exception du zōni, le premier bouillon de l’année qui symbolise la force divine de l’esprit du riz. Il est composé de légumes et de mochi pâte de riz gluant cuit à la vapeur, mais il diffère d’une région à l’autre : dans le Kanto, il est clair et dans le Kansai on préfère le miso.

La recette la plus populaire consiste en une soupe claire nommée sumashi, dont le bouillon est fait à partir de katsuobushi (flocons de bonite séchée), de varech, et d’autres ingrédients encore, le tout constituant la base que l’on assaisonne de sauce soja et de sel. Il y a ensuite la soupe miso awase, dans laquelle différents types de miso (pâte de soja fermenté) sont utilisés pour apporter du goût. Vient enfin la soupe shiro miso qui utilise du miso blanc. Mis à part le mochi, on compte parmi les ingrédients épinards, carottes ainsi que du yuzu et du persil pour leur arôme. Là aussi, des variantes existent selon la région. Ces dernières reflètent fortement le caractère des différents territoires, et sont servies généralement dans des shikki alignés sur la table, qui présentent eux aussi des caractéristiques propres à chaque région. extrait Magazine Niponica n°25 Photos Yoshizawa Naho/Aflo

 

  • Nanakusagayo

Le 7 janvier on déguste au petit-déjeuner une soupe de riz aux sept herbes du printemps afin de s’assurer une bonne santé pour toute l’année à venir.

  • Toso

Pour nous protéger des maladies, il faut boire du toso (sake vin de riz macéré avec des herbes). Mes amis m’ont servi aussi du sake* avec poudre d’or !!

 

sake* est une boisson alcoolisée (de 10 à 17~18°) japonaise obtenue à partir de la fermentation du riz. Au Japon, il est aussi appelé nihonshu, que l’on traduit par alcool japonais, à ne pas confondre avec les alcools de riz plus forts comme les shochus ou les liqueurs de riz de Chine.

 

 

AUTRES TRADITIONS
  • nengajô

Envoyer des cartes de vœux pour la nouvelle année nengajô est une tradition qui se perpétue depuis l’ère Heian (794-1185). Un jour, la poste japonaise Japan Post a eu l’idée de proposer des cartes pré-timbrées otoshidama tsuki nenga hagaki portant un numéro pour une grande loterie nationale du Nouvel An. Pour le gagnant l’année commence bien !

  • OTOSHIDAMA

A la base, c’est une tradition qui consiste à échanger les cadeaux mais de nos jours la famille fait plutôt un don d’argent aux enfants.

  • KAKIZOME

Il s’agit de la première calligraphie de l’année. Le 2 janvier on écrit ses résolutions pour attirer la chance.