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Catégorie : Culture

4/2021

Ă  mes Amies : Miyoko, Keiko, Junko et Naoko

encens  I  art olfactif

°°°

La premiĂšre fois que j’ai dĂ©couvert l’encens j’étais une petite fille mais les effluves poudrĂ©es et dĂ©licates flottent encore dans mes souvenirs. Depuis lors, je ne peux plus m’en passer !

La Roumanie importait l’encens de « notre camarade » Chinois.
En 2018, à Paris, le Musée Cernuschi lui a consacré une belle exposition  :

 

Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs
Podcast France Culture, La Fabrique de l’Histoire

RĂ©sumer l’art de l’encens au Japon en quelques lignes est impossible, tellement son Ă©volution au long des siĂšcle est riche (culte, rituels, traditions, symboles, jeux
)

Au Japon, l’apprentissage de tout art et une Voie : c’est-Ă -dire une sagesse inscrite dans une humble pratique. Les arts traditionnels, sous l’emprise du bouddhisme et plus prĂ©cisĂ©ment du zen, se sont toujours refusĂ©s Ă  l’explication, car les mots semblent les priver de leur force et de leur mystĂšre. Le geste est d’abord une expĂ©rience. Et sous sa lente rĂ©pĂ©tition dans l’espace et le temps, les objets de la cĂ©rĂ©monie deviennent les figurent apparentes d’un souffle harmonieux et serein. La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

D’aprùs Chantal Jaquet dans son livre Philosophie du Kîdî, il y a trois sortes d’utilisation de l’encens :
Sonaeko, encens offert Ă  Bouddha. Le kanji renvoie Ă  l’idĂ©e d’offrande. KĂ»kĂŽ, l’encens d’accueil et d’hospitalitĂ©. Le kanji renvoie Ă  l’idĂ©e de vide. GankĂŽ, l’encens utilisĂ© par plaisir.

  • L’encens culte bouddhiste

Dans mon blog 6Ăšme voyage, je parle de l’üle Awajishima connue pour ses forĂȘts d’arbres odorants destinĂ©s Ă  la production de l’encens.

On raconte qu’en 595, des pĂȘcheurs d’Awaji ont brĂ»lĂ© un morceau d’un bois sombre rejetĂ© par la mer. Il a dĂ©gagĂ© une senteur si Ă©blouissante qu’ils ont dĂ©cidĂ© de l’offrir Ă  la maison impĂ©riale. Le prince ShĂŽtoku qui a reçu l’offrande a aussitĂŽt reconnu le bois d’encens, parfum consacrĂ© aux cĂ©rĂ©monies bouddhiques.

Le bouddhisme est parti d’Inde en prenant la route de la soie pour s’installer d’abord dans le Nord de la Chine, puis en CorĂ©e avant d’arriver au Japon au VIe siĂšcle. Il a emportĂ© dans ses valises de l’encens, la nourriture du Bouddha.

© Domaine public

Le prince ShĂŽtoku a rĂ©pandu la doctrine bouddhiste avec ferveur mais il Ă©tait pour le syncrĂ©tisme* qu’il comparait Ă  un arbre :
shinto / racines, confucianisme / tronc et bouddhisme /fleurs
*fusion de croyance et de pratiques disparates en un systÚme unifié

Au Japon, shintĂŽ, confucianisme, bouddhisme et voire mĂȘme le christianisme, vivent en complĂšte harmonie.

Dans le KĂŽdĂŽ, la salle dĂ©diĂ©e aux sermons ou aux rĂ©unions dans les temples et monastĂšres bouddhiques, les bĂątonnets d’encens utilisĂ©s en tant que lien avec les divinitĂ©s et fumĂ©es purificatrices mesurent 30 cm. Par contre, pour la mĂ©ditation zazen ils ont + 70 cm et se consument au bout de 8h.

A la maison, la plupart des Japonais ont un autel funĂ©raire butsudan avec l’effigie d’un bouddha et les tablettes funĂ©raires oĂč reposent les noms posthumes des ancĂȘtres et chaque matin, depuis des siĂšcles, ils brĂ»lent l’encens pour rester en contact avec les dĂ©funts.

  • L’encens rite

Au XIVe et XVe siĂšcle, se dĂ©veloppe l’importation des bois aromatiques provenant de Chine. Des jeux avec des fragrances de bois aromatiques voient le jour :

– takimonoawase qui compare les qualitĂ©s des mĂ©langes odorants et le savoir-faire de leurs auteurs
– koawase ou meiko-awase lorsqu’on utilise des meiko bois cĂ©lĂšbres dotĂ©s d’un nom, concours complexe de fragrances et d’hommes qui s’ordonnent et se distinguent sous la haute autoritĂ© d’un maĂźtre

Il s’agit non seulement de juger des qualitĂ©s et dĂ©fauts des encens prĂ©sentĂ©s, mais Ă©galement de l’adĂ©quation des appellations qu’on leur attribue en fonction de leur couleur, de leur forme, de leur provenance, ainsi que des rĂ©fĂ©rences poĂ©tiques et littĂ©raires auxquelles ils renvoient. Dictionnaire de la civilisation japonaise Editions Hazan

Grand seigneur, Sasaki Doyo aimait les poĂ©sies, les cerisiers en fleurs, mais plus farouchement encore les bois odorants. Il possĂ©dait une collection de 177 sortes d’encens prestigieux ou meiko. Il passait pour avoir un nez infaillible et pouvait donner le nom poĂ©tique de chacun des bois rares qu’il respirait : Nuages lĂ©gers, Fleurs du Vieux Prunier, Brume sur le Fugi
La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

Mais l’art d’apprĂ©cier les senteurs d’encens et de savoir distinguer leur provenance a Ă©tĂ© codifiĂ© par le poĂšte Sanjonishi Sanetaka puis son disciple Shino Munenobu.

Deux Ă©coles existent encore de nos jours qui se diffĂ©rencient par les rĂšgles, la gestuelle, le matĂ©riel, le mode d’emploi, dĂ©nomination des ustensiles,…et enfin, la maniĂšre de consigner les rĂ©sultats sur la feuille de relevĂ© kokiroku :

– Oie (Oie-RyĂ») descendants de Sanjonishi Sanetaka utilise kai « l’Ă©criture d’herbe » fluide avec des fines ondulations
– Shino (Shino-RyĂ») descendants de Shino Munenobu emploie la calligraphie zen shodo

Le 8Ăšme shĂŽgun Ashikaga Yoshimasa (rĂšgne 1443-1473) a Ă©galement jouĂ© un grand rĂŽle dans le dĂ©veloppement du rite de l’encens. Grand protecteur des beaux-arts (dont le thĂ©Ăątre NĂŽ), des jardins paysagers et de la cĂ©rĂ©monie du thĂ© chanoyu), il a Ă©rigĂ© le Ginkakuji Le Pavillon d’Argent en 1482, Ă  l’époque villa dĂ©nommĂ©e Higashiyama-dono, le « Palais des montagnes de l’Est » oĂč il se retira aprĂšs avoir abdiquĂ©. AprĂšs sa mort, il a Ă©tĂ© transformĂ© en temple par JishĂŽji, l’école bouddhique zen Rinzai. Pour plus de dĂ©tails, je vous invite Ă  lire mon blog 1er voyage

Le fait de brĂ»ler de l’encens dĂ©veloppe un odorat raffinĂ© : on lui attribue Ă©galement le mĂ©rite d’affiner l’esprit Ă  l’instar de la cĂ©rĂ©monie du thĂ© chanoyou ou de l’arrangement floral, ikebana, rĂ©putĂ©s pour favoriser l’Ă©quilibre spirituel et physique. Ryokan Editions Könemann

Les jeux raffinĂ©s ont donnĂ© naissance Ă  la voie de l’encens KĂŽdĂŽ.
La cérémonie est trÚs élaborée et porte différents noms :

– itchĂ»giki ou kanshoko si on utilise une seule essence de bois
– kumikĂŽ « la combinaison des encens ». La forme la plus ancienne est juthukĂŽ « les dix Ă©coutes » car dans la voie de l’encens sentir se dit Ă©couter !

C’est durant la pĂ©riode Edo (1603-1868) qu’on a crĂ©Ă© plus de mille formes de jeux inspirĂ©s de la littĂ©rature classique et de la poĂ©sie de l’époque d’or de Heian (794-1185).

© Domaine public

Le Parfum de Shirakawa : inspiré par un waka écrit par NÎ-in HÎshi moine bouddhiste lors de son voyage
Le Parfum des Trois Paysages : Matsushima, Amanohashidate (2Ăšme voyage 2013) et Itukushima.
Le Parfum des Étoiles RĂ©unies : la lĂ©gende du Bouvier et de la Tisserande qui se rencontrent chaque annĂ©e le soir du 7 juillet.
Le Parfum de Genji : GenjikÎ, créé en 1716, un canevas composé de 54 chapitres du Dit de Genji de Murasaki Shikibu
Les rĂšgles du jeu sont strictes. DĂ©jĂ , la tempĂ©rature du feu dans le brĂ»le-parfum doit ĂȘtre bien rĂ©glĂ©e afin d’obtenir la meilleure fragrance et les participants ne doivent exhaler aucune odeur


 

  • L’encens plaisir

Un moine chinois Ganjin a divulguĂ© en 754 le secret de fabrication des parfums Ă  brĂ»ler. Ainsi, prend vie le nerikĂŽ (petites boules parfumĂ©es constituĂ©es d’un mĂ©lange de poudre de bois aromatiques, Ă©pices, plantes odorantes, musc, chair de prune, miel, charbon) et la compĂ©tition takimono-awase le gagnant Ă©tant celui qui prĂ©sente un mĂ©lange de haute qualitĂ©.

DĂšs l’époque Heian (794-1185), l’ñge d’or du faste et du raffinement, le moindre espace ou objet Ă©tait soumis aux lois du parfum. La sensibilitĂ© esthĂ©tique avait plus de valeur que la vertu. Le code du beau avait atteint le summum de l’élĂ©gance mais aussi de la sophistication.

L’encens Ă©tait utilisĂ© pour parfumer l’habitation soradaki.
On accrochait aussi des boules de soie parfumĂ©es kusudama, Ă  la maniĂšre de pots-pourris composĂ© de fleurs et d’herbes pour chasser les mauvais esprits.

 

© Niponica 16

Les soieries Ă©taient parfumĂ©es ikĂŽ, le Parfum de la Robe Ă©tait surnommĂ© aussi Parfum du Corps. Les vĂȘtements, les corps et les chevelures Ă©taient embaumĂ©s par les fumĂ©es d’encens. On utilisait aussi des sachets fragrants de soie nioi-bukuro que femmes et hommes portaient Ă  mĂȘme la poitrine. Encore aujourd’hui, on offre un nioi-bukuro Ă  une personne en choisissant le parfum qui s’associe le mieux au caractĂšre qu’on lui prĂȘte. Ces petits sachets crĂ©ent de prĂ©cieux moments esthĂ©tiques tandis que l’on se met Ă  l’écoute de leur arĂŽme. On dĂ©couvre avec eux le sens esthĂ©tique unique des Japonais, pour qui le parfum est une forme de communication.Nipponica n°16

Les dames à la cours consommaient aussi des pastilles aux vertus « extraordinaires » :
Trois jours durant, la Dame consomme treize pastilles son haleine devient fleur. Cinq jours se passent, et son corps exhale dĂ©licieusement. Au dixiĂšme jour, ses manteaux ne sont que suaves effluves. Le vingtiĂšme jour, la brise qui la suit est un ample bouquet. Au vingt-cinquiĂšme jour, de l’eau tombĂ©e de ses mains, la terre s’est changĂ©e en parfum. Un mois s’est Ă©coulĂ©e l’enfant qu’elle berce contre son sein garde toute la douceur de ses fragrances. La voie de l’encens Louise Boudonnat et Harumi Kushizaki Editions Picquier

Sans oublier, l’art de la sĂ©duction dont je parle dans mon blog 1er voyage : les lettres. Parfums et couleurs n’étaient pas choisis au hasard. Un code Ă©tait Ă  respecter : papier rose perle Ă  la floraison des cerisiers, papier parme durant la floraison des glycines
 et Ă  chaque missive on nouait une branche ou une fleur de saison. L’étiquette amoureuse voulait que l’amant, peu aprĂšs son dĂ©part matinal envoie Ă  la dame de ses pensĂ©es une lettre et un poĂšme pour confirmer ses sentiments et sa culture littĂ©raire. Le code exigeait que la dame fasse Ă©cho avec un poĂšme waka. Un savoir-faire et savoir-vivre d’un raffinement extrĂȘme !

Et enfin, le plaisir nous mĂšne forcĂ©ment Ă  l’Ă©poque Edo (1603-1868) et ukiyo « le monde flottant », terme bouddhique qui exprime les souffrances liĂ©es Ă  la vie profane, Ă  ne pas confondre donc avec le renversement sĂ©mantique ukiyo et ukiyo-e  « image du monde flottant » qui invite au divertissement et Ă  la jouissance.

Vivre uniquement dans l’instant prĂ©sent, se livrer tout entier Ă  la contemplation de la lune, de la neige de la fleur de cerisier et de la feuille d’Ă©rable, chanter, boire du sakĂ©, ressentir du plaisir rien qu’Ă  ondoyer, ne pas se laisser abattre par la pauvretĂ© et ne pas la laisser transparaĂźtre sur son visage, mais dĂ©river comme une calebasse sur la riviĂšre, c’est ce qui s’appelle ukiyo. poĂšte Assai RiyĂŽi prĂ©face de Contes du monde flottant Ukiyo monogatari

Dans le Japon du XVIIe siĂšcle, le « monde flottant », ou ukiyo, est tout Ă  la fois le monde des divertissements, du thĂ©Ăątre de kabuki et des maisons de thĂ©, des acteurs et des courtisanes, univers « aux marges » d’une sociĂ©tĂ© urbaine et prospĂšre. Le monde flottant de l’ukiyĂŽ-e, la pĂ©rennitĂ© de l’éphĂ©mĂšre de Danielle Elisseeff

Dans le Monde Flottant, l’encens a deux rĂŽles : arme de sĂ©duction et horloge pour mesurer le temps.

Le bois d’encens le plus prĂ©cieux, de par sa raretĂ© et son prix, se nommait Kyara. Son nom est devenu synonyme de beau, distinguĂ© et luxueux (vĂȘtements Ă©lĂ©gants, femme avec des sentiments nobles, huile de kyara pour les cheveux..)

Les courtisanes et les femmes de joies fixaient leurs tarifs en fonction du nombre de bùtonnets utilisés. Un bùtonnet classique de 15 cm se consomme en 30 mn.

 

  • Les ustensiles de la cĂ©rĂ©monie de l’encens :

kĂŽgo : boĂźte pour la matiĂšre odorante
hitori : le brule parfum
kĂŽbasi : les baguettes

Le maĂźtre laqueur KoĂ€mi Nagashige, attachĂ©s au service des shogouns, a fini au bout de 3 ans le nĂ©cessaire Ă  encens hatsune le plus somptueux qui existe pour le mariage de Chiyo, la fille de Tokugawa Iemitsu. Il a utilisĂ© la technique nashiji  « fond Ă  peau de poire » qui donne une lĂ©gĂšre impression de rugositĂ©, en mariant l’or, l’argent, le corail, l’écriture, dessins de pins et rochers, et le mon du shogoun, 3 feuille de mauve (trĂ©sor national conservĂ© au MusĂ©e Tokugawa Ă  Nagoya).

Le nom de son chef-d’Ɠuvre Premier Chant du Rossignol a Ă©tĂ© empruntĂ© au titre du 23Ăšme chapitre du Dit de Genji de Murasaki Shikibu

© Tokugawa Art Museum

Mois et années ont passé
Ă  celle qui cueille le premier pin du Nouvel An
aujourd’hui
que se fasse entendre le premier chant du rossignol.

 

 

 

  • Premiers ouvrages d’initiation Ă  l’art du kĂŽ

La voie de l’Encens, le jardin de l’orchidĂ©e par le poĂšte Kikuoka
La voie de l’Encens, le prunier d’une humble demeure par Maki

Nonchalamment
Je brĂ»le l’encens
Soir de printemps

Naozari ni
KĂŽ taku haru no
Yube kana

Buson (1716 -1783)

3/2021

  sons   I  odeurs

°°°

Quand on voyage on devrait fermer les yeux

Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur

Blaise Cendrars extrait de Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

°°°

Il est facile de reconnaĂźtre le Japon les yeux fermĂ©s grĂące aux sons et aux odeurs, indicatifs qui font la singularité d’un lieu, d’un milieu, d’une culture.

Les sons

Dans les villes, on est vite Ă©tourdi par un mĂ©lange assourdissant de sons : radio, tĂ©lĂ©, musique, annonces, avertissements, rappels, sonneries, sirĂšnes, des vendeurs qui crient Ă  voix nue ou dans un haut-parleur,… D’aprĂšs une Ă©tude OMS,  le Japon serait la nation la plus bruyante du monde, pas Ă©tonnant !

Les seuls signaux sonores que je trouve amusants sont les feux pour les piĂ©tons : kako, le chant du coucou, pour les carrefours est-ouest et pico, un chant d’un autre oiseau, pour les carrefours nord-sud. Puis, les bandes sonores aux toilettes femmes car il est impoli de se faire entendre… les dĂ©cibels varient en fonction du bruit que l’on fait, Mesdames !

Autrement, je chĂ©rie les sons de la nature : le chant des oiseaux au printemps, surtout Uguisu la bouscarle chanteuse, le chant des cigales en Ă©tĂ©, les grondements d’une cascade, le rugissement d’une riviĂšre, le bruit du vent dans les arbres….

Les Japonais ont inventĂ© la pratique du Shinrin yoku « forĂȘt bain », qui signifie se baigner dans la forĂȘt ou s’imprĂ©gner de la forĂȘt Ă  l’aide de ses sens. Ils ont mĂȘme crĂ©Ă© des onomatopĂ©es pour traduire les sons de la nature :

shito shito : le son d’une pluie fine
zaza zaza : le son d’une pluie forte
kasa kasa : le solde léger des feuilles craquant sous les pieds
gasagasa : le bruissement prononcĂ© des branches ployant sous l’action du vent
hyu hyu : le son du vent qui souffle
goro goro : le roulement du tonnerre
saku saku : le craquement des pas dans la neige

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forĂȘt Dr Qing Li Ă©ditons First

Le son hyu hyu dans une mini leçon animĂ©e de japonais… craquante !

Les odeurs

L’odorat est liĂ© Ă  nos Ă©motions et nos souvenirs, autant que le sens gustatif qui nous ramĂšne « à la madeleine » de Proust.

Koyasan a Ă©tĂ© ma premiĂšre expĂ©rience avec le Japon traditionnel. En dehors du concentrĂ© de beautĂ© qui m’entourait et les sons de la nature, j’ai Ă©tĂ© frappĂ©e par ses odeurs. MĂȘme ma chambre dĂ©gageait un mĂ©lange de fragrances naturelles (bois, paille des tatamis, graines de riz de l’oreiller, papier des shoji, encens…).

Le village est entourĂ© de forĂȘts de conifĂšres fort aromatiques : cyprĂšs hinoki, cĂšdres sugi(noki) et pins koyamaki*. Comme toute forĂȘt, leurs parfums et celui de la terre, ont un effet direct sur l’esprit et le corps, un pouvoir de guĂ©rison. Et, contrairement au goĂ»t qui disparaĂźt rapidement, les essences des arbres gĂ©nĂšrent un effet qui dure.

Matsu sugi o
homete ya
kaze no kaoru oto
Est-ce pour admirer pins et cyprĂšs?
La brise parfumée
souffle bruyamment
  Matsu-kaze no
ochiba ka mizu no
oto suzushi     
  Vent dans les pins –
Des aiguilles de pin tombant sur l’eau
le son agréable
Matsuo BashĂŽ (1644-1694)

La nuit, il avait neigĂ© lĂ©gĂšrement. Le lendemain, les odeurs de la terre et des pierres tombales du sanctuaire Okunoin se sont mĂȘlĂ©es Ă  celles des conifĂšres. En cas de pluie ou de neige, l’eau libĂšre les huiles stockĂ©es dans les pierres et leurs parfums emplissent l’air.

Cette odeur a elle aussi un nom. Les scientifiques parlent de « petrichor » des termes grecs petra (pierre) et ichor, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’essence qui circule dans les veines des dieux en lieu et place du sang. Petrichor signifie donc littĂ©ralement « l’essence de la pierre ». L’odeur de la vie ! extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forĂȘt Dr Qing Li Ă©ditons First

(*) Hinoki « cĂšdre blanc » et « arbre Ă  feu », cyprĂšs (Chamaecyparis obtusa) 30-40 m hauteur. ArĂŽme frais, citronnĂ© et une lĂ©gĂšre note fumĂ©e. Autrefois, on produisait du feu en frottant des baguettes de son bois dans les temples shintoĂŻstes. C’est un arbre sacrĂ© de Kiso (**) utilisĂ© pour la construction (maisons, temples, sanctuaires dont celui d’Ise), la menuiserie (rotenburo les bains en bois) et la sculpture. Il est tendre, ne se fendille et ne se dĂ©forme pas dans les climats humides, et il est rĂ©sistant aux insectes nuisible. Ses Ă©corces Ă©taient utilisĂ©es  pour constituer des bardeaux hiwadabuki et on extrait de ses feuilles une huile servant Ă  faire des parfums. Il en existe de nombreuses sortes de cĂšdres parfois appelĂ©es hiba (Thujospsis dolabrata).
Bienfaits de l’huile essentielle : calme l’anxiĂ©tĂ©, dĂ©tend, apaise les douleurs musculaires

Sugi(noki) cĂšdre rouge du Japon ou le pin japonais (Cryptomeria japonica). ArĂŽme boisĂ© et chaude de rĂ©sine. Huile est extraite du bois. Les coffres Ă  linge sont souvent en cĂšdre car sa haute teneur en huile du bois qui chassent les insectes. Les Égyptiens l’utilisaient pour se parfumer et pour l’embaument.
Bienfaits de l’huile essentielle : traite les problĂšmes respiratoires et musculaires, favorise la stabilitĂ© Ă©motionnelle.

Koyamaki (Sciadopythis verticillata) son nom vient du lieu de prĂ©sence autour du mont Koya. Ses longues aiguilles vert clair sont disposĂ©es en bouquet autour du rameau, ce qui fait son originalitĂ©. Il est utilisĂ© dans la construction des bateaux car rĂ©sistant Ă  l’humiditĂ©.
Bienfaits de l’huile essentielle : propriĂ©tĂ©s antibactĂ©riennes et antiseptiques, stimulante et tonifiante, calme l’anxiĂ©tĂ©, calme les douleurs musculaires et articulaires…

(**) Kiso : Pendant l’Ă©poque d’Edo, les samouraĂŻs au pouvoir protĂ©geaient les arbres qui poussaient dans la vallĂ©e de Kiso. Ils Ă©taient abattus que pour la construction des maison et temples des familles influentes. La rĂšgle d’une tĂȘte pour un arbre a Ă©tĂ© instituĂ©e ; cela signifiait, comme vous l’avez sans doute devinĂ©, que si vous abattiez un arbre, on vous coupĂąt la tĂȘte. Les cinq types d’arbres protĂ©gĂ©s ont Ă©tĂ© surnommĂ©s les Kiso Goshinboku ou cinq arbres sacrĂ©s de Kiso.

    • CyprĂšs hinoki (Chamaecyparis obtusa)
    • CyprĂšs sawara (Chamaecyparis pisifera)
    • Nezuko ou Thuya du Japon (Thuja standishii)
    • Asunaro ou Thujopsis (Thujospsis dolabrata)
    • Koyamaki ou pin parasol du Japon (Sciadopitys verticilatta)

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forĂȘt Dr Qing Li Ă©ditons First

2/2021

Mon premier contact avec le Japon traditionnel

°°°

DĂšs mon premier voyage au Japon au printemps 2012, j’ai Ă©prouvĂ© un apaisement moral et sĂ©curitaire comme nulle part ailleurs. Je me sentais du Japon ! Avoir la conviction de retrouver une contrĂ©e au lieu de la dĂ©couvrir, ça restera un mystĂšre… sauf pour mon amie Keiko, persuadĂ©e que dans une autre vie j’ai Ă©tĂ© japonaise. Pour une fois, j’ai envie de croire Ă  la rĂ©incarnation prĂȘchĂ©e par la religion bouddhiste.

Les deux premiĂšres nuits, j’ai dormi Ă  Ekoin, un temple bouddhiste shukubo qui signifie littĂ©ralement « dormir chez les moines », dans le village Koyasan situĂ© Ă  environ 1000 m d’altitude sur le mont Koya, 2Ăšme montagne sacrĂ©e aprĂšs le mont Fuji. Ici, des moines de la secte bouddhiste Shingon « Vraie Parole », fondĂ©e par KÛKAI (KĂŽbo Daishi) au IXe, vivent dans des temples entourĂ©s de forĂȘts de cĂšdres, de cyprĂšs et de pins.

Tu me demandes pourquoi j’ai pĂ©nĂ©trĂ© les montagnes profondes et froides
M’offrant aux vertiges des pics raides et des rochers grimaçants
Pour ne parvenir que douloureusement en difficiles escalades Ă  l’endroit
Que hantent les dieux de la montagne et les esprits des bois.

Rester en la grande ville m’eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©risoire
Je dois partir, loin. Rester ici me serait impossible
LibĂšre-moi, car un jour je serai maĂźtre du vide
Un enfant de Shingon ici ne demeurera.
Kukai, poĂšme pour un aristocrate de Kyoto

Pourquoi Koyasan ? Lors d’une dĂ©dicace de Thierry Janssen, psychothĂ©rapeute et auteur belge, on a abordĂ© mon voyage et il m’a convaincue d’y faire une halte. Effectivement, c’est un endroit idĂ©al pour ĂȘtre en contact avec le Japon ancien, tout y est ! La nature d’une majestĂ© renversante, les maisons traditionnelles fascinantes et les cultes ancestraux. Mes cinq sens Ă©taient en alerte constante !

Ce fut un immense bonheur de vivre enfin l’expĂ©rience tant rĂȘvĂ©e : dormir dans une chambre traditionnelle washitsu ! Elle est restĂ©e imprĂ©gnĂ©e dans ma mĂ©moire.

Une premiĂšre porte coulissante donne sur une petite entrĂ©e avec un  placard pour les chaussures getabako. Puis, une deuxiĂšme porte fusuma (couverte cĂŽtĂ© intĂ©rieur d’un papier japonais peint reprĂ©sentant des KoĂŻ carpes sur fond dorĂ©) conduit Ă  la chambre de 8 tatamis (1 tatami = 90 cm x 180 cm) constituĂ©e d’Ă©lĂ©ments traditionnels :

  • kotatsu : petite table mobile chauffante, Ă©quipĂ©e d’un chauffage Ă©lectrique et recouverte d’une couverture qui permet de rĂ©chauffer les jambes Ă©tant donnĂ© qu’il n’y a pas de chauffage.*
  • tokonoma : alcĂŽve de bois, on y trouve un rouleau kakejiku (peinture ou calligraphie), des fleurs ou un autre Ă©lĂ©ment dĂ©coratif.
  • oshiire : placard avec fusuma oĂč on range la literie (futon, couette, oreiller remplit de riz)
  • tembukuro : petit espace de rangement au dernier niveau du placard oĂč on range les objets ou vĂȘtements hors saison.
  • shĂŽji : cadres tendus de papier blanc japonais dotĂ©es de croisillons en bois, ici, un rideau de shĂŽji devant la fenĂȘtre et quatre portes coulissantes et amovibles qui sĂ©parent la chambre de l’engawa.
  • engawa : la vĂ©randa, un plancher protĂ©gĂ© par une avancĂ©e du toit, la frontiĂšre entre le dedans et le dehors
Le bois reste encore l’Ă©lĂ©ment prĂ©dominant de l’architecture car le pays possĂšde des forĂȘts abondantes, il est ainsi Ă  la portĂ©e de main et moins cher que la pierre.

*Dans les trĂšs vieilles maisons il existe encore les irori (une trou carrĂ© mĂ©nagĂ© au centre de la piĂšce, on place le feu pour chauffer et cuisiner, le hibachi (petit brasero en cĂ©ramique). Horigotatsu est beaucoup plus rare mĂȘme s’il a des racines occidentales. Il Ă©tait une fois un professeur d’art britannique nommĂ© Bernard Leach qui vivait au Japon et il adorait le kotatsu mais Ă©tait trop grand pour vraiment l’utiliser confortablement. Il dĂ©cida de creuser assez profondĂ©ment pour qu’il soit possible de s’asseoir confortablement avec les jambes pendantes Ă  l’intĂ©rieur en dessous. Au centre, il y a aussi un trou lĂ©gĂšrement plus profond pour le radiateur Ă©lectrique moderne. Ce concept a pris son envol et s’est largement rĂ©pandu dans les restaurants japonais. De nombreux autochtones et Ă©trangers aiment ce style car il n’est pas nĂ©cessaire de s’asseoir en seiza (position assise correcte) en public.

La lumiĂšre, adoucie par les shĂŽji, et les teintes de la piĂšce (bois, blanc, ocre et couleur blĂ©), reposent les yeux et, avec l’espace dĂ©pouillĂ©, ils forment un havre de bien-ĂȘtre. Pourquoi possĂ©der des choses inutiles et encombrantes ?

La position assise a des effets directes sur la structuration de l’espace domestique. Elle implique une rĂ©duction des mouvements de l’individu. Les piĂšces d’habitation n’ont donc pas besoin d’ĂȘtre spacieuses, Si besoin est, en enlevant quelques cloisons coulissantes, on peut faire de deux petites piĂšces une grande. Le point de vue surbaissĂ©e qui dĂ©coule de cette position assise conditionne de nombreux Ă©lĂ©ments tels que l’agencement du jardin, la hauteur des plafonds, la position des fenĂȘtres, la position des Ɠuvres d’art sur les Ă©tagĂšres tana et dans les alcĂŽves tokonoma. Tous font l’objet de codes trĂšs prĂ©cis de mesures et de proportions. Dictionnaire de la civilisation japonaise Hazan

Les portes shĂŽji donnent sur la terrasse fermĂ©e engawa avec baies vitrĂ©es qui une fois ouvertes, on accĂšde Ă  un sublime jardin. L’intĂ©rieur et l’extĂ©rieur se superposent par consĂ©quent, le contact s’Ă©tablit spontanĂ©ment et complĂ©tement avec la nature. Une paire de geta attend avec impatience la promenade !

Les jardins japonais, par leurs rapports avec la religion, constituent un domaine complexe, ils ne peuvent pas ĂȘtre rĂ©duits Ă  une simple historie des formes et des compositions.

 

 

SĂ©journer dans un shukubo m’a permit aussi de dĂ©couvrir le quotidien des moines : assister aux rituels religieux (cĂ©rĂ©monie du feu Gomataki et Otsutome) dĂšs 6h30 du matin oĂč l’on chante des sutras accompagnĂ©s de taiko tambour japonais, m’initier Ă  la cuisine vĂ©gĂ©tarienne shĂŽjin ryĂŽri(2 repas par jour Ă  7h30 et Ă  17h) et Ă  la mĂ©ditation Ajikan.

Une retraite de spiritualité inoubliable !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/2021

LE NOUVEL AN  I  OshÎgatsu ou ganjitsu

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© BNF Estampe
© BNF Estampe

Fin 2013, lors de mon 3Ăšme voyage, j’ai eu la chance et le bonheur de fĂȘter le Nouvel An chez mon amie Keiko. Cela m’a permis d’observer et de participer Ă  cette cĂ©lĂ©bration importante autant sur le plan familiale que religieux. Un Ă©vĂ©nement majeur pour tous les Japonais qui se rĂ©unissent en famille et se rendent dans les temples et les sanctuaires.

Les rites du Nouvel An, qui s’échelonnent sur plus d’un mois, se caractĂ©risent par l’accueil des ancĂȘtres, puis par celui du dieu de la nouvelle annĂ©e, auquel on demande d’assurer la continuitĂ© du temps et l’abondance de l’annĂ©e Ă  venir. Dictionnaire de la civilisation japonaise Hazan

Avant 1873, on se basait sur le calendrier chinois et le Nouvel An Ă©tait fĂȘtĂ© au dĂ©but du printemps. Par la suite, on a adoptĂ© le calendrier grĂ©gorien.

Le 31 dĂ©cembre, ƍmisoka_le rĂ©veillon

Fin dĂ©cembre, pour bien accueillir la nouvelle annĂ©e, on fait un double mĂ©nage intĂ©rieur : de son habitation ƍsƍji puis de son corps et son esprit shinshin. D’autre part, on est censĂ© acquitter les dettes et conclure les affaires en cours.

La veille du Nouvel An, on se rend dans les temples bouddhistes otera et les sanctuaires shintĂŽ jinja pour prier hatsumode*,  les prĂ©dictions omikuji** puis, un peu avant minuit, pour Ă©couter les 108 coups joya no kane frappĂ©s sur la cloche bonshƍ afin de chasser ses 108 passions ou souillures.

© Nippon.com

Comment prier hatsumode*  ?
Jeter une piĂšce dans la boĂźte en bois _Sonner la cloche 1 fois_Incliner la tĂȘte 2 fois en guise de remerciement_Taper 2 fois dans les mains_Incliner la tĂȘte encore uns fois

omikuji** « loterie sacrĂ©e » des divinations Ă©crites sur des bandes de papier que l’on tire au sort.  Si la prĂ©diction est mauvaise, la bande de papier est pliĂ©e et attachĂ©e Ă  un arbre, un pin matsu en gĂ©nĂ©ral, ou sur des supports spĂ©cifiques, afin de conjurer le mauvais sort.

Le 1er janvier

…on finit aux aurores en admirant le lever de soleil, symbole du bonheur car dans le culte shintĂŽ, la divinitĂ© du Nouvel An arrive avec le premier rayon de l’astre solaire. Amaterasu est, dans le shintoĂŻsme, la dĂ©esse du Soleil, et tous les empereurs japonais sont ses descendants.

Les décorations de Nouvel An

Certains ont adoptĂ© le sapin, mais tous restent fidĂšles aux dĂ©corations traditionnelles dont le rĂŽle est de souhaiter la bienvenue aux dieux en dĂ©but d’annĂ©e. D’ailleurs, les courts piĂ©destaux sur lesquels on les prĂ©sentent, ressemblent aux autels utilisĂ©s pour les offrandes aux divinitĂ©s.

Shimekazari : dĂ©posĂ©e Ă  l’entrĂ©e de la maison et composĂ© d’Ă©ventail pliable Sensu, orange amĂšre Daidai, crevette Ebi, fougĂšre Uragiro, algue Kombu (il existe plusieurs formes et styles)
Kagamimochi : placée dans le tokonoma ou ailleurs, conçue avec orange amÚre Daidai, gùteau de riz Kagami mochi, fougÚres Uragiro et papier de riz Hanshi format 26/35 cm. Le 10 janvier, les mochis sont retirés, partagés et cuisinés dans une soupe traditionnelle de haricots rouge azuki.
Kadomatsu : dĂ©posĂ©e de part et d’autres de la porte d’entrĂ©e, constituĂ©e de pin et de bambou.

TRADITIONs CULINAIREs
  • ToSHI-KOSHI SOBA

Le soir du rĂ©veillon omisoka, on mange des nouilles au sarrasin toshi-koshi-soba, littĂ©ralement “soba pour passer l’annĂ©e”.

  • Osechi ryĂŽri

Ce sont des plats traditionnels du Nouvel An nĂ©s durant l’ùre Heian (794-1185) qui, Ă  mes yeux, incarnent le summum du raffinement culinaire. La prĂ©sentation visuelle est tout aussi importante que la finesse du goĂ»t. Dans l’Éloge de l’ombre Tanisaki Junichiro Ă©crivait que la cuisine japonaise n’est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde, et mieux encore qui se mĂ©dite.

Il semble que le mot o-sechi dĂ©rive de sechiku, qui dĂ©signe des mets prĂ©parĂ©s pour les dieux. Autrefois, l’on prĂ©parait le sechiku plusieurs fois durant l’annĂ©e, qu’il s’agisse de marquer un changement de saison, de prier pour une bonne rĂ©colte, de souhaiter le succĂšs pour ses descendants ou la sĂ©curitĂ© du foyer. extrait magazine Niponica n°14

J’ai Ă©tĂ© Ă©merveillĂ©e par la dĂ©licatesse et les saveurs des mets ainsi que leur « mise en scĂšne » dans des sublimes boĂźtes laquĂ©es jĆ«bako, luxueuses en comparaison avec les bento qu’on utilise quotidiennement.
Pour dĂ©guster, on utilise les baguettes festives aux extrĂ©mitĂ©s pointues iwaibashi qu’on dĂ©pose sur hashi-oki repose-baguettes. Leur usage remonte au dĂ©but de l’ùre Heian (794-1192), lorsqu’un repose-baguettes de terre cuite en forme « d’oreille » fut placĂ© au centre d’un plateau d’offrande de nourriture aux dieux. La maniĂšre correcte de faire reposer les baguettes est de laisser dĂ©passer les pointes d’environ 3 cm pour que l’extrĂ©mitĂ© qui va dans la bouche ne touche pas hashi-oki !

De plus, chaque mets exprime, par son nom, un souhait de bonne santé et de prospérité.

daidai : orange amÚre, signifie « de génération en génération » quand il est écrit en kanji
datemaki : omelette roulĂ©e fourrĂ©e d’Ɠufs et de poisson Ă©mincĂ©. Le mot date Ă©voque l’élĂ©gance, voire l’ostentation, et c’est un mets qui certainement attire l’Ɠil. Autrefois, les documents importants Ă©taient rangĂ©s comme rouleaux. Aussi, cette roulade comporte-t-elle une autre connotation : l’espoir du succĂšs dans les Ă©tudes ou l’entraĂźnement ;
kamaboko : un gùteau de poisson grillé composé de tranches blanches et rouges dont la couleur rappelle le drapeau national ;
kohaku-namasu : « légume rouge et blanc » kuai, composé de radis daikon et de carottes coupés en fines tranches, conservés dans du vinaigre au yuzu agrume ressemblant au citron ;
kazunoko : kazu « nombre » ko « enfant », Ɠufs de hareng qui symbolisent le dĂ©sir d’avoir un enfant pendant la nouvelle annĂ©e ;
kuro-mame : des fĂšves de soja noir bouillies dans le sucre et de la sauce soja. Kuro signifie «noir» et mame «fĂšve», mais mame peut aussi signifier «dur travail», «diligence», et ce mets invite donc le convive Ă  travailler dur et avec enthousiasme durant l’annĂ©e Ă  venir ;
konbu : une algue, associée au mot yorokobu, signifiant « joie » ;
nishiki tamago : roulade d’Ɠuf, le blanc et le jaune sont sĂ©parĂ©s avant cuisson, le blanc symbolise l’argent et le jaune l’or ;
tai : brÚme, associé au mot japonais « medetai », il symbolise une opportunité ;
tazukuri : des jeunes anchois sĂ©chĂ©s sont frits puis recouverts d’un glaçage sucrĂ© Ă  base de sucre, vin doux mirin et sauce de soja mitonnĂ©s ensemble. L’on employait autrefois les anchois en guise de fertilisant en agriculture, et c’est pourquoi, dans le o-sechi, ils ont une connotation agraire, pour souhaiter d’abondantes.

  • ZĂŽni

La tradition interdisait l’utilisation de l’ñtre pour cuisiner durant les trois premiers jours de la nouvelle annĂ©e, Ă  l’exception du zƍni, le premier bouillon de l’annĂ©e qui symbolise la force divine de l’esprit du riz. Il est composĂ© de lĂ©gumes et de mochi pĂąte de riz gluant cuit Ă  la vapeur, mais il diffĂšre d’une rĂ©gion Ă  l’autre : dans le Kanto, il est clair et dans le Kansai on prĂ©fĂšre le miso.

© Niponica 25

La recette la plus populaire consiste en une soupe claire nommĂ©e sumashi, dont le bouillon est fait Ă  partir de katsuobushi (flocons de bonite sĂ©chĂ©e), de varech, et d’autres ingrĂ©dients encore, le tout constituant la base que l’on assaisonne de sauce soja et de sel. Il y a ensuite la soupe miso awase, dans laquelle diffĂ©rents types de miso (pĂąte de soja fermentĂ©) sont utilisĂ©s pour apporter du goĂ»t. Vient enfin la soupe shiro miso qui utilise du miso blanc. Mis Ă  part le mochi, on compte parmi les ingrĂ©dients Ă©pinards, carottes ainsi que du yuzu et du persil pour leur arĂŽme. LĂ  aussi, des variantes existent selon la rĂ©gion. Ces derniĂšres reflĂštent fortement le caractĂšre des diffĂ©rents territoires, et sont servies gĂ©nĂ©ralement dans des shikki alignĂ©s sur la table, qui prĂ©sentent eux aussi des caractĂ©ristiques propres Ă  chaque rĂ©gion. extrait Magazine Niponica n°25 Photos Yoshizawa Naho/Aflo

 

  • Nanakusagayo

Le 7 janvier on dĂ©guste au petit-dĂ©jeuner une soupe de riz aux sept herbes du printemps afin de s’assurer une bonne santĂ© pour toute l’annĂ©e Ă  venir.

  • Toso
© Adina

Pour nous protĂ©ger des maladies, il faut boire du toso (sake vin de riz macĂ©rĂ© avec des herbes). Mes amis m’ont servi aussi du sake* avec poudre d’or !!

 

sake* est une boisson alcoolisĂ©e (de 10 Ă  17~18°) japonaise obtenue Ă  partir de la fermentation du riz. Au Japon, il est aussi appelĂ© nihonshu, que l’on traduit par alcool japonais, Ă  ne pas confondre avec les alcools de riz plus forts comme les shochus ou les liqueurs de riz de Chine.

 

 

AUTRES TRADITIONS
  • nengajĂŽ

Envoyer des cartes de vƓux pour la nouvelle annĂ©e nengajĂŽ est une tradition qui se perpĂ©tue depuis l’ùre Heian (794-1185). Un jour, la poste japonaise Japan Post a eu l’idĂ©e de proposer des cartes prĂ©-timbrĂ©es otoshidama tsuki nenga hagaki portant un numĂ©ro pour une grande loterie nationale du Nouvel An. Pour le gagnant l’annĂ©e commence bien !

  • OTOSHIDAMA

A la base, c’est une tradition qui consiste Ă  Ă©changer les cadeaux mais de nos jours la famille fait plutĂŽt un don d’argent aux enfants.

  • KAKIZOME

Il s’agit de la premiĂšre calligraphie de l’annĂ©e. Le 2 janvier on Ă©crit ses rĂ©solutions pour attirer la chance.