LA FLEUR DE CERISIER, SYMBOLE DU JAPON I SAKURA 桜
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Les mois de mars et avril célèbrent les fleurs de poirier rika, de pêcher momo et de cerisier sakura.
– ELOGE DU PRINTEMPS I SAKURA NO HANA I HANAMI –
Dans la culture nippone, les fleurs de cerisier suggèrent les connotations « claires » du printemps (la renaissance de la nature, la jeunesse, la force, la joie) ou « sombres » (l’éphémère, l’impermanence de la vie, la mort, les samouraïs)…
Nous allons comprendre pourquoi ce symbole national occupe une place majeure sur le plan esthétique, religieux, paysager et culturel.
Hisakata no Hidari nodokeki Haru no hi ni Shizu kokoro naku Hana no chiruramu |
Sous le soleil Dont les doux rayons font un jour De printemps si doux Pourquoi d’un cœur inapaisé Ces fleurs vont-elles tombant |
La fleur de cerisier sakura no hana, symbole du Japon
La fleur de cerisier sakura no hana fait partie des symboles du pays. Elle est glorifiée et admirée car pour l’âme et le sens esthétique des Japonais, elle représente la perfection. Elle est depuis toujours une source d’inspiration de milliers de poèmes waka (31 syllabes) et haïku (17 syllabes) et le symbole de l’impermanence des choses prônée par la religion bouddhiste. C’est pourquoi, elle a été adoptée comme emblème par les samouraï dont la vie était tout aussi éphémère que leur floraison.
Nous ne vivons que pour l’instant où nous admirons la splendeur du clair de lune, de la neige, des cerisiers en fleurs et des feuilles multicolores de l’érable. Nous jouissons du jour, de l’ivresse du vin, sans nous laisser dégriser par l’indigence qui nous regarde dans les yeux. Emportés par ce courant, telles les citrouilles dans les eaux d’un fleuve, nous ne laissons à aucun moment le découragement s’emparer de nous. C’est ce qu’on appelle le temps qui coule, le monde qui passe. Asai Ryoi Contes du monde éphémère des plaisirs
Un monde de douleur et de peine
Alors même que les cerisiers
sont en fleur
Issa (1763-1828)
L’esthétique du cerisier & shinto
La divinité shinto Kono-hana-no-Sakya-Hime représente l’esprit des fleurs des cerisiers et le kami protecteur du Mont Fuji.
La voici, vêtue d’un kimono de cérémonie traditionnel porté par les dames de la cour à l’époque Heian (794-1185) dénommé junihitoe, composé d’un lourd vêtement de dessus kosode et une douzaine de jupons de soie de différentes couleurs destinés à produire un ensemble original et séduisant, pesant environ 20 kg.
La brise de printemps`
ne laisse pas les fleurs de cerisier
à ce monde flottant
elle les disperse
et ne cesse de les regretter
Saigyô (1188-1190), Vers le Vide, II Fleurs dispersées
Regarder les fleurs hanami c’est par excellence regarder les fleurs de cerisiers. Ici, non seulement concurrent toutes les dimensions de la vie sociale, mais s’entre-composent nature et culture : de la poésie à l’arboriculture, les paysages du cerisier ont en effet aussi bien modelé la sensibilité des japonais qu’engendré les vérités d’essences qui pouvaient les satisfaire. Augustin Berque, Le sauvage et l’artifice Les japonais devant la nature
Il y a plus de 300 variétés de fleurs qui se divisent en deux groupes : yamazakura (yama montagne) et satozakura (sato villages). Au printemps, tous les moyens de communication, dont Kishocho l’agence de la météorologie nationale, annoncent chaque jour l’avancée du front des fleurs hana-zanzen qui remonte du sud de l’archipel.
L’esthétique paysagère keikan bigaku
La nature est indissociable de la culture. Dès l’époque Heian(794-1185), l’esthétique paysagère s’est étendue aux jardins avec les pruniers ume et les cerisiers sakura.
Haru mo yaya keshiki totonou tsukuba to ume |
Lentement le printemps parfait son ambiance – Lune et fleurs de pruniers |
Matsuo Bashô (1644-1694) |
L’un des patrimoine Unesco, est la montagne sacrée de Yoshino au sud de Nara. Site important du point de vue historique (lieu d’exil d’un groupe qui a lutté contre le shogun* pour rétablir l’empereur au XIVe), littéraire (Yoshitsune Senbon Zakura pièce célèbre de kabuki**) et religieux (lieu de la secte Yamabushi, du culte shugendō).
Le moine En no Gyoja, aussi appelé En no Ozuno (634-707), fondateur de la secte shugendō et première personne qui a effectué l’ascension du Mont Fuji, a gravé sur le tronc d’un cerisier la vision du Bouddha. Depuis on a planté en offrandes, des cerisiers sauvages de montagne yamazakura arrivant ce jour à plus de 30 000.
Sakari ja hana ni sokoro uki-boshi numeri- zuma |
Pleine floraison des cerisiers –
Les bonzes deviennent des fêtards et les femmes mariées séduisantes |
shogun* : chef militaire kabuki** : théâtre japonais avec des costumes stylisés et un jeu codifie joué que par des hommes yamabushi*** : « ceux qui se prosternent dans les montagnes » ascètes montagnards et guerriers shugendo**** : tradition spirituelle lié à l’ascétisme en montagne dont le but est le développement d’expériences de pouvoirs spirituels gen par la pratique dō vertueuse de l’ascèse shu. Religion syncrétique incorporant des aspects du taoïsme, du shinto, du bouddhisme ésotérique et du shamanisme japonais traditionnel. meisho***** : lieu touristique célèbre |
HANAMI Célébration collective et individuelle
Haru-kaze ni fukidashi sarah hana mogana |
Toutes ces fleurs écloses dans le vent printanier, éclats de rire |
Hanami se déroule selon une dramaturgie sociale dans laquelle chacun est spectateur. Contemplateur… d’un paysage idéalisé par le spectaculaire décor des floraisons mise en scène dans l’espace public, et la nuit, intensifié par des éclairages ; … et acteur d’un scénario comportant un prologue, kaika (l’éclosion des fleurs) ; un acte central, hana-zakari, mankai (la pleine floraison) ; et un épilogue, hana fubuki (les pétales emportés par le vent, tombent comme la neige), ou bien hana-ikada (les pétales flottent sur l’eau). Vocabulaire de la spatialité japonaise, Editions CNRS
Autant le hanami que la météo capricieuse de printemps haru ont enrichi le vocabulaire « de saison » :
- hanagumori : temps gris de fleurs, brume printanière
- hanabie : temps froid au printemps, gelée printanière
Fleur de cerisier sakura NO HANA et gastronomie shokubunka
Les fleurs de cerisiers annoncent la venue du printemps et constituent de ce fait l’un des points culminants du calendrier gastronomique, non seulement en tant que produit de la terre mais aussi comme ornement ou motif. Ryokan, édition Könemann
Le thé est parsemé de fleurs de cerisiers, les gâteaux wagashi (gâteau mou, cuit ou sec) et sakura-mochi prennent toute les nuances de rose et les formes de pétales.
En 1979, la fédération des confiseurs japonais lance une campagne de promotion pour les gâteaux japonais avec la formule « les wagashi font partie de la culture japonaise », wagashi ha nihon no bunka「和菓子は日本の文化, et instituent le 16 juin comme jour des gâteaux traditionnels japonais. source
Yotsu-goki no sorowanu hanami-gokoro kana |
Admirer les fleurs sans le service à vaisselle… à ma convenance |
Matsuo Bashô (1644-1694) |
Geisha et la danse des fleurs de cerisiers miyako-odori
A Kyoto, quartier de Gion, durant le mois d’avril de chaque année, 32 geishas* donnent 5 fois par jour un spectacle miyako-odori la danse des fleurs de cerisiers. J’ai eu la chance de pouvoir y assister lors de mon 1er voyage en 2012 et prendre des photos en cachette malgré l’interdiction. Sont restés gravés dans ma mémoire, les filles pleines de grâce vêtues de kimonos somptueux, la musique, les danses, les décors….
Le kimono de printemps représente les fleurs de cerisier avec des couleurs roses sakura iro.
geisha* : personne des arts, amuseuse ou compagnie professionnelle
Yuki haru ya tori naki uo no me wa namida |
S’en va le printemps, ah – chants d’oiseaux, le poisson larme à l’oeuil |