KIMONO I COIFFURES & ORNEMENTS
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La coiffure a évolué parallèlement au vêtement et sa diversification a entraîné l’essor des ornements de cheveux, les seuls bijoux qui décoraient et mettaient en valeur la chevelure de jais des élégantes : peignes kushi, piques kôgai, épingles kanzashi. En outre, elle variait selon l’âge et le statut social des femmes, sans oublier les femmes artistes geisha, les femmes galantes asobi-bito et les courtisanes yûjo.
COIFFURES
Pendant la période Heian (794-1185), la chevelure était une obsession même dans les conversations des dames. Les aristocrates laissaient pendre leurs cheveux lisses, brillants, séparés en deux par une raie, immensément longs, sauf les mèches latérales coupées à une longueur de 30 cm, coiffure dénommée taregami.
Haru no kuni koi no mikuni no asaborake shiruki wa kami ka baika no abura ? |
En ces deux pays du printemps et de l’amour pour moi l’aurore… Preuve n’en est-ce dans mes cheveux le baume aux fleurs de prunier ? Yosano Akiko |
Dans son Journal, Murasaki Shikibu, lorsqu’elle aborde les cérémonies du Jour de l’An (1008), fait le portrait de onze dames éminentes de la Cour (la taille, le maintien du corps, le kimono et ses couleurs, la forme du visage et le maquillage, les cheveux et ses ornements, l’esprit….).
La dame Dainagon est très petite, raffinée, blanche, belle et ronde, quiconque très hautaine de maintien. Ses cheveux sont trois pouces plus longs qu’elle. Elle se sert d’épingles à cheveux délicieusement sculptées. Son visage est exquis, ses manières raffinées et charmantes.
Les cheveux de cette beauté avait donc 10 cm de plus que sa taille ! Mais la longueur la plus impressionnante (1,80 m) relatée par Murasaki dans Le Dit du Genji I Genji Monogatari est celle de la Princesse Ochiba. A l’époque, un homme pouvait tomber amoureux d’une femme grâce à sa chevelure rien qu’en l’apercevant de dos, aussi parce que les femmes dissimulaient leurs visages derrière les manches de kimono, les éventails, les paravents, les rideaux…
Kurogami no midare no shirazu uhi fuseba maza kakiyarishi hito zo koishiki |
Lorsque je pleurais indifférente au désordre de mes noirs cheveux celui qui les démêlait Ah combien je l’ai aimé Yosano Akiko |
Lors des cérémonies, les femmes attachaient leurs cheveux avec des rubans.
Pour le repas de Madame, huit femmes, vêtues de pareille couleur, les cheveux reliés, noués d’un cordon blanc, se suivent portant les plateaux d’argent blanc. Miya no Naïshi qui ce soir assure le service, en impose toujours par sa beauté grave et nette, mais ses mèches qui retombent, par le contracte avec les cordons blancs, la rendent plus aimable que jamais et son profil a demi caché par l’éventail possède un charme singulier. extrait Journal, Murasaki Shikibu
Murasaki ni
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Comme violacée, sur les petites herbes tombe mon ombre ; au vent de printemps des champs, matin lissant mes cheveux… Yosano Akiko |
Si une femme décidait de se couper les cheveux avant une reconversion religieuse rakushoku pour se retirer du monde, les assistants pleuraient durant la cérémonie car ils savaient que les cheveux ne regagneraient jamais leur longueur.
J’ai coupé ma chevelure Et teint De noir mon vêtement Mais ce qui demeure inchangé C’est mon cœur. |
poème extrait de Femmes galantes, femmes artistes dans le Japon ancien XIe-XIIIe siècle par Jacqueline Pigeot |
III. Choses qui doivent être courtes
Les cheveux d’une femme de basse condition. il est bon qu’ils soient gracieusement coupés court. extrait Notes de Chevet Makura no soshi, Sei Shônagon
A l’époque Azuchi–Momoyama (1573-1603), la Cour imposait aux femmes le port de chignons à la mode chinoise des Tang, à savoir double ou simple sur le haut de la tête. Les chignons des jeunes femmes étaient plus complexes que ceux des femmes mariées, tout comme les manches des kimono et le nœud de l’obi (plus de détails dans mon article Kinomo I Éternelle fascination)
C’est durant Edo (1603-1868) que la coiffure japonaise Nihon-gami est née ainsi que ses techniques. Elle comprenait quatre parties dont la forme a évolué en fonction des modes :
- les « cheveux du devant » maegami
- les « cheveux des tempes » bin
- les « cheveux de derrière » jusqu’à la nuque tabo ou tsuto
- cheveux enroulés en chignon mage
Les quatre types de chignons de base qui traversent toute la période Edo – hyôgo-mage, shimada-mage, katsuyama-mage et kôgai-magé – répondaient à des règles fixes en fonction notamment de la classe et du rang social, de l’âge, du statut matrimonial ou encore de la région géographique. extrait Secrets de beauté, Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises, Catalogue Exposition Maison de la culture du Japon à Paris

Le style caractéristique du coiffage des tempes on le retrouve dans l’immortelle estampe intitulée Trois beautés de notre temps Kansei san bijin de Kitagawa Utamaro.

Avec la prospérité croissante de la classe marchande, leurs coiffures s’alourdissent de façon à mettre en valeur la finesse de la nuque, tenue pour un gage de la beauté du corps nouvellement prisée. Sous l’influence des geisha, des chignons de plus en plus complexes sont imaginés : les cheveux épaissis à l’huile de camélia, divisés en quatre ou cinq mèches, sont enroulés en coques ou en veloutes sur le sommet de la tête, sur la tempe ou sur la nuque, et fixés à l’aide de cordons*, de peignes et d’épinglés décoratives. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan
*cordons, cordelettes de papier motoyui, ou de fils de chanvre asaito ou fils tressé de kumihimo
ORNEMENTS
Dès la période Jomon (vers 8000 av J-C – vers 300 av J-C) apparaissent les épingles à cheveux en os et les peignes étroits avec des dents longues tate-kushi en os, corne ou bambou durci à la laque, certains ornés d’animaux fantastiques chargés de pouvoirs magiques.
Le tate-kushi qui à la base maintenait la coiffure, s’est vu modifier la longueur et ses dents plus courtes pour remplir le rôle de peigne yoko-gushi (le peigne à double endenture tôgushi, peigne à queue kesuji-tate, peigne à dents larges tokigishi..)

A l’époque Heian (794-1185), les cheveux dénoués ont annihilé la fonction ornementale des épingles et des peignes.

Enjiiro wa
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Enfant de vingt ans dont ruissellent sous le peigne les longs cheveux noirs… Tant de beauté il y a dans le printemps de l’orgueil ! Yosano Akiko |
C’est au milieu de l’époque Edo (1603-1868) que peignes et épingles à cheveux se multiplient et se diversifient. La bourgeoisie acquiert alors la suprématie économique et supplante la classe des guerriers : elle promet une nouvelle culture et de nouvelles modes qui lui sont propres. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan
Les accessoires kushi peigne, kôgai pique, kanzashi épingle, kamikazari ornement… sont constitués de divers matériaux (écaille de tortue, bois, bambou, nacre, ivoire, agate, verre, or, argent, corne de sabot de cheval ou de bœuf, os de cou de grue pour les extravagants) et utilisent plusieurs techniques (la peinture laquée d’or ou d’argent maki-e, l’incrustation de nacre ou de verre, de cristal, de corail).

On sait que le peigne n’était pas seulement un accessoire de mode pour la Japonaise, mais aussi une marque de distinction, de dignité ou de rang. C’est ainsi qu’une courtisane réputée porte un grand nombre de peignes magnifiquement ornementés, qui « rivalisent » de splendeur avec sa coiffure. Ses cheveux bleu-noir et l’ivoire blanc (ou la nacre luisante) font naître, avec des bijoux de toutes couleurs, des contrastes intenses. Les peignes étaient souvent assortis au kimono ou au fard très clair du visage, ce qui permettait de créer, là aussi, contrastes ou harmonies suivant la mode de l’époque . Si le peigne répondait à des soucis d’ordre esthétique, et s’il reflétait tel ou tel statut social, il obéissait aussi à une symbolique des saisons. extrait Japonisme, Wichemann Siegfried, Edité par Chêne/Hachette
Les motifs décoratifs raffinés du peigne nous font pénétrer dans un monde miniature, celui de la flore, de la faune, de la littérature,…
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Plusieurs artistes ont représenté des ornements de manière magistrale dans leurs œuvres : Kiyomitsu, Harunobu, Masanobu, Utamaro, Tokyni, Kunisada, Kuniyoshi…
Sous l’influence de l’occident, dès l’ère Showa (1926-1989) le port du kimono disparaît de la vie quotidienne et par conséquent la coiffure japonaise et ses ornements aussi. Seules les geisha, les jeunes filles pour le Nouvel An et les mariées utilisent encore ces sublimes bijoux.
COIFFURES DES GEISHA
Les geisha ainsi que les femmes galantes yûjo et les danseuses de kabuki nouent depuis toujours leurs cheveux.

Pour dormir sans écraser sa coiffure, l’élégante devait dormir sur un oreiller haut de bois rembourré parfois de paille, dénommé takamakura. Un supplice !

Tamakura ni bin no hitisuji kireshi ne wo ogoto to kikishi haru no yo no yume |
Le bras en oreiller, un de mes cheveux rompit. Ce son me parut être celui d’un koto ; rêve de nuit de printemps Yosano Akiko |
De nos jours, certaines geisha portent des perruques.
Elle sont faites de cheveux humains fixés sur une carcasse métallique. La chevelure est partagée en mèches, enduite d’huile de graines de camélia et lissée avec des spatules chaudes. Le perruquier est capable de reconstruire entièrement une perruque en vingt minutes, en fixant chaque mèches de cheveux à l’aide d’invisibles bandelettes de papier. Quand tout est terminé, il plante solidement un peigne en écaille et une épingle de corail dans les épais rouleaux de cheveux. extrait Geisha Liza C. Dalby
Ichiban Japan I Documentaire : Une journée dans une maison de Geisha à Kyoto
Uba-tama no xwaga kuro-kami ya kawaruran kagami no kage ni fureru shira-yuki |
A des baies noires jusqu’ici pareils mes cheveux auraient-ils changé de couleur ? Voici qu’au reflet du miroir est tombée la neige blanche Ki no Tsurayuki _ Anthologie Kokin Shü _ Livre 10 poème 460 |
SECRETS DE BEAUTE DURANT EDO
Michiyo Watanabe du POLA Research Institute of Beauty & Culture nous éclaire sur les coiffures des Japonaises de l’époque Edo. Elle nous raconte l’histoire extraordinaire de ces chignons du plus simple au plus sophistiqué. Ornementée d’accessoires et d’extensions choisis – parfois extrêmement lourds et peu pratiques – la coiffure des femmes était, tout comme le maquillage, une source de renseignements précieuse sur leur statut social ou marital. source MCJP