Bonne lecture !
Avant le départ…
Bonne lecture !
On parle si peu d’Awaji-shima pourtant c’est ici que commence la création du Japon. Elle aurait été la première île qui a formé l’archipel nippon.
Au début du Kojiki, le plus vieux manuscrit d’histoire du Japon, on raconte que :
« Les deux Kamis Izanagi-no-mikoto et Izanami-no-mikoto ont mélangé une terre émergeante et chaotique avec du sel Ko’oro Ko’oro à l’aide de la hallebarde « Ame no Nuboko », une goutte de sel serait tombée du bout de la hallebarde et en se cristallisant elle a donné naissance à l’île Onokoro.
C’est sur cette île que Izanagi-no-mikoto et Izanami-no-mikoto se sont mariés et ont enfanté successivement toutes les îles qui forment l’archipel japonais. La première île née de leur union est celle d’Awaji. » source
Cette île est connue aussi pour ses forêts d’arbres odorants destinés à la production de l’encens.
On raconte qu’en 595, des pêcheurs d’Awaji ont brûlé un morceau d’un bois sombre rejeté par la mer. Il a dégagé une senteur si éblouissante qu’ils ont décidé de l’offrir à la maison impériale. Le prince Shôtoku qui a reçu l’offrande a aussitôt reconnu le bois d’encens, parfum consacré aux cérémonies bouddhiques. L’encens est la nourriture du Bouddha, on lui offre ses fumées purificatrices.
Il y a 3 sortes d’utilisation de l’encens :
« Sonaeko, encens offert à Bouddha. Le kanji renvoie à l’idée d’offrande. Kûkô, l’encens d’accueil et d’hospitalité. Le kanji renvoie à l’idée de vide. Gankô, l’encens utilisé par plaisir. » Extrait Philosophie du Kôdô de Chantal Jaquet
Pour se rendre à Awajishima de l’aéroport de Kansai, il faut prendre le Bus Limousine direct Awajishima.
Il y a tant de choses à voir sur cette île mais personnellement je l’ai choisie pour les oeuvres de l’architecte Tadao Ando. J’ai visité le temple Hompukuji et séjourné à l’hôtel Toto Seawind.
KURUMA
Je me suis arrêtée d’abord à Kuruma, une petite ville sans attrait mais idéalement située pour rejoindre le temple Hompukuji, à 20 mn de l’hôtel en taxi.
Empreintes de pas sur la plage se prolonge SHIKI |
toute la journée silencieux face à la mer jusqu’à la marée haute SANTOKA |
Higashiura Sun Park Hana no Yu 2743, KURUMA, AWAJI SHI, HYOGO, 656 2311, JAPAN. | 6562311 Awaji Shi
C’est un hôtel avec chambres traditionnelles japonaises, dont on tolère sa vétusté grâce à la gentillesse des employés, son onsen et la belle nature qui l’entoure… d’un calme bienfaiteur.
La rivière et l’étang désormais ne font qu’un BUSSON |
étincellent les jeunes feuilles, les feuilles vertes BUSSON |
Le musicien Hiroshi Yoshimura l’a choisi comme interprète dans l’album Green
En explorant la ville, sous une chaleur accablante, je suis tombée sur le café Kuruma 28.
Cafe Kuruma 28 |
Vue de ma table |
Thé vert glacé et cake au macha et azuki |
J’avais envie d’une bonne bière fraîche mais hélas on proposait que du thé chaud ou du café.
Aussitôt, les filles m’ont préparé exprès un thé vert aux glaçons et pour s’excuser de ne pas avoir de bière, on m’a offert un délicieux cake au matcha, azuki et crème chantilly.
Le soir, j’ai dîné dans un izakaya traditionnel et populaire.
Temple Hompukuji
Le lendemain, j’ai pris le taxi direction temple Hompukuji qui appartient à la branche Ninna-ji de la l’école ésotérique Shingon. Il est dédié au bouddha Yakushi. Il est situé sur une colline face à la baie d’Osaka.
Le toit du Mizumido ou Temple de l’eau, un magnifique étang rempli de lotus et de nymphéas, a été reconstruit par Tadao Ando en 1991.
« Pour les bouddhistes, le lotus symbolise l’accès à l’illumination de Shaka (en sanskrit : Sakyamuni). Le temple incarne le sohait d’Ando de créer une salle où Bouddha et toutes les autres créatures vivantes pouraient venir dormir parmi les fleurs de lotus… C’est un monde où les êtres humains, les animaux et la nature coéxistent, toutes disticntions balayées, un espace où la vie et la mort, le sacré et le profane forment un tout harmonieux. » Ando de Masao Furuyama
Les nénuphars me rappellent le Jardin des Beaux-Arts qu’il a bâti à Kyoto où les Nymphéas de Monet sont présentées en milieu aquatique. J’en parle dans mon 1er blog
Pétale qui tombe bouche bée attend ISSA |
On reconnaît aussitôt son travail grâce aux murs de béton qui entourent le temple et à la pureté des lignes : droites et courbes.
« Le béton se patinera et avec le temps les arbres se rapprocheront du bassin. Néanmoins, les fleurs de lotus en été seront toujours de fleurs et rappelleront que ce lieu est sacré. L’architecture contemporaine ne s’intéressent qu’au présent. Les constructions se font concurrence pour une splendeur momentanée. J’aimerais créer des bâtiments qui continuent à vivre, même si leur apparence doit changer. » Tadao Ando
Une fois les murs franchis, on découvre d’abord le toit-étang
Les fleurs des nymphéas n’ont rien perdu de leur blancheur SHIKI |
puis un escalier centrale vous invite à pénétrer sous la terre
où on découvre émerveillés l’intérieur rouge vermillon baigné de lumière naturelle. Au soleil couchant (16h été, 15h hiver) la statue du Bouddha apparaît dans un halo de lumière. En ressortant, le ciel rempli le champ de vision. L’architecture du temple fait le lien physique et métaphorique entre la terre et l’au-delà.
« La salle d’un rouge vermillon irréel… se compose d’une pièce ronde de 14 m de diamètre placée à l’intérieur d’une pice carrée de 17,4 x 17,4 m. Le volume circulaire est divisé par des colonnes cruciformes régulièrement espacées tandis qu’un écran en tréillis sépare le sanctuaire extérieur du sanctuaire intérieur. Cete forme recrée une disposition spatlale ancienne lie au rituel de la secte Shingon. La successsion d’espaces géomètriques – ellipse, carée, cercle et grile – accroît notre concentration au fur et à mesure que nous approchons de la zone la plus sacrée. » Ando de Masao Furuyama
SATO
De Kuruma, j’ai pris le bus qui longe la mer jusqu’à Tsuna Port. Les paysages ont défilés lentement. De là, j’ai pris un taxi jusqu’à l’hôtel construit Tadao Ando qui se cache sur une colline, entouré de magnifiques maisons, dont la plupart semble être des résidences secondaires.
« Tadao Ando est un des plus éminents architectes du Japon et son oeuvre, surtout lorsqu’elle touche à l’habitat, est un parfait exemple de transposition des concepts du design traditionnel japonais dans un langage moderne. » L’art de vivre au Japon édition Flammarion
Tadao Ando utilise le béton comme matériau de base de ses bâtiments, tous conçus en harmonie avec le monde naturel qui l’entoure. Les formes et les surfaces architecturales de l’hôtel semblent varier constamment avec le reflet du soleil sur les murs, les marches et les toits.
Dès qu’on monte les première marches, on aperçoit la mer et son horizon infini et à droite, la côte Est de l’île. Émerveillement absolu ! Le soleil était au zénith et l’air sentait le beau temps, la mer, l’espace.
me voilà là où le bleu de la mer est sans limite SANTOKA |
La chambre attribuée présentait un grand inconvénient : j’entendais le bain bouillonnant au dessus de ma tête ! Fort heureusement, à 20h, il est arrêté.
Un point étonnant pour ce merveilleux hôtel, l’accès aux personnes à mobilité réduite est impossible car pas d’ascenseur pour accéder au niveau des chambres. Il faut descendre plusieurs marches. Les règles ne doivent pas être les mêmes qu’en Europe ?!
Vue de l’accueil |
Le petit déjeuner et le dîner sont un pur plaisir pour les yeux et les papilles.
Informations importantes
Près de l’hôtel il y a des restaurants de type occidentale.
Que faire à Awajishima ?
https://www.awajishima-kanko.jp/en/
http://fr.kuniumi-awaji.jp/heritage/
https://www.vivrelejapon.com/ville-kobe/ile-awaji-shima-mythe
NARUTO
Le matin, avant de quitter TOTO Hotel, j’ai fait connaissance avec un groupe de musiciens français Peine Perdue
Ils ont donné un concert sur une île de Seto Nankai dans le cadre de la Triennale de Setouchi
Ils se sont arrêtés ici par hasard, ils connaissaient vaguement Tadao Ando…
J’ai quitté l’hôtel et son environnement paradisiaque avec des regrets.
Repris un taxi jusqu’à Tsuna Port et de là le bus pour aller à Naruto, sur l’île de Shikoku.
Les deux îles sont reliées par le pont le plus long au monde Akashi Kaikyō qui a coûté la modique somme de 500 milliards de yen !
De ce pont ou d’un bateau, on peut admirer les tourbillons de Naruto – Naruto no Uzushio provoqués par les mouvements de la marée entre la mer Intérieure et l’océan Pacifique. Les courants peuvent générer des tourbillons allant jusqu’à 20 mètres de diamètre pour 1,70 mètre de profondeur et une vitesse de plus de 20 km/h.
Un site web indique l’intensité, le lieu et l’heure exacte à laquelle ils se produisent.
Naruto a été juste une petite halte avant de reprendre la route jusqu’à la vallée d’Iya.
J’ai séjourné à l’Hôtel Naruto Kaigetsu, idéalement situé avec une vue splendide sur le pont et le détroit.
Hôtel Naruto Kaigetsu Narutocho Tosadomariura Fukuike 65-7, Naruto, 772-0053
On accède à la plage via un petit parc. On remarque des petits ilots par-ci par-là.
Le soir, j’ai dîné dans le restaurant d’un autre hôtel de la chaîne Kaigetsu conseillée par le personnel. J’ai découvert le poisson Tai (daurade)
« Au Japon, il y a à peu près 10 sortes de daurades, mais une d’entre elles, la rose (le madaï) est plus populaire. Sa couleur extérieure est rouge et l’intérieur est blanc. Pour les Japonais, cette combinaison de couleurs signifie le bonheur. Ce madaï est donc considéré comme un symbole de bonheur, on le mange surtout lors des fêtes : nouvel an, mariage ou naissance, etc. » source
Restaurant avec vue sur la mer parsemée de petites îles.
Cette ville me rappelle le livre de Harumi Murakami Kafka sur le rivage dont l’action se passe entre autres sur l’île de Shikoku et l’un des personnages principaux s’appelle Naruto.
Que visiter à Naturo ?
https://japan-magazine.jnto.go.jp/en/1504_naruto.html
https://www.vivrelejapon.com/ville-tokushima/naruto-pelerinage-shikoku
https://www.japan-guide.com/e/e7850.html
VALLE D’IYA
De Naruto, j’ai pris le train pour Tokushima puis Oboke, une petite gare où Fumiko-san se tient prête à vous renseigner en anglais sur les nombreux spots de la région.
Il y a très peu d’hébergements dans la Vallée d’Iya par conséquent les prix sont élevés, sans parler des bus et taxis !
J’ai choisi le ryokan Kazuraya avec chambres traditionnelles, onsen et délicieux repas pour sa situation à 5 mn du pont Kazurabashi et de minka Chiiori.
Ryokan Kazuraya78 Nishiiyayamamura Kanjo, Miyoshi, Tokushima 778-0102
Son ermitage la lune, les chrysanthèmes BASHÔ |
Au milieu des montagnes inutile de cueillir des chrysanthèmes ils parfument la source chaude BASHÔ |
Au bout de la tige de l’iris la blancheur crépuscule de printemps SHIKI |
Apprenant son nom de nouveau je regarde Teiji un ami de BASHÔ |
Au pied du pin teinté violet pâle des pensées en fleurs SHIKI |
Lune du soir buste dénudé de l’escargot ISSA |
Rien du tout si ce n’est calme de l’âme et fraîcheur de l’air ISSA |
Ma chambre, un havre de paix !
Elle invite à la contemplation de la nature et à la méditation :
Comme est magnifique par un trou dans la cloison la Voie lactée ISSA |
je prends mon repas en compagnie du liseron du matin BASHÔ |
Les petits déjeuners et les dîners sont un pur plaisir pour les yeux et les papilles.
Ils sont servis dans les règles de l’art par des jeunes filles en kimono.
« Il serait grossier de présenter une table sans tenir compte de l’aspect visuel des plats, de leurs correspondance plastique avec les mets qu’ils contiennent et de leur impact poétique. Plus encore, on doit favoriser l’accord de tous les sens. Par exemple, il est de bon ton de choisir un récipient de verre soufflé, légèrement bleuté, pour contenir des nouilles glacées presque translucides afin d’évoquer en plein été, une cascade ombragée, alors que tinte au vent la clochette aigrelette de la véranda. En automne, on lui préfère un plat en shino gris ou une céramique au tons de terre évoquant le rougeoiement des érables. En hiver, c’est une poterie de Bizen à effet de feu pour donner une impression de chaleur ou un plateau de laque negoro. Au printemps, les baguettes de bambou vert fraîchement coupées jouent avec des laques rouges ou une porcelaine d’Imari pour diner de la gaîté. Dans cette vaisselle de saison et pour universaliser la référence à la nature, les formes doivent rester modestes pour laisser transparaître non pas la virtuosité de l’artisan mais seul l’expo de l’objet. » Aux sources du raffinement japonais de Dominique Buisson
Pont de Kazurabashi et les alentours :
sur le pont en planches suspendu enroulé à nos vies BASHÔ |
La nuit en secret un ver au clair de lune taraude le châtaignier BASHÔ |
Plus blanche que la roche de la montagne rocheuse brise d’automne BASHÔ |
Saule décharné clair ruisseau asséché BUSON |
Quel silence ! imprégnant la roche le cri des cigales BASHÔ |
Un court moment je me recueille près de la cascade BASHÔ |
Depuis que j’ai lu le livre du réputé japonologue américain Alex Kerr Living in Japan j’ai toujours rêvé de me rendre à Chiiori pour admirer la ferme minka qu’il a sauvée de la destruction (située dans la vallée de l’Iya et date de la période Edo). Je suis en contact avec lui depuis 2016.
« Le terme minka, littéralement « maison du peuple », désigne un large éventail d’habitations japonaises – de la résidence du riche marchand à la modeste hutte du paysan. Ce vocable peut aussi s’appliquer aux domiciles des prêtes shinto, des nobles et des samouraïs de rang inférieur et, dans un sens plus large, à toutes les maisons ordinaires hormis celles de la haute société. » Ryokan édition Konneman
Alex Kerr vit à Kyoto depuis +10 ans et restaure des maisons traditionnelles dans des régions reculées du Japon dans le but de raviver l’économie locale et développer un tourisme qui met en avant les riches traditions.
portrait d’Alex Kerr à la gare d’Oboke |
Vous avez la possibilité de séjourner à Chiiori. C’est une expérience à vivre si ça vous tente de dormir avec des inconnus dans la même pièce, sur des futons bien sûr.
c’est le printemps une montagne sans nom dans la brume légère BASHÔ |
descendant un sentier de montagne l’ineffable grâce des violettes BASHÔ |
un moine boit son thé du matin dans la quiétude des chrysanthèmes en fleurs BASHÔ |
Irori et jizai-kagi |
Irori « Il s’agit d’un foyer qui illustre mieux que tout autre ce qu’était autrefois la vie de famille au Japon. Par les froides soirées suivant une journée de travail bien remplie, il n’y avait rien de plus plaisant qu’une bonne veillée autour de l’irori noir de suie. En fait, l’irori sert à la fois de chauffage et de cuisinière. Un système ingénieux pour suspendre la bouilloire au-dessus des braises du foyer exploite l’élasticité jizai du bambou et permet de changer la position de la bouilloire en l’étirant ou le repliant. » We japanese
« Des siècles durant, le jizai-kagi – une sorte de crémaillère confectionnée avec du bois, du métal et du bambou – suspendu au dessus du foyer ouvert (irori) fut une image familière et le point de mire de tous les minka. Suspendu au crochet de la crémaillère : le cha-gama, la bouilloire à thé dont la forme fut spécialement conçue pour la cérémonie du thé à la fin de la période Muromachi (1392-1573). Le tetsubin est une bouilloire en fer ou en porcelaine et il semble d’ailleurs que le fer soit un matériau particulièrement propice au développement de l’arôme subtil du thé. » Ryokan édition Konemann
les montagnes et le jardin aussi s’invitent dans la salon d’été BASHÔ |
« Les maisons n’étaient pas édifiées directement sur le sol mais surélevées de façon à se préserver de l’humidité et favoriser la circulation de l’air. Un système parfaitement agencé de portes coulissantes qui pouvaient d’ouvrir – et même s’enlever – permettaient une répartition flexible de l’espace selon les besoins, pour s’isoler ou recevoir, ainsi qu’une utilisation optimale de la brise pour rafraîchir la maison tout en offrant une vue dégagée sr le paysage verdoyant des environs. Les Japonais qui vivaient en communion avec la nature en vertu de ces principes architecturaux ont développé une une réceptivité particulière à des signes et à des ambiances subtils : aux gazouilles des oiseaux et au bourdonnement des insectes à l’automne, au souffle de la brise à travers les aiguilles de pin, à l’odeur de la terre mouillée après une pluie d’été. Puisqu’il n’y a pas d’animaux sauvages dangereux contre lequel l’homme doit de protéger et que les rares moustiques sont facilement tenues à distance par les moustiquaires, la nature se montre suave, accueillante et irrésistiblement belle. » Ryokan édition Konemann
alentour dans tout ce que le regard croise fraîcheur BASHÔ |
au chêne d’abord je me confie la forêt en été BASHÔ |
le rossignol dans le bosquet de jeunes bambous chante son vieil âge BASHÔ |
Que visiter à Shikoku et la Valée d’Iya :
https://www.japan-guide.com/e/e7825.html
https://www.vivrelejapon.com/ville-tokushima/vallee-iya-shikoku
Spécialités de Shikoku
https://gurunavi.com/en/japanfoodie/2016/04/shikoku.html?__ngt__=TT0f0b2afde008ac1e4aeceftCWvNIEnfnVgYw4gvaTgiX
Après la Vallée d’Iya, je comptais prendre le bateau à Tokushima pour Wakayama puis faire une halte à Nishi Yoshino puis Yoshino avant de me rendre à Nara.
Malheureusement, le trajet était trop complexe pour aller à Nishi Yoshino : bateau, puis train et enfin un bus qui effectue que 2 trajets par jour étant donné que ce village n’est pas touristique.
Je rêvais d’y aller depuis que j’ai visionné en 1997 le premier film de Naomi Kawase Moe no suzaku
Par conséquent, j’ai décidé d’atteindre Nara plus rapidement, en Shinkansen : Oboke-Okayama-Kyoto-Nara
Il est facile de se déplacer au Japon grâce au site web : Hyperdia
NARA
Nara est le lieu incontournable lorsque vous visitez le Japon, déjà pour son histoire. Elle a été la première capitale fixe de l’archipel de 710 à 784 durant l’impératrice Genmei, Heijō-kyō (平城京?, kyō voulant dire « capitale »).
Par ailleurs, c’est la ville de naissance de Naomi Kawase. La plupart de ses films sont faits à Nara et ses environs.
« La réalisatrice KAWASE Naomi filme avec un amour infini la paisible Nara, berceau de lʼhistoire japonaise et première capitale permanente, non loin de Kyoto et dʼOsaka. Elle affectionne aussi les paysages aux couleurs éclatantes dʼune région qui est la sienne. Ses récits sensibles et humanistes mettent en scène des histoires simples. » source
J’ai séjourné à l’hôtel Centurion Classique, proche de la gare et du centre.
Centurion Classique 1-51 Aburasakacho, Nara, 630-8247, Japon +81 742-93-5066
Je n’ai pas été fort enchantée par Nara, trop de touristes !
Il faut tout de même visiter le temple bouddhique Todai-ji qui inclut Daibutsu-den, la plus importante construction en bois au monde qui abrite la plus grande statue de Bouddha du Japon : 450 tonnes de bronze et d’or pour 15 mètres de hauteur.
au parfum des chrysanthèmes à Nara les bouddhas anciens BASHÔ |
l’anniversaire du nirvana du Bouddha de mains ridées jointes le bruit des chapelets BASHÔ |
J’ai pu néanmoins apprécier le vieux quartier Nara machi.
Sortie des sentiers battus, je me suis laissée perdre. En flânant, j’ai découvert la maison traditionnelle Naramachi Nigiwai-no-le
et pas loin de là, je me suis recueillie dans un temple shinto Goryo jinja shrine
Sur la cloche du monastère
installé pour dormir un papillon
BUSSON
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Véranda du monastère
pour deux pièces en offrande en emprunter la fraîcheur
ISSA
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« Le shinto est profondément ancré dans la culture japonaise. Depuis au moins 2000 ans, il détermine la piété japonaise, malgré l’introduction dans le pays du bouddhisme, du confucianisme, du taoisme et plus récemment du christianisme. » Shinto édition Gründ
Que visiter à Nara ?
https://www.vivrelejapon.com/ville-nara/nara-journee-de-visite
https://www.japan-guide.com/e/e2165.html
https://www.kanpai.fr/nara
https://www.japan.travel/fr/destinations/kansai/nara/
KANAZAWA
En quittant Nara, j’ai souhaité m’arrêter à Tojinbo, après avoir visionné le film de Vanja d’Alcantara Le Coeur régulier dont l’histoire a été inspirée des faits réels qui se déroule sur ces falaises.
Mais en réalité, les paysages vus dans films sont ceux des îles Oki, un archipel japonais situées dans la Mer du Japon, entre 40 et 80 km au nord de la péninsule de Shimane et Honshū.
J’ai abandonné le détour et partie direct à Kanazawa, ville jumelée avec Nancy depuis 45 ans.
J’ai choisi l’hôtel Wing International Premium Kanazawa Ekimae
Wing International Premium Kanazawa Ekimae 8-13 Horikawashinmachi, Kanazawa, Ishikawa 920-0849, Japon +81 76-290-7776
Vue nocturne du dernier étage, la ville a l’air apaisée.
Nuit trop brève tout près de l’oreiller le paravent d’argent BASHÔ |
Par moments les nuages à ceux-là donnent un répit qui contemplent la lune BASHÔ |
J’ai aussitôt été charmée par cette magnifique ville ainsi que sa douceur de vivre.
Toutes les autres photos je les ai effacées par mégarde lors du téléchargement ! Un cauchemar ! J’ai dû me résilier !
Il vous reste qu’à suivre mes pas et découvrir par vous-même ces merveilleux endroits.
Étonnement, le château de Kanazawa et le parc qui l’entoure dégagent quelque chose de glacial. Ils auraient été plus accueillants au printemps avec les cerisiers en fleurs.
En face, il y a le Parc Kenrokuen bien plus chaleureux et gracieux. Le seul inconvénient : il faut faire la queue pour y pénétrer.
Yamemashita ! Ce fut un désenchantement, j’ai abandonné !
Plus loin, explorez l’incontournable Musée d’art contemporain du 21ème siècle construit par le cabinet SANAA. En France, ils ont bâti Le Louvre-Lens.
Aussi, ne pas rater le quartier Higashi Chaya situé sur les rives d’Asanogawa, caractérisé par des rangées d’anciennes Maisons de Geishas. Je conseille de visiter la maison de geishas Shima, classée bien culturel d’importance nationale et faire une promenade au long de la rivière.
Il y a aussi les temples d’Utatsuyama situées dans des rues calmes et sinueuses.
En enfin, les anciennes résidences des Samuraïs de Naga-machi Buke Yashiki du clan Kaga. Leurs spécificité : les murs en terre et les portes longues Nagaya-mon.
On peut visiter la résidence des Takada, vassaux du clan Kaga.
Pour passer du quartier féodal au quartier contemporain, il suffit de quelques pas ! J’ai apprécié la rue Seseragi qui longe le canal Kutatsuki (seseragi = murmure de l’eau) remplie de cafés et petits magasins.
Que faire à Kanazawa ?
https://fr.visitkanazawa.jp/mustgoplace
WAJIMA
Le mer me manquait déjà ! Je suis montée à Wajima, à la pointe de la péninsule de Noto.
Le prix de bus était fort onéreux 63 € aller/retour car peu de clients et aucun train.
J’ai séjourné dans un ryokan avec onsen datant des années 70, au bord de mer.
Salle de bain à la japonaise |
Il a été impossible de dîner à l’hôtel alors je me suis rendue dans un petit restaurant où j’ai fait la connaissance d’une cliente qui a fait l’école pâtissière à Lyon !
La côte n’est pas trop sauvage et la ville est calme.
J’ai pris le taxi pour me rendre sur une plage isolée, magnifique ! Malheureusement, j’ai perdu les photos comme celles de Kanazawa. Le cauchemar !
J’y ai vécu par contre une petite mésaventure désagréable durant plus de 30 minutes qui me sont parues une éternité. Brutalement une forte tempête, ciel noir et vents violents, je me suis accrochée à un panneau de la circulation pour ne pas m’envoler. Paniquée, impossible d’appeler un taxi, j’ai eu l’idée de faire de l’auto-stop. Mais voilà que les voitures étaient extrêmement rares et celles qui passaient m’ont complétement ignorée ou refusée de la tête… Je me sentais terriblement seule et en danger. Heureusement, j’ai aperçu au loin, dans une voiture un couple de jeunes amoureux qui allaient partir. J’ai aussitôt couru vers la voiture et ils ont eu la gentillesse de me ramener à l’hôtel. Venus d’Osaka, ils ont dormi la veille dans le même hôtel que moi. J’ai été sauvée !
J’ai voulu me rendre sur l‘île Hegura située à 50 km de Wajima, mais on m’a déconseillé car je risquais de ne pas pouvoir revenir à cause du mauvais temps.
Le trajet prend 1h30 et si la météo est mauvaise, plus aucun bateau ne circule.
Je me suis consolée en visitant les rizières de Senmaida qui signifie « mille rizières » et qui appartiennent à des locaux.
Azalées en fleur dans le village de montagne blancheur du riz cuit BUSON |
le bruit incessant des vagues mon village natal si loin SANTOKA |
La bise d’hiver souffle le soleil couchant dans la mer SÔSEKI |
le soleil rouge tombe dans la mer quelle chaleur ! SÔSEKI |
longue journée mes yeux sont fatigués de regarder la mer TAIGI |
Pleine lune d’automne les nuages qui vont vers où se hâtent-ils ? SHIKI |
KYOTO
La date de retour s’approchait à grands pas ! Impossible de quitter le Japon sans revoir Kyoto.
Je l’ai explorée pour la première fois en 2012, lors de mon premier voyage. Je vous invite à consulter mon 1er blog pour glaner des adresses.
Cette fois-ci, j’ai séjourné à :
Nest Hotel Kyoto Shijokarasuma 551 Sannocho, Shimogyo Ward, Kyoto, 600-8424, Japon +81 75-341-2011
Proche de l’hôtel j’ai découvert un bar à sakés…comme j’aime.
Kyoto Sakagurakan 1F Tora bldg 236 Kugikakushi-cho Bukkpji-Dori Muromachi Higashi-iru Shimogyo-ku, Kyoto 600-8423
Par contre, j’ai dîné à côté chez Teppan Tachibana des okonomiyaki à la façon d’Hiroshima, la meilleure recette ! J’en parle dans mon 2ème blog
Dernière promenade nocturne, les yeux embués de larmes d’émotion.
Que faire à Kyoto :
https://www.kanpai.fr/kyoto
https://www.vivrelejapon.com/ville-kyoto
https://www.tourisme-japon.fr/content_page/147-kyoto
https://kyoto.travel/fr
https://japon-fr.com/visiter-kyoto-kansai-japon.htm
du 17 au 18 avril 2015 °°° MORIOKA
Vendredi 17 avril 2015
Vu que la pluie n’avait pas l’intention de s’arrêter les deux prochains jours, il fallait décider de la direction à prendre. Mon mari tenait à faire un volcan, je lui ai proposé le mont Iwate. Nous sommes repartis pour Minmaya et pris le train pour Morioka.
N’ayant rien organisé pour ces vacances, j’ai demandé à l’office de tourisme de la gare où pourrions-nous dormir le plus proche du mont Iwate. On nous a proposé Yakehashiri onsen, situé au pied du volcan, il y avait plusieurs maisons en bois. Mais, vu que ce n’était pas la période touristique… il fallait prendre le taxi de la gare d’Obuke (un AR de 30 mn nous a coûté 60 € !) et faire des courses pour 2 jours car soit disant rien dans le coin pour manger.
Nous avons déposé les bagages à l’hôtel Hills proche de la gare, puis sommes vite ressortis boire une bonne bière dans un izakaya pour souffler un peu avant la visite de l’allée des cerisiers en fleurs. Dans le nord du Japon, contrairement à la région de Kanto, les cerisiers étaient en pleine fleuraison.
La nuit tombe très vite au Japon, été comme hiver, dès 18h-18h30. Le temps d’arriver en bus, nous avons admiré les cerisiers sous la lumière des réflecteurs. Une star de sexe masculin était en train de se faire interviewée sous le célèbre Ishiwarizakura, vieux de 400 ans. Les passants s’empressaient à faire des photos. Montés jusqu’au temple shintô situé sur les hauteurs dans un parc où ils restaient encore les murs d’un château démoli en 1874. Le chemin est bordé d’une centaine de cerisiers.
Je fais entrer la lune Dans ma chambre d’ami Et m’assieds dans son ombre Seibe (1748-1816) |
Une autre spécialité de la région, les desserts Kamome no Tamago. Ils ont la forme d’oeuf, tamago signifiant oeuf, et l’ntérieur est fourré avec de la crème vanille. De consistance tendre qui fond dans la bouche, un pur délice !
Samedi 18 avril 2015
Morioka n’est pas une ville de grand intérêt à part le parc aux cerisiers dont je vous ai parlé et la rivière qui offre une vue splendide sur le Mont Iwata e des belles promenades.
Photo : www.japan-guide.com |
Une maison traditionnelle avec jardin entourée d’immeubles modernes |
Nous avons quitté Morioka sans regrets pour nous isoler aux pieds du Mont Iwate. Il est tout aussi respecté que le Mont Fuji à qui il ressemble comme deux goûtes d’eau.
« … la nature est un temple au Japon, un sanctuaire tout parée dont l’homme n’est que l’émondeur. » Maurice Pinguet extrait du ‘Le texte Japon’
Mais voilà qu’à peine rentrés, je remarque par-ci par-là plusieurs kamemushi (sorte de blatte). J’ai commencé à les attraper avec mon scotch tout en pleurant sur la longue et atroce agonie que j’allais leur infliger.
Au début, j’avais du mal à les tuer mais au bout de 2 jours je suis devenue hystérique et fini par y prendre plaisir. J’en ai tué plus de 100, facilement !
Je l’ai signalé à la direction. Saori san m’a fait une remise de 50% et une bouteille de vin rouge de la région. Aussi, elle m’a proposé de changer de maison mais cela n’aurait rien changé car toutes étaient envahies par des hordes de kamemushi.
Notre grande cabane avec vue sur le Mont Iwate :
Dans la nuit de printemps Surgit l’arc-en-ciel d’un rêve Mais derrière la montagne Quel ciel lourd de nuages Fujiwara no Teika dit Sadaie (1162-1241) |
Que le tissus soit d’un tissu trop léger Vêtement de brume pour vêtir le printemps qui vient. |
Le chemin vers l’ascension |
La neige s’étale encore Pourtant le printemps est là. Et les larmes du rossignol, Qui étaient gelées Auront bientôt fondu. Impératrice Nijo (842-910) |
attiré par le parfum des pruniers le soleil surgit sur le sentier de montagne Basho |
Places de camping aménagées avec éviers ! |
Lundi 20 avril 2015 °°° NARITA
Dès qu’on arrive à Narita, on prend conscience que les vacances sont finies. Difficile d’accepter le départ.
onsen |
Le récit de ce 5ème voyage prend fin ici. J’espère pouvoir vous raconter ma 6ème expérience japonaise dès l’année prochaine. Je rêve tant de faire le tour de Kyushu. De plus, le dernier film de Naomi Kawase, The still water, filmé sur l’île d’Amami, en face de Kagoshima, n’a fait que renforcer mon désir de découverte.
« L’expérience japonaise…une valeur émotive, hédoniste, esthétique. » Maurice Pinguet, « Le texte Japon »
Depuis printemps 2012, je me suis lancée le défi de faire le tour du Japon.
Ma fascination pour ce pays est née des dizaines d’années auparavant, lorsque j’ai commencé à étudier sa culture, bien avant le contact « physique ». Les raisons sont multiples, mais je préfère citer René Sieffert.
Les Japonais ont le « goût instinctif » pour tout ce qui est beau :
« un beau paysage, un bel objet, un beau geste n’ont jamais trouvé un Japonais insensible ; ce sixième sens, ce sens de l’esthétique, le bouddhisme va l’exacerber en soulignant l’impermanence des choses de ce monde, concept accepté d’emblée dans cet archipel constamment éprouvé par les tremblements de terre, les typhons et les incendies, prodigue en sites grandioses, mais inhospitaliers et de rude abord pour l’homme ; enfin, nés de cette impermanence, un humour parfois naïf, une ironie parfois féroce, un scepticisme parfois amer, tempèrent les enthousiasmes irréfléchis, imposent la notion d’une juste mesure entre la double tentation de la résignation et de l’arrogance. » extrait de son livre ‘La littérature japonaise’
Au Japon, je me sens chez moi, comme si j’y ai toujours vécu. Je n’ai jamais été une touriste. Maurice Pinguet me le confirme dans son récit ‘Le texte Japon’ :
« Le tourisme est un mode de perception : regard de surface, vite rassasié. L’ennui accourt. A l’entracte, avant même l’entracte, beaucoup évacuent leur fauteuil et se tiennent quittes de leur devoir d’exotisme ».
Avec le Japon je suis unie par un lien fusionnel qui attise mon désir de continuer à l’étudier en profondeur et sans relâche.
Ce 5ème voyage si attendu, s’est relevé compliqué autant avant que durant le séjour.
C’est « le moins réussi » si je tiens compte de l’impossibilité à visiter ce que j’avais prévu et en raison de la météo : 7 jours de pluie sur 10, ce qui est inhabituel pour la saison. Le Japon non plus n’est pas épargné par le dérèglement climatique… !
Une semaine avant le départ j’ai appris via l’office de tourisme de Hokkaido que tous les sites que nous voulions explorer sont fermés à cause de la neige : les parcs nationaux Akan, Daisetuzan (avec sa plus haute montagne Asahidake, 2 290 m) et Kushiro (zone de marais qui abrite une espèce rare de grue japonaise), puis enfin Shiretoko (péninsule étroite et montagneuse à l’extrême est de l’île).
Deuxième surprise, fut le permis de conduire international. Il ne suffit pas de le détenir, lorsqu’on arrive au Japon il faut le faire traduire en japonais dans une des agences JAL (http://www.jaf.or.jp/inter/translation/specific_e.htm – délai improbable) et avant de louer une voiture, il faut passer un examen de conduite. Donc, nous avons également abandonné le projet de louer une voiture.
La grande question qui se posait : où aller après le séjour de 3 jours à Tokyo ? Nous nous sommes décidés pour la région Aomori et sa péninsule Shimokita tout en laissant cours à l’improvisation. Il s’est avéré qu’au Japon, le pays ultra organisé,l’improvisation est quasi impossible….
Vendredi 10 avril 2015 °°° TOKYO
A notre atterrissage, un ciel gris et pluvieux nous attendait les bras ouverts, comme en septembre 2014. Décidément, Tokyo se montre très « inhospitalière » avec nous pourtant nous l’aimons à la folie !
A peine atterris, nous avons pris le NEX express pour Tokyo, il se distingue des autres trains par son design très particulier.
De la beauté des fleurs Il ne reste déjà plus rien Et moi qui n’ai porté mon regard Que sur des choses vaines Au long de ma vie Ono no Komachi (IXème, poétesse célèbre pour sa beauté) |
De Tokyo nous avons pris le shinkansen pour Nagoya et 2 autres trains pour arriver chez les parents d’une de mes amies que nous n’avions plus revus depuis deux ans. Cette famille est devenue la nôtre. Les Japonais sont d’une générosité extrême : nous avons été gâtés avec des repas exquis et tant de cadeaux. La mère, sachant que j’aimais les desserts à base de thé matcha, elle m’en a acheté 5-6 sortes. Mon mari aimant le whisky, le père lui a offert sa 3ème bouteille en 2 ans sans parler de tous les alcools mis à notre disposition lors du repas avec toute la famille réunie : bière, saké, shochu… Aussi, nous avons reçu une belle enveloppe avec 10 000 Y pour notre voyage ce qui nous a d’abord mis mal à l’aise puis touchés. Moi, qui étudie depuis des années la culture japonaise, je ne connaissais pas une des traditions séculaires dénommée : senbetsu. Elle consiste à donner de l’argent à ceux qu’on aime avant leur départ pour un voyage. En échange, nous devions envoyer un souvenir omiyage de notre voyage.
« Les bons amis sont de trois sortes. En premier lieu, les amis qui donnent généreusement ; en seconde lieu, les médecins ; en troisième lieu, les hommes d’esprit. » Kenkô-hôshi (1283-1350)
Le lendemain matin, pendant qu’on déjeunait, la mère a pris soin de son petit jardin remplis de camélias japonais d’hiver otome tsubaki et autres fleurs.
Dans la lumière incertaine du soir d’hier J’ai vu une fleur si nouvelle et brillante Mais pareille au brouillard du matin. A présent la douleur m’afflige A la revoir à nouveau.dans ‘Genji Monogatari’ |
Les fleurs de cerisiers tombées le temple appartient aux branches Buson |
Dans l’horreur du vide Qu’est-ce que la vie ? Juste un arbre sur le chemin Sogi (1421-1502) |
« …le shinto ne se contente pas de regarder la montagne, il la gravit – le sentier de ses pèlerinages est sinueux et escarpé, c’est près des sommets qu’il juche ses sanctuaires. Or, dans cette montagne japonaise, la forêt règne sans partage. La forêt : temple primordial… » Maurice Pinguet ‘Le texte Japon’
La rivière et l’étang désormais ne font qu’un pluie de printemps Buson |
Ce monde est provisoire.
Cette vie es comme un rêve.
Je me repose en cours de voyage
Et mon rêve est comme celui de la vie même.
J’aimerais tant arriver un jour à faire de la méditation zazen, mais comment y parvenir alors que
Si vous pensez
A ne pas penser,
Déjà vous pensez
poème qui figure dans le Recueil de Nambo
J’ai profité d’acquérir une nouvelle omamori (amulette), une minuscule poupée qui a le pouvoir de chasser tous les mauvais esprits. Aussi, j’ai eu la chance de voir la cérémonie shintô du matin.
Tout à la pensée des cerisiers en fleur dessus la mousse j’y établis ma demeure et sommeille au printemps Fujiwara no Teika |
Bassin rempli de koï, symbole de persévérance, force, amour et virilité. |
MyStaysGotanda, à 3 mn à pied de la station Gotanda (JR line Yamanote, gratuite avec JR Pass) dans le quartier universitaire très vivant.
Dimanche 12 avril 2015
Quel bonheur d’être enfin réveillés par le soleil !
Hara Museum |
J’ai appris dernièrement qu’une place de parking à Tokyo peut coûter plus cher que la voiture. D’ailleurs, on doit d’abord se trouver une place de parking avant d’acheter la voiture.
Pour revenir à l’architecture de Tokyo, cette ville n’est pas vraiment belle, malgré tout elle a un fort pouvoir de séduction qui envoûte au point de ne plus pouvoir s’en défaire.
L’architecte Bruno Taut écrivait lors de son premier séjour au Japon en 1937, arrivé donc après la reconstruction en vitesse de Tokyo qui s’est imposée suite au grand tremblement de terre et incendie qui l’ont presque entièrement détruite en 1923 :
« … nous restions abasourdis face à la stérilité et la manière comique de vouloir à tout prix être moderne, à ce capharnaüm tapageur et hideux de style architecturaux. Où donc était le regard raffiné des Japonais ? Les paysages de ce pays se semblaient-ils pas destinés à apprendre la délicatesse au nerfs optiques de leurs habitants ?
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Le tableau d’ensemble n’en apparaissait que plus intolérablement criard. Après tout, nos autres voyages nous avaient habitués à trouver, partout dans le monde, les méfaits de la civilisation. Mais cet arbitraire absolu, cette absence totale de ligne directrice, même dans le mauvais goût, ne chamboulaient pas seulement l’idée que nous nous étions faite du Japon ; ils mettaient particulièrement à mal notre conception de la culture. Car après tout, Berlin, Paris ou Londres, même dans leurs aspects les plus tristes, ne sont jamais dépourvus de caractères.
Voici Tokyo et sa grande avenue commerçante, la Ginza ! Ce qui tout à l’heure avait constitué un bruit pour l’oeil, devenait ici un vacarme assourdissant. L’aitre sensible qui vous parle sombra dans une terrible dépression ; je ne dis plus un mot et me mis à regretter amèrement d’avoir entrepris ce voyage. » extrait de « La maison japonaise et ses habitants »
La suite on la connait, Bruno Taut est tombé amoureux du Japon et de son architecture traditionnelle. Gropius aussi s’y est rendu en 1954 et le courant Bauhaus a été influencé par celle-ci :
« Lorsque j’ai eu cette si grande chance d’être invité pour une visite de longue durée au Japon, en 1954, je me suis moi-même trouvé confronté à une nouvelle expérience, à savoir, de voir, d’une part dans l’architecture domestique japonaise les résultats d’une tentative extraordinairement logique de créer un modèle culturel si homogène, et que d’autre part si variée et riche dans ses éléments, elle reste incontestée parmi les réussites architecturales les plus notables. L’architecture domestique traditionnelle inclut les principes et idéaux généraux de la société japonaise d’une façon si parfaite que, même aujourd’hui, à notre époque, son impact est fort et son influence culturelle omniprésente. »
Après avoir longé un parc, nous sommes passés de l’autre côté de la voie ferrée où se trouvait le quartier populaire.
la moindre petite parcelle est remplie de végétation |
« Les Japonais admirent tellement les jardins, et leurs effets, que le plus petit morceau de terre est utilisé dans ce but. » Masaharu Anesaki ‘L’Art, la Vie et la Nature au Japon’
Position jambes écartés du policier : pour se mettre au niveau du chauffeur ou pour l’empêcher d’ouvrir la porte ?
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Lorsque nous avons repris Yamanote ligne pour rentrer à l’hôtel, il y a eu une panne électrique. Nous avons dû prendre un bus, conseillés et guidés par un Monsieur qui nous a proposé son aide sans qu’on lui demande (cela arrive couramment). Nous avons passé 35 mn interminables dans un bus bondé, néanmoins cela nous a permis de visiter d’autres quartiers de Tokyo.
Lundi 13 avril 2015
Réveillés pas une pluie torrentielle, démoralisante car… partie pour durer !
photo : http://www.japan-guide.com/e/e3072.html |
Mardi 14 avril 2015
La pluie toujours là ! Malgré tout, je suis sortie rejoindre une amie à 11h30 devant la banque Mizuho sur la réputée avenue Omotesando, un lieu habituel de rendez-vous comme la statue du chien Hachiko à la station Shibuya. J’étais entourée d’une trentaine de personnes qui attendaient… quelqu’un.
L’entrée du café par le jardin |
Arrivées aux musées, ils étaient tous fermés le mardi. J’ai voulu visiter :
Suntory Museum of Art dédié aux objets d’art traditionnel : céramiques de Nara, laques de Kamakura, paravent de l’école Kano, cérémonie du thé…
et
21_21 Design Sight, le premier musée japonais exclusivement consacré à la mode et au design. Signé Tadao Ando : murs de béton, verrières, toit en acier brossé, le tout posé sur un tapis de verdure. Directeurs artistiques : Issey Miyake pour la mode, Taku Satoh pour l’art graphique et Naoto Fukasawa pour la création d’objets.
Nous avons dû nous contenter du musée Fuji camera qui présentait une belle expo de paysages de plusieurs régions : Tochigi, Chiba, Gifu, Shizuoka, Ishikawa, Goma, Nagasaki, Okinawa et même Fukushima.
Photo lac Usorisan : http://www.japan-guide.com/ |
Eh bien, Mont Osore dont le nom signifie le « Mont de la peur » est le lieu mythique de l’entrée des Enfers et le petit ruisseau du lac Usorisan surnommé Sanzu-no-kawa marque la frontière (équivalent du dieu grec Styx qui personnifie un fleuve de l’enfer).
En outre, le temple Bodaiji organise des cérémonies pour les âmes des défunts dont le festival annuel Itako Taisai qui a lieu le 20 juillet durant cinq jours. Itako, sont des médiums aveugles qui, pendant un rituel nommé kuchiyose, communiquent avec les morts.
L’essentiel, plus profondément, est cette terre souriante et ténébreuse tour à tour, où la nature et le surnaturel se pénètrent et s’échangent. » Maurice Pinguet extrait du ‘Le texte Japon’
Pluie d’averse
Sans un bruit sur la mousse
Me reviennent les choses du passé
Yosa Buson
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Nous sommes descendus à Oma. Le chauffeur de bus nous a parlé d’un ryokan avec onsen isolé dans une petite forêt mais à 30 mn de marche de la mer. J’ai profité de l’onsen et du repas gastronomique puis fait une balade sous le ciel gris.
« Le Japonais prend à table un plaisir à la fois esthétique et gastronomique. »Masaharu Anesaki ‘L’Art, la Vie et la Nature au Japon’
Jeudi, 16 avril 2015
Réveillés à 5h30. Petit déjeuné annulé et remboursé afin de pouvoir prendre le bateau à 7h pour Hakodate. Vues du bateau :
Intérieur du bateau |
A la gare de Hakodate, on trouve des pâtisserie du fameux Mori Yoshida qui a ouvert sa boutique à Paris en 2013.
J’ai demandé au chauffeur où pourrions-nous dormir. Arrivés à Tippa, il nous a montré un minshuku et nous a parlé d’un ryokan et d’un hôtel que surplombait la côte.
Nous étions très attirés par le mishuku collé à une corniche sur le petit port. Je m’y suis dirigée pour demander les prix. A l’entrée, il y avait 2 gros matous qui m’ont accueillie… avec leur odeur d’urine ! J’allais faire demi-tour mais comme on m’avait remarqué je suis rentrée. Deux femmes dont une âgée étaient assises sur des tatamis. La plus vieille en me voyant a dit à l’autre sur un ton désagréable entre les dents que j’étais une gaijin. J’ai compris que je n’étais pas la bienvenue, chose extrêmement rare au Japon. Une troisième femme est apparue et m’a dit avec une voix tonitruante qu’il y a un hôtel sur la colline.
Me revient du coup une autre anecdote. Dans une petite gare de village, nous attendions le train. Dans la salle d’attente il y avait assis un jeune qui mangeait. Entre temps, un autre Monsieur rentre, je le vois se pencher pour ramasser un papier parterre et nous jette un regard de reproche. Il était certain que c’est nous les étrangers qui avons laissé tombé nos ordures sans les ramasser… alors que c’était le jeune japonais. J’aurais dû faire la rapporteuse, tellement j’ai été vexée !
J’apprécie tant la propreté des japonais même si limite « obsessionnelle ». Les villes, les moyens de transports brillent et jamais personne en vandalise quoi que ce soit. Belle leçon de civisme !
Petit temple shinto où les pêcheurs prient avant de prendre la mer |
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Couché de soleil sur le petit port |
Après le refus du minshuku de nous loger, nous sommes partis vers l’hôtel situé au somet de la colline via des escaliers interminables et presque insurmontables avec nos bagages.
Plaque d’égout |
Arrivés à l’hôtel, on a reçu « le coup du bambou » : une nuit coûtait environ 250 € avec repas et onsen. Etant exténués et découragés par la pluie mais hypnotisés par la sensationnelle vue sur la mer depuis le salon, nous y sommes restés une nuit. Le tout restera gravé dans la mémoire : la nourriture gastronomique, la chambre traditionnelle japonaise avec vue sur la mer, l’onsen…
Le petit déjeuner |
L’Impératrice et l’Empereur du Japon ont fait « une halte » dans cet hôtel pour boire le thé. Aussitôt partis, la direction de l’hôtel a mis en vitrine les fauteuils et la table qu’ils ont utilisés car devenus « sacrés ».
Aussi, j’ai fait part à tous de ma pathologie en citant Jean-François Sabouret (chercheur CNRS / Japon) :
« Parmi toutes les contrées de l’Est de l’Asie, le Japon, où j’ai longtemps vécu, est désormais ancré en moi. Quand je n’y suis pas, ce pays me manque, une pathologie, dont bien sûr, je ne veux pas guérir.
J’ai besoin du Japon. D’abord parce que la civilisation japonaise m’intéresse en tant que telle : son passé, son peuple, sa culture, sa langue, son regard extérieur et son sens du défi. Ensuite parce que, ayant amassé sur mes routes d’Asie des trésors d’images et de voix, de rencontres et d’échanges, ma vision du monde, et surtout du monde français, en a été modifiée ». extrait livre Besoin de Japon
Un de mes amis Japonais m’a dit : « Adina san, ne vient pas au Japon en été, tu vas mourir… ». J’aurai dû l’écouter car j’ai failli « mourir » plusieurs fois. Une chaleur humide qui colle vos vêtements à la peau et l’air si lourd au point de vous étouffer. De plus, la nuit tombe brutalement vers 18h30.
C’est la météo (pluie, brouillard, chaleur…) qui a modifié le circuit de ce voyage minutieusement préparé d’avance. J’ai dû rayer sur ma carte les lacs de Fuji san et la péninsule d’Izu.
Je me suis restreinte à :
Tokyo – île de Sado – Kamikochi (les Alpes Japonaises) – Nikko – île d’Oshima – Hayama (péninsule de Miura)
TOKYO _ 28.08>04.09.2014
J’en ai tant rêvé de Tokyo et à la fois ma première crainte était : vais-je l’aimer ?
Toute ville est un roman. Philippe Forest
Sortie de l’avion j’ai découvert un ciel gris, pluvieux qui me rappelait Bruxelles. Au secours !
Dans le train, qui m’a emmenée de l’aéroport de Narita à Tokyo, le robot répétait régulièrement son nom. Sa voix féminine résonne encore dans ma tête comme une musique : Tokyo, Tokyo mamonaku, Tokyo tsugi wa…
Arrivée à la gare d’Ueno, je me suis vue engloutie par la foule pressée qui se déplaçait à grand pas dans tous les azimuts. Un chaos organisé par des règles : la discipline et la politesse. Ce qui m’a toujours impressionné au Japon sont justement les transports en commun qui brassent des millions de gens tout en douceur. Tous fonctionnent de manière fluide et efficace. Ce dernier mot me rappelle un vieux couple de Français qui débarquait ce matin pour la première fois au Japon et qui ébahi par l’organisation et la vitesse à laquelle on passait aux postes de contrôle l’homme a dit : « Nous allons en prendre des leçons d’efficacité dans ce pays ! ». J’ai aussitôt ris au éclats !
Tout est sécurisé et propre. Comme l’indique Eriko Nakamura dans son livre Naaande ! la propreté et le respect des lieux publics sont dus à l’éducation reçue dès le plus jeune âge. Dans les écoles les femmes de ménages n’existent pas, ce sont les élèves qui nettoient le tout afin de les responsabiliser, chaque classe à tour de rôle…et toilettes inclus !
D’Ueno je devais prendre le métro pour le quartier Asakusa. Me revoilà confrontée à une profusion d’informations : sons, panneaux, signalétiques… et tout cela en japonais. Au chaos s’est rajouté la complexité. Fort heureusement, je n’étais plus une débutante ! D’ailleurs, dès le deuxième voyage au Japon, je me suis sentie comme un poisson dans l’eau. Et à chaque fois que j’atterris dans ce pays, j’ai l’impression d’y avoir toujours vécu et instantanément toutes les tensions intérieures disparaissent… comme nul part ailleurs !
Quartier Asakusa _ 28.08 > 31.08.2014
Vue de ma chambre |
Asakusa est un des rares quartiers traditionnels resté en petite partie intact : devantures en bois, ruelles pavées… J’y ai séjourné 3 jours.
Ici, j’ai visité le sanctuaire shintoïste Asakusa-jinja, un des seuls sorti indemne des guerres, feux et séismes. Construit en 1649, il rend hommage à deux pêcheurs qui auraient trouvé la statue de la déesse Kannon dans la rivière Sumida.
Visité aussi le temple bouddhique Senso-ji où trône cette déesse de la miséricorde. Pour y arriver, on passe d’abord sous la « porte du Tonnerre » Kaminarimon connue pour son énorme lanterne rouge encadrée par deux divinités Raijin, la Foudre à gauche et Fujin, le Vent à droite.
De cette porte et jusqu’au temple, on marche dans la Nakamise-dori bordée de boutiques traditionnelles. J’ai acheté juste des sembei, chips japonais à base de riz, tout frais, un délice !
J’ai adoré cette partie du quartier car ici on remonte le temps.
Côté Asakusa contemporaine, j’ai été curieuse de découvrir le célèbre bâtiment de Philippe Starck bâti en 1989 : Asahi Super Dry Hall (un monolithe de granit noir poli avec une flamme dorée sur son toit qui se voudrait être un verre de bière avec sa mousse…) Sans commentaires !
A quelques pas se trouve la tour de Tokyo Sky Tree (634 m) où j’ai été impatiente de grimper pour contempler toute la ville : 2 000 Km2 contenant 12 millions d’habitants. Fuji san a refusé de se montrer, préférant resté caché derrière un épais voile de brouillard.
« Cette tour s’inspire des formes traditionnelles avec un profil qui n’est pas sans rappeler la cambrure des sabres japonais ou les colonnes des temples et sanctuaires. » Revue Niponica n°4/2011.
Elle a résisté au séisme du 18 mars 2011 car son système de contrôle des vibrations est semblable à celui utilisé dans les pagodes à 5 étages. Le secret : le gros pilier central unique nommé shinbashira dont le rôle est tenu ici par la cage d’escalier en béton armé.
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Voilà comment embellir les paravents qui entourent un chantier ! Coller des beaux papiers peints ! |
On vous rappelle à tous les pas : interdit de fumer dans la rue ! Au pire, ayez toujours un cendrier de poche sur vous. |
Redescendue sur terre, j’ai longtemps marché vers Edo-Tokyo Museum accompagnée par un aimable jeune garçon car je m’étais égarée en route. Il m’a guidé via des petites ruelles coquettes et calmes. Le musée se trouve dans un bâtiment futuriste inspiré par les greniers de riz et raconte l’histoire de la ville grâce à des objets archéologiques, estampes, maquettes, plans, mannequins…
En marchant, j’ai pensé à l’écrivain Michaël Ferrier pour qui le meilleur moyen de s’y retrouver à Tokyo est de s’y perdre : « au moment où l’on se perd, plus de carte plus de gps qui tiennent, à ce moment précis un énorme, immense plaisir vous envahit, une espèce de liberté retrouvée et vous vous dites : là vraiment, je suis à Tokyo. »
Il a raison, c’est en s’égarant qu’on découvre des trésors, la face cachée de la ville. A Tokyo, seulement les grades avenues portent des noms. Ses ruelles, avec des bâtiments qui comportent uniquement des numéros en désordre sont… déroutantes !
« Cette ville ne peut être connue que par une activité de type ethnographique : il faut s’y orienter, non par le livre, l’adresse, mais par la marche, la vue, l’habitude, l’expérience ; toute découverte y est intense et fragile, elle ne pourra être retrouvée que par le souvenir de la trace qu’elle a laissé en nous : visiter un lieu pour la première fois, c’est de la sorte commencer à l’écrire : l’adresse n’étant pas écrite, il faut bien qu’elle fonde elle-même sa propre écriture. » Barthes – L’empire des signes
« La ville : une infinitude limitée. Un labyrinthe où vous n’êtes jamais perdu. Votre plan individuel, où tous les blocs d’immeubles portent le même numéro. Même si vous vous fourvoyez, vous ne pouvez pas faire fausse route. » Abe Koko – Le plan déchiqueté
Après le musée, j’ai eu l’intention de passer au stade national des sumo Kokugikan pour les voir s’entraîner mais j’avais perdu mes forces.
Selon le Kokiji (recueil de mythes datant de 712 concernant l’origine des îles formant le Japon et des dieux) c’est un combat de sumo être deux divinités qui décida de l’occupation de l’archipel par les Japonais. La lignée impériale aurait été créée par le vainqueur de ce combat nommé Takemikazuchi. C’est à partir du VIe que le sumo a été lié au culte shintoïste et ses rituels purificateurs comme jeter le sel en l’air et boire une gorgée d’eau avant le combat.
« Ces lutteurs forment une caste ; ils vivent à part, portent les cheveux longs et mangent une nourriture rituelle. Le combat ne dure qu’un éclair : le temps de laisser choir l’autre masse. Pas de crise, pas de drame, pas d’épuisement, en un mot pas de sport : le signe de la pesée, non l’éréthisme du conflit. » Barthes – L’empire des signes
Le dernier jour, j’ai pris le train sans conducteur Yurikamome line. J’ai été émerveillée par ce voyage entre les buildings jusqu’à l’île d’Odaiba.
L’idéal aurait été de faire ce trajet la nuit pour admirer le Tokyo enluminé et polychrome.
D’Odaiba, île artificielle reliée au centre ville par le célèbre pont Rainbow Bridge, j’ai pris le bateau pour retourner à Asakusa. Il a flotté sous tous les ponts de Sumida. ll est passé devant le fameux marché de poisson Tsukiji où se fournissent tous les restaurants. Puis, j’ai eu la chance de voir quelques canaux rescapés grâce auxquels Tokyo ressemblait avant 1868 à Venise. Depuis, la plupart des canaux ont été couverts par du béton et des pierres. Des ruelles ondulantes suivent les traces des anciennes rivières. En outre, on retrouve d’autres genres de ruelles labyrinthiques qui ont été construites stratégiquement afin d’éviter les attaques frontaux du château où vivait le Shogun.
Buren ? |
« Venise » |
J’ai eu quelques aventures à Asakusa. Un soir je suis repassée devant un ancien café de quartier, c’est-à-dire un troquet avec 3 chaises devant un mini-bar donnant sur la rue, tenu par un vieux Monsieur. Les gens, une dizaine, nous ont invité, moi et mon mari, à boire avec eux. Avec mon japonais précaire j’ai réussi à communiquer et j’ai compris qu’ils étaient tous des SDF. Extrêmement pauvres, mais alors, quelle générosité !! Ils nous ont payé au moins 5 bières et un whisky. Impossible de les arrêter. Nous sommes tombés dans un guet-apens ! De plus, ils n’ont pas accepté qu’on les réinvite.
On parlait de tout et de rien, on rigolait jusqu’à ce que l’un des SDF m’a raconté que des yakuzas viennent régulièrement les tabasser tard dans la nuit sans raisons quelconques !
Jamais je n’oublierai leur accueil et générosité ni les puces que j’ai eu en cadeau et dont je me suis difficilement débarrassée après 3 jours grâce à un produit miracle dont la fumée qu’il a dégagé dans l’appartement a tué toutes insectes et parasites, même les acariens ! En souvenir, j’ai gardé des semaines quelques stigmates sur mes jambes.
Après 2h en leur compagnie, nous avons cherché un izakaya pour manger. Nous sommes rentrés dans un snack où il y avait que des vieilles personnes mais la patronne nous a refusé l’entrée.
Ce soir là, j’ai basculé dans l’autre Tokyo, l’hors-champs, celui des pauvres et des brigands et pourtant pas une seule fois je me suis sentie en insécurité ! Comment expliquer cela ?!
Quartier Shimbashi/Ginza _ 31.08.2014
J’ai dormi dans le quartier de Shimbashi/Ginza au Nakagin Capsules Hotel. J’ai loué une capsule à son propriétaire, Mr Abe Masato, via airbnb. Cet immeuble, à usage résidentiel et de bureaux, a été dessiné par l’architecte Kisho Kurokawa. Construit début 1970, il est prédestiné à être démoli car les réparations et les coûts d’entretiens sont trop élevés pour pouvoir le sauver. Bien dommage alors qu’ils comptait l’inscrire au patrimoine de l’Unesco.
Porte d’entrée |
Le hall d’accueil |
C’est une expérience inoubliable car l’intérieur fait penser à un vaisseau spatial. Chaque capsule est aménagée, meublée et équipée de systèmes audio et téléphoniques.
Par contre, à ce jour, il n’y a plus d’eau chaude dans la bâtiment, on se lave dans une cabine de douche extérieure et chacun doit s’inscrire la veille sur le planning. Drôle d’aventure !
photo © Michel Mazzoni |
Les concierges ont été adorables puis un propriétaire est venu discuter et nous a offert en partant les gâteaux aux azuki : dokidori. Aurait-il deviné que se sont mes gâteaux favoris indispensables au petit déjeuner ?
« Tatouée à toute heure du jour et de la nuit de discours et de sons, la ville offre un spectacle hypnotique et changeant, qui déroute ou qui dégoûte, épuise ou émerveille, mais ne laisse personne indifférent » Michaël Ferrier Tokyo petits portraits de l’aube
Quartier Ebisu _ 01.09 > 3.08.2014
Ici, aussi j’ai loué un appartement pour 3 nuits via airbnb, à 5 mn à pied de la station de métro. Emplacement idéal de tous les points de vus. Un quartier chic, à la fois feutré et agité, avec des petites boutiques tenues par des jeunes branchés sans oublier les nombreux bars et d’izakayas. Il y a eu de quoi faire ! Un soir j’ai mangé des ramen que mes papilles ne risquent pas d’oublier…
« On ne sait plus où donner de la tête, on se tord le cou pour mieux se remplir les yeux de se spectacle. Je comprends pourquoi il y a tant de cabinets de massage ici, c’est Tokyo qui veut ça, ce torticolis ébloui de ruelles et de gens. » Michaël Ferrier – Tokyo petits portraits de l’aube
Le rue de mon appartement |
Ebisu est une marque de bière, la meilleure à mon goût, propriétaire d’une grande partie des immeubles. Les fabricants ont choisi le nom du Dieu confucéen du logis et des rizières. Sur l’étiquette, vous remarquerez un moine pêcheur ventripotent et souriant qui tient une dorade rouge à la main en signe de prospérité.
Proche de Shibuya, j’ai profite de passer le soir sur le lieu de rendez-vous des jeunes : la statue de Hachi-ko élevée en hommage au chien fidèle qui après la mort de son maître a continué à l’attendre tous les soirs à la sortie de cette station de métro. La statue, je l’ai juste devinée car il faisait nuit, il pleuvait et les touristes ne finissaient pas de se prendre en photo devant elle… Aussi, j’ai jeté un coup d’oeil sur l’intersection emblématique de Tokyo, Shibuya Crossing, et sa foule compacte munie de parapluies. J’ai filmé l’ambiance joyeuse, bruyante et ses buildings avec les publicités multicolores géantes.
Intérieur gare par Tadao Ando |
Photo maquette |
Visité aussi dans le quartier Shirokanedai, un autre bâtiment de Philippe Starck construit avant Asahi : Nani Nani
photo © Michel Mazzoni |
J’ai essayé au maximum d’éviter les clichés mais difficile. Pour visiter le Nezu Museum j’ai dû passer via l’avenue Omote-Sando, « les Champs-Elysées de Tokyo »… en moins larges. Il est vrai qu’elle compte beaucoup de boutiques de luxes dont les bâtiments ont été créés par des célèbres architectes. J’ai vu entre autres la fameuse boutique Prada avec sa façade de verres-loupes trapézoïdaux dessinée par Herzog et de Meuron.
Mon intérêt s’est porté surtout sur le musée ouvert par Kaichiro Nezu, fondateur de la compagnie de fer Tobu et riche collectionneur d’art oriental : céramique, calligraphie… Ce qui m’a marqué irrévocablement sont les 7 pavillons de thé placés dans un luxuriant jardin japonais. Un pur bonheur ! Il m’a paru insurmontable de m’extraire de ce paradis terrestre. J’en rêve encore !
J’ai visité aussi l’ancien stade national construit par Kenzo Tange pour les jeux olympiques de 1964. « Le toit de tôle d’acier mobilisant également de techniques de construction navale possède une beauté qui n’est pas sans rappeler celle du hall principal du Toshodai-ji (temple bouddhiste de la secte Ritsu situé dans la ville de Nara). Les constructions traditionnelles japonaises en bois on toujours mis l’accent sur l’aspect du toit, et le toit du Stade olympique reflète l’esthétique japonaise traditionnelle avec des courbes prononcées. » revue Niponica n°4 2011
En face de celui-ci, il y a le parc Yoyogi dans lequel j’ai remarqué des affiches préventives contre des moustiques qui transmettent des maladies. J’ai vu des infos à la télé le soir mais incompréhensibles vu mon niveau en japonais. En rentrant, j’ai lu un article de Libération et appris que certaines risquent de transmettre la dengue, une infection virale nommée aussi «grippe tropicale».
Un autre parc dans lequel j’ai flâné a été Ueno. Je me suis rendue au minuscule temple shintoïste Gojo-Tenjinja gardé par le kami Inari, le renard.
Puis, j’ai tourné autour du National Museum of Western Art juste pour admirer ce bâtiment construit par Le Corbusier en 1959.
photo © Michel Mazzoni |
Puis, le jour où j’ai revu un de mes amis, j’ai tenu à me rendre dans le parc voisin au Palais Impérial. Malheureusement, un concert à hauts décibels a gâché notre séjour : conversations rendues impossibles. Sur la route, j’ai voulu voir Imperial Hotel. Mais je ne savais pas que le bâtiment de Franck Lloyd Wright bâti en 1923 a été démoli en 1968. Sa structure a servi à un nouvel hôtel de luxe fait de béton et marbre. Il reste intacte juste le décor du bar. La façade et les bassins de l’ancien édifice ont été transportés au musée d’architecture Meiji-Mura à Inuyama proche de Nagoya.
Le mercredi, j’avais fait un saut au Shinjuku. La gare est un immense complexe souterrain de 11 étages comprenant quais de trains, boutiques, restaurants, jardins… on y est vite emporté par le « typhon » des gens.
Ce quartier ne dort jamais ! On y trouve de tout pour s’amuser surtout dans la partie nommée Kabukicho : bars à hôtesses, à strip-tease, cinémas, pachinko, karaoke… Moi, j’avais envie de voir l’incontournable Golden Gai, une partie du vieux Tokyo qui a survécu à tout. Il se compose de six petites ruelles étroites pour piétons où s’alignent environ 200 bars et cafés. Deux jeunes électriciens super sympas nous y ont conduit tout en rigolant : « ahh, vous avez envie de boire ! »
« Personne ne parle jamais du manque de sérieux des Japonais, de leur légèreté, de leur sentimentalité, de leur insouciance, de leur nonchalance, en un mot : de leur gentillesse et de la douceur de vivre qui règne dans une cité comme Tokyo. » Philippe Forest – Sarinagara
En fin d’après-midi la plupart étaient fermés mais, étant de nature curieuse et courageuse, j’ai osé entrer dans un bar ouvert avec les mots clés : gomen kudasai ! C’est à dire, je m’excusais de rentrer. Pourquoi, alors que c’est un bar « public » ? Parce que dans ce quartier, certains acceptent que les habitués et d’autres refusent carrément les étrangers vu que la majorité sont infiniment petits et personne ne parle anglais !
Le monde est devenu infime dans ce bar de 5 places nommé Spade (sis Shinjuku Kabukicho 1-1-5), tenu par Keiko san qui ressemblait ce jour-là à Yoko Ono en raison de sa silhouette, son chapeau et ses petites lunettes. J’ai aussitôt senti les ondes positives que ce lieu dégageait. En discutant durant au moins 2 h, elle m’a dit qu’elle était chanteuse et m’a offert son CD. Je l’écoute souvent en pensant à son hospitalité et à celui de son client Hiroshi san. J’ai été gâtée en alcool et nourriture ! C’était dur de les quitter autant moralement que… physiquement.
Le kare de Keiko san |
Dès qu’on se retrouve dans un bar avec les Japonais, en général tous des bons vivants « francs, rieurs, joueurs,… » leurs armures tombent sous l’effet de la potion magique : l’alcool. Ils sont comme le soleil et la lune. Ils changent de rôles en fonction de la lumière : jour/nuit. J’adore ça, entrer dans un bistro et attendre patiemment que l’alcool fasse l’effet : les langues se délient et les gestes se libèrent… la fête commence ! Des moments éphémères qui s’évanouissent mais survivent à jamais dans la mémoire (en japonais on utilise le terme hakanaï pour la notion d’évanescent).
Pour Michaël Ferrier, les Japonais sont comme le saké daiginjô fait avec le coeur du riz, « il faut savoir enlever les strates supérieures, les couches superficielles : alors, ils se révèlent ».
Après le travail, les gens font le tour des bars et des izakayas le soir après le travail jusqu’au dernier train de 24h-1h du matin, d’où l’expression hashigo o suru qui veut dire faire l’échelle…
Les Japonais divisent la nuit en plusieurs « soirées » successives :
« La première soirée est assez calme ichiji-kai : elle commence tôt, vers 18h ou 19h. On mange dans un restaurant, on discute, on boit modérément.
La deuxième soirée (nijikai), de 21h à 23h environ: c’est le début des choses sérieuses. D’abord on trouve un bar ou une nomi-ya (sorte de pub japonaise où la principale occupation est de boire, tout en faisant semblant de manger). La discussion va bon train, on se demande quand la bière va s’arrêter de couler.
La troisième soirée commence (sanjo-kai) : les esprits sont déjà bien échauffés. Ceux qui veulent attraper le dernier métro ou le dernier train (aux environ des 0h30) fuient comme s’ils avaient le démon à leurs trousses, à peine s’ils vous disent au revoir : un petit salut de la tête, et les voilà évanouirent dans la grande ville – ces Japonais ont le génie de filer à l’anglaise.
Ceux qui font semblant d’hésiter, vous pouvez déjà les considérer comme perdus : cette heure là on ne tergiverse plus, s’ils hésitent c’est qu’ils ont déjà décidé de ne pas rentrer tout de suite mais, par une charmante coquetterie de comptoir, ils se font juste un peu prier. Il faut alors trouver un autre bar ou bien un karaoké. Préparez vos poumons : ici il est rare de passer une soirée sans chanter.
Enfin, vient le moment décisif, l’heure où le cercle se resserre, où les limites sont franchies. C’est yoji-kai : la quatrième soirée. Vos compagnons ivres, tombent comme des mouches. Bientôt il ne restera plus que vous et Tokyo, comme une affaire personnelle, un vieux compte à régler. Alors seulement, vous connaîtrez le pouvoir de cette ville, toute la puissance de ses envoûtements. » Michaël Ferrier – Tokyo petits portraits de l’aube
Un peu d’histoire
Avant 1868, année de la réouverture du Japon au monde, Tokyo (la capitale de l’Est) s’appelait Edo (Porte de l’Estuaire). Elle a commencé à connaître son essor jusqu’au tremblement de terre de 1923 qui a fait environ 100 000 victimes et réduit la ville en cendres. A partir de là, débute l’urbanisme de la ville, tout devait être reconstruit. Le deuxième choc et grande blessure lui a été infligée par les bombardements américains en 1945. Puis, la troisième grande période de reconstruction s’est imposée lors des jeux olympiques de 1964. Depuis, Tokyo, continue son expansion… limitée par les montagnes et la mer.
« Tu n’as qu’à lever la tête si tu trouves le temps long°, Tokyo est un superbe et méconnu livre d’images. N’essaie pas d’imposer ton allure, tu n’y arrivera pas : chaque pays a son temps, sa pulsation, sa minutie. Il faut retrouver le rythme de la ville, il change selon les quartiers, les moments, les saisons, tu dois toi-même prendre les marques sur cette gigantesque table des temps.(au feu piéton) Michaël Ferrier Tokyo petits portraits de l’aube
Tokyo est gigantesque mais paradoxalement dans chacun des quartiers on a l’impression de se trouver dans « un village » car beaucoup de quartiers gardent leurs indépendance et leurs esprits de village ! Ce qui rend cette ville un peu plus « humaine » selon mon ressenti, bien plus qu’Osaka que je n’ai pas su apprécier (il faudrait peut-être que j’y retourne un jour).
J’ai retenu l’histoire de l’écrivain Akira Mizubayashi qui racontait que dans son quartier, encore aujourd’hui, une personne fait le tour tous les soirs à 23h avec deux bouts de bois qu’elle frappe produisant un bruit sec. Ce son particulier « qui dialogue avec le passé » rappelle au gens de faire attention au feu, penser à tout éteindre avant le coucher. Ses bâtons sont également utilisés par les moines dans les temples pour signaler les repas et les activités.
Chaque quartier a des lieux de refuge : des parcs, tes temples… des « zones de silence au milieu du son » (Nicolas Bouvier – Chroniques japonaises). Dans ces derniers, on y passe entre deux rendez-vous de travail ou pour se reposer, se promener paisiblement. Ici, le bruit du silence est spirituel : shiiiiin… (onomatopée du silence en japonais).
« A Tokyo, les constructions, détachées de leurs voisines, diversement orientées, ménageaient d’amusants contrastes de perspective. Même au coeur de la ville, elles proposaient aux passants des recoins plus tranquilles, des petits havres de paix…
Surtout, je me suis aperçu qu’il suffisait de quitter les grandes artères et de s’enfoncer dans des voies transversales pour que tout change. Très vite, on se perdait dans des dédales de ruelles où des maisons basses, disposées sans ordre, reconstituent une atmosphère provinciale. Le jardinait qui les flanquait pouvait être minuscule : le choix et l’arrangement des plantes n’en témoignaient pas moins pour le goût et l’ingéniosité des habitants. » Claude Lévy-Strauss – Aux habitants de Tokyo
Ce silence est troublé en été, dès 18h, par le chant des cigales. Sons percutants !! Plus fort et plus variés que dans le Sud de ma France. D’après l’artiste photographe Naoya Hatakeyama, il y a 4 types de cigales à Tokyo : ablazemi, miminzemi, ninizemi et higurashi. Chacune chante différemment mais… aux mêmes décibels !
Cri-cri de grillons
cri-cri de grillons
tout le reste s’est tu
Shiki
Enfin, Tokyo a réussi me rendre follement amoureuse d’elle au point d’en devenir addict. Il est certain que j’y retournerai plus d’une fois !
Pour vous la définir, tant de mots se bousculent dans ma tête :
immense, paradoxale, attachante, hypnotique, ludique, électrique, mystérieuse, glamour…
inondée de couleur, ciel gris anthracite, nuances d’ombres et de pénombres…
diversité, fluidité, sécurité…
bruyante avec ses sons particuliers : les voix faites pour rassurer, celles humaines dans les transports, les magasins et celles robotisées ; la musique des stations de métro qui diffère de l’une à l’autre, les bruits des pas, les chants des cigales…
Île de Sado _ 4.09 > 07.09.2014
J’ai quitté Tokyo pour la nature, triste et contente à la fois. J’ai pris le Shinkansen jusqu’à Niigata et de là, un bateau m’a déposée sur l’île de Sado.
vues du Shinkansen
J’ai acheté un bento et à l’intérieur, belle surprise, un onigiri au mentaiko (une triangle de riz fourrée aux oeufs de poisson et entouré d’une feuille d’algues nori).
Sado est la 5ème plus grande île de l’archipel (857 km2), peu peuplée, 70 000 habitants, et pendant longtemps peu visitée à cause de son histoire. C’est ici qu’on a déporté depuis le XIIIe siècle tous les hommes politiques, religieux et artistes qui se sont révoltés contre le pouvoir. Cela a contribué à l’épanouissement d’une culture aristocratique locale. Les plus réputés ont été l’empereur Juntoku (1197-1242), le moine Nichiren (1222-1282) fondateur de la secte bouddhiste du même nom, Zeami (1363-1443) acteur et dramaturge, le père du théâtre nô. J’avais vu d’ailleurs sur le bateau un Monsieur qui répétait son rôle (théâtre no) sur le ponton.
Cette île est certainement peuplée par une multitudes de yurei dont les âmes errantes des déportés morts ici…
Le bonze Nichiren dans la neige à Tsukahara dans l’île de Sado par Utagawa KUNIYOSHI 1835 |
Le bonze Nichiren priant par Utagawa KUNIYOSH |
En 1601 fut découverte une mine d’or qui a fait la prospérité d’Edo. Fermée depuis 1989, il est possible de visiter les tunnels laissés comme vestige.
« Sado comble les amateurs de nature et de randonnée avec ses belles côtes découpées, ses deux chaînes de montagnes et sa plaine centrale. » www.tourisme-japon.fr
Mais, je rajouterais que sans voiture, on ne voit presque rien de Sado. Les bus sont rares et ils arrêtent de rouler dès que la nuit tombe, à 18h30.
Aujourd’hui, elle est très réputée aussi pour l’art des tambours (taiko). Le groupe Kodo fait sensation dans le monde entier. Rien que dans cette vidéo pêchée sur internet, vous remarquerez la beauté des paysages de Sado.
Un film « Kodo, les tambours du diable » par Don Kent a été diffusé sur Arte TV en hommage à l’école de taiko dirigée par Tamasaburo Bando, le plus célèbre acteur de kabuki de sa génération. « Elle est entièrement vouée à leur préparation physique et artistique, où la vie tient à la fois du service militaire et d’une longue retraite dans un temple. »
Photo Michel Mazzoni |
Le lac Kamo contient de l’eau de mer depuis le percement d’un canal en 1903. On y pêche des poissons et on fait l’élevage d’huîtres. Tous les jours, du haut de ma grande terrasse, j’admirais les paysages et les variations de lumière, je suivais la progression du brouillard sur les cimes et le va-et-vient des bateaux de pêches… je ne me lassais pas.
Dans le lac, se reflète majestueusement le mont Kimpoku. Aussi, le parc Shiizaki est un lieu de promenade qui offre une belle vue sur le lac. Puis, du mont Donden, on a une vue splendide sur la baie de Ryotsu, le lac Kamo et les rizières de la plaine, mais aussi, par temps clair, sur l’île principale de Honshu. Le sommet est un plateau recouvert de fleurs sauvages à la belle saison où il est possible de camper.
A côté de Ryotsu, il y a des complexes hôteliers pour onsen Sumiyoshi et Shiizaki. Trop touristiques, je me suis rendue à l’onsen typique du village Niiba Katagami. Après un trajet de 20 mn, je suis arrivée en pleine campagne sauvage avec quelques maisons clairsemées parmi les cultures de riz. J’ai été émerveillée par la végétation et ses teintes variées, par l’architecture ancienne des maisons et leurs jardins, par l’odeur de la nature…
Raplapla, j’ai bu des vitamines pour reprendre des forces dans la salle d’attente où j’ai testé un fauteuil qui masse le dos, puis une autre machine pour les pieds que je déconseille. J’ai résisté à cette tortionnaire stoïquement jusqu’au bout, juste pour me sauver la face comme tout vrai japonais qui se respecte !).
En attendant le bus de retour, j’ai contemplé un vautour qui se régalait avec le mamushi. Une voiture s’est arrêtée devant lui mais il a pris tout son temps pour emprisonner le serpent dans des griffes avant de s’envoler. Bon débarras !
Après l’onsen j’ai foncé en bus (trajet de 1h) sur la côté opposée de l’île, à l’Ouest, pour visiter la baie Senkaku-wan, semblable au fjord de Norvège, un paysage sauvage de rochers érodés par la mer. Magnifique ! J’ai voulu prendre un bateau de pêcheurs qui fait le trajet jusqu’à Tassha mais la journée de travail était fini. J’ai regretté car une fenêtre permettait de voir le parc sous-marin. Pour me consoler, je pensais que j’aurais été malade vu la mer fort agitée.
Au dessus, sur la montagne, il a une forêt vierge où trône un cèdre âgé de 1000 ans, un géant surnommé Niosugi (Dieu des cèdres) ou Daiosugi (Grand Roi Cèdre). Gare aux mamushis !
J’ai eu le bonheur de manger des calamars et le turbo façon Sado, préparés au grill. Les spécialités de l’île sont les calamars (ika), poulpes (tako), turbo (sazae), abalone (awabi), huîtres (kaki), crevette Nanban, crabes rouges (benizuwai gain). Les poissons comme : limande (yanagi garei), autre sorte de limande (funabeta), sériole (buri), saumon masu… Les riz Koshihikari et Toki to Kurasu Sato (berceau des ibis du Japon). Pour finir, okesa kaki une variété de kaki plat et typique.
On sèche les calamars au solei | l |
Près de l’hôtel Toho, en sortant à droite, dans le quartier des bars et restaurants, Yebisu, il y a une petit poissonnier exceptionnel et pas cher. Dans la rue principale, il y a plein d’autres artisans. Je suis rentrée dans un des magasins juste pour acheter une bouteille d’eau et je suis sortie avec des cadeaux : un paquet de calamars grillés et un autre de petites saucisses sèches. Toujours aussi généreux ces Japonais !
Insolite !
Kamikochi/Matsumoto _ 7.09.2014
Avant d’embarquer j’ai réalisé que je suis partie avec la clé de l’hôtel. Je l’ai laissée honteusement chez le jeune contrôleur de billets qui l’a certainement rendue à ma place. Le bateau de retour sentait le neuf ! Ultra moderne avec coin de jeux pour les enfants et même pour les adultes dont un mini-casino, chambres pour les animaux, coin business, shop, bar, resto, even plaza…
Arrivée au port de Niigata j’ai pris un plat populaire au Japon le kare (curry japonais) avant de prendre le train pour Matsumoto. Cette petite ville est connue pour son château bâti en 1504 surnommé Karasu-jō (château du corbeau) à cause de sa couleur noire.
Matsumoto, la nuit |
J’ai pris un hôtel près de la gare afin de me faciliter le trajet le lendemain pour Kamikochi. Le soir j’avais mangé des beignets de poulpes takoyaki puis j’ai plongé dans le sento de l’hôtel (bain japonais) avant de m’écrouler dans mon lit.
Pour me rendre à Kamikochi, j’ai pris le train jusqu’à gare de Shin-Shimashima et de là un bus pour un trajet de 1h10mn. Dommage que je ne pouvais pas m’arrêter pour prendre des photos sur le trajet. La ville repose dans une étroite vallée à 1 500 mètres d’altitude, le long de la rivière Azusa, et elle est entourée par les hauts pics de la chaîne de Hatoka, du mont Yake et de mont Kasumizawa.
A mon arrivée j’ai été très déçue par le nombre de gens présents sur le site. Je ne m’y attendais pas car je me suis imaginée un parc isolé où le calme règne. Pour me remonter le moral j’ai pique-niqué après quoi j’ai commencé une randonnée de 3h … avec mes détritus dans la sac car il n’y a aucune poubelle par respect pour l’environnement.
Pour me rendre à l’étang Taisho, j’ai traversé le pont suspendu Kappa qui surplombe les eaux transparentes de la rivière Azusa. Il offre une vue splendide sur le mont Oku-Hotaka (3 190 m).
« En 1915, le mont Yake (2 455 mètres d’altitude) entra en éruption et cracha de la lave et de la boue qui vinrent bloquer le cours de la rivière Azusa, formant un grand étang. Le paysage est empreint de mystère, avec la chaîne de Hotaka et le mont Yake en fond, alors que quelques arbres noircis entourent encore l’étang. » source www.tourisme-japon.fr/
La végétation est étonnante, en partie différente des Alpes européens. On y trouve entre autres des forêts de bouleaux et de mélèzes du Japon. Une autre particularité, l’eau des rivières et des lacs est translucide.
Nikko _ 9.09 > 10.09.2014
Nikko wao minai uchi wa, kekko to iu na
Si tu n’as pas vu Nikko, ne parle pas de splendeurs.
Proverbe
Nikko, à deux heures de train de Tokyo, fait partie du Patrimoine Mondial de L’UNESCO depuis 1999. Elle détient des chefs-d’oeuvres architecturaux classés Trésors Nationaux ou Patrimoine culturel important et en plus, elle se situe dans une nature époustouflante de beauté.
Nikko est l’attraction de tous les Japonais et touristes étrangers. Fort heureusement, à cette saison, il y avait peu de monde. J’aurais pu y profiter mais le temps a été impitoyable. La plupart du temps, le brouillard occultait les paysages que j’ai tant rêvé de découvrir ! D’autre part, je voulais éviter au maximum le Nikko touristique connu pour ses temples et les mausolées du premier shogoun de la période Tokugawa (1600-1868), Tokugawa Ieyasu.
A peine arrivée, je me suis enfouie de la ville en bus pour rejoindre la cascade Kegon et le lac Chuzenji.
Les chutes Kegon, les plus célèbres du Japon se trouvent à 5 mn à pied de l’arrêt de bus Chuzenji Onsen. Elles figurent parmi les trois plus grandes du pays (97 m hauteur) et sont formées par le lac Chuzenji. Dans la passé, c’était l’endroit de prédilection pour les suicides d’amoureux !
Ce lac Chuzenji, se trouve à 1269 m altitude et a été formé par l’éruption volcanique du mont Nantai (superficie 11,62 km2). Sa beauté fut un choc visuel ! Les montagnes au loin baignaient dans le brouillard. Je me suis dit, ce n’est pas grave je reviendrai demain pour mieux voir. Pensez-vous, le lendemain s’était pire, mais quelle lumière ! Le lac et le ciel se confondaient. Tout à coup, à l’horizon, apparût une ligne de lumière qui séparait la surface du lac et le ciel. On aurait dit un tableau de Rothko ! Que demander de plus ? Puis, progressivement, les montagnes ont légèrement réapparus.
J’avais prévue de me rendre à l’observatoire Akechidaira, prendre le téléphérique pour admirer le lac Chuzenji, les chutes Kegon et le mont Nantai mais impossible à cause du brouillard.
Je suis redescendu en bus dans la ville pour visiter le jardin botanique et les sites alentour. Une pluie fine a commencé à tomber mais sans me décourager j’ai traversée la rivière Daiya pour pénétrer dans une forêt dense et sombre, pleine de mystère. Je me suis laissée guidée par le petit chemin séculaire. Je suis passée devant un cimetière paisible où on sent la présence des kamis… inoffensifs. Des escaliers m’ont amené jusqu’à la tour divine Reihi-Kaku. Elle a été construite sur un rocher en 1654 par le prêtre Kokai qui allumait un feu et priait pour le paix dans le monde. L’ancien édifice a été emporté par les inondations en 1902 et remplacé en 1971.
De cet endroit on peut admirer Kanman-ga-fuchi Abyss formées par le volcan Nantai. Une pluie diluvienne m’avait empêchée de continuer ma route. Fort heureusement, j’ai pu m’abriter sous la tour. J’ai constaté que paradoxalement, le bruit assourdissant des gorges de Daiya a un effet calmant, lieu idéal pour la méditation.
Après un bon moment j’ai enfin pu reprendre le chemin et suis tombée sur Narabi-Jizo, des statues Jizo (divinité bouddhique protectrice des enfants décédés) alignées face à la rivière qu’elles fixent du regard depuis des siècles. A l’origine il y en avait une centaine, mais à ce jour il en reste 74. Elles guident les pas vers le temple Jiunji.
J’ai repris le bus pour descendre au pont Shinkyo. « Le Pont Sacré, entièrement laqué de vermillon, forme une arche gracieuse au dessus de la rivière Daiya. Son raffinement contraste avec la nature sauvage de la gorge. La légende rapporte que l’ermite à l’origine de Nikko a traversé la rivière porté par deux serpents, représentés aujourd’hui par le pont. A l’époque féodale, seul l’empereur avait le droit de traverser le pont. Il ouvre sur tout le site de Toshogu par un parc de 16 000 cèdres. » www.tourisme-japon.fr
Il me restait moins de 20 mn pour monter jusqu’au temple Rinnoji, fondé en 766 par l’ermite bouddhiste Shodo Shonin à l’origine du site de Nikko. J’ai monté des vieilles marches interminables pour pénétrer dans une majestueuse foret de cèdres. La nuit est tombée brutalement mais j’ai tout de même réussi à immortaliser l’atmosphère paisible et sacrée que ce lieu dégageait. Je me suis laissée envoûtée par le bruit d’une petite rivière et le crépitement de la végétation.
Autour du lac Chuzenji, il y a de nombreux restaurants, magasins de souvenirs, hôtels et auberges traditionnelles la plupart avec onsen. J’ai préféré profiter de l’onsen d’un hôtel situé au centre de Nikko. La nuit, dans mon bain extérieur entouré d’un jardin japonais, j’ai pu admirer la pleine lune (tsuki). Mémorable !
D’ailleurs, il y a un verbe en japonais tsukimi qui se traduit par regarder la lune et l’O-tsukimi, « Contemplation de la Lune » est une fête célébrant la lune, les récoltes, la fin des moissons, avec des offrandes de saison : fruits, grandes graminées susuki, boulettes de riz rondes comme la lune (dango). C’est un passe temps favoris des Japonais depuis la nuit des temps. Tsukuyomi est le dieu de la lune et son nom est une combinaison entre les mots lune (tsuki) et lecture (yomu).
Déjà quatre heures…
Je me suis levé neuf fois
Pour admirer la lune
Bashô
Somnolant sur mon nourriRêvasseries
La lune au loin
Fumée du thé
Bashô
Connaissez-vous la légende de la lune ?
http://www.japoninfos.com/pourquoi-y-a-t-il-un-lapin-sur-la-lune-19012014.html
Avant de me rendre sur l’île d’Oshima, j’ai voulu absolument aller au lac Mototsu d’où je pouvais admirer le mont Fuji. La météo est restée capricieuse et m’a empêché de réaliser ce dont j’ai tant rêvé, voir Fuji san. Il me restait qu’à me contenter d’admirer la reproduction de ce paysage d’exception imprimé sur le billet de 1000 yens qui manque de charme et de couleur !
Même le grand poète Bashô ne l’a pas vu lors d’un pèlerinage ! La lecture de ses deux haiku m’a consolé !
Brume et pluie.
Fuji caché. Mais maintenant je vais
Content.
Sur l’éventail
Je mets le vent venant du mont Fuji.
Voilà le souvenir d’Edo.
Connaissez-vous la légende du mont Fuji ?
C’est le lieu de résidence des dieux, en particulier de Fuji-hime, fille du dieu des montagnes. Pour les shintoïste elle est la déesse des floraisons et la protectrice du Fuji san. Des sanctuaires lui sont dédiés dont le réputé temple Sengen afin d’apaiser ce volcan qui risque de ce réveiller à tout moment. Dernière éruption date de 1707 (16 au total depuis l’année 781) mais suite au terrible séisme de mars 2011, les profondeurs du volcan auraient été abîmées.
Aux bouddhistes par contre, c’est sa forme qui rend Fuji san sacré. Elle rappelle le bouton blanc et les huit pétales de la fleur de lotus (fleur emblématique de Bouddha). Ce caractère sacré a interdit l’ascension aux femmes jusqu’en 1872.
Depuis toujours, le mont Fuji a inspiré tous les arts, et non seulement les célèbres maîtres des estampes comme Hokusai, Hiroshige et Utagawa.