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3/2021

  sons   I  odeurs

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Quand on voyage on devrait fermer les yeux

Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur

Blaise Cendrars extrait de Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

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Il est facile de reconnaître le Japon les yeux fermés grâce aux sons et aux odeurs, indicatifs qui font la singularité d’un lieu, d’un milieu, d’une culture.

Les sons

Dans les villes, on est vite étourdi par un mélange assourdissant de sons : radio, télé, musique, annonces, avertissements, rappels, sonneries, sirènes, des vendeurs qui crient à voix nue ou dans un haut-parleur,… D’après une étude OMS,  le Japon serait la nation la plus bruyante du monde, pas étonnant !

Les seuls signaux sonores que je trouve amusants sont les feux pour les piétons : kako, le chant du coucou, pour les carrefours est-ouest et pico, un chant d’un autre oiseau, pour les carrefours nord-sud. Puis, les bandes sonores aux toilettes femmes car il est impoli de se faire entendre… les décibels varient en fonction du bruit que l’on fait, Mesdames !

Autrement, je chérie les sons de la nature : le chant des oiseaux au printemps, surtout Uguisu la bouscarle chanteuse, le chant des cigales en été, les grondements d’une cascade, le rugissement d’une rivière, le bruit du vent dans les arbres….

Les Japonais ont inventé la pratique du Shinrin yoku « forêt bain », qui signifie se baigner dans la forêt ou s’imprégner de la forêt à l’aide de ses sens. Ils ont même créé des onomatopées pour traduire les sons de la nature :

shito shito : le son d’une pluie fine
zaza zaza : le son d’une pluie forte
kasa kasa : le solde léger des feuilles craquant sous les pieds
gasagasa : le bruissement prononcé des branches ployant sous l’action du vent
hyu hyu : le son du vent qui souffle
goro goro : le roulement du tonnerre
saku saku : le craquement des pas dans la neige

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First

Le son hyu hyu dans une mini leçon animée de japonais… craquante !

Les odeurs

L’odorat est lié à nos émotions et nos souvenirs, autant que le sens gustatif qui nous ramène « à la madeleine » de Proust.

Koyasan a été ma première expérience avec le Japon traditionnel. En dehors du concentré de beauté qui m’entourait et les sons de la nature, j’ai été frappée par ses odeurs. Même ma chambre dégageait un mélange de fragrances naturelles (bois, paille des tatamis, graines de riz de l’oreiller, papier des shoji, encens…).

Le village est entouré de forêts de conifères fort aromatiques : cyprès hinoki, cèdres sugi(noki) et pins koyamaki*. Comme toute forêt, leurs parfums et celui de la terre, ont un effet direct sur l’esprit et le corps, un pouvoir de guérison. Et, contrairement au goût qui disparaît rapidement, les essences des arbres génèrent un effet qui dure.

Matsu sugi o
homete ya
kaze no kaoru oto
Est-ce pour admirer pins et cyprès?
La brise parfumée
souffle bruyamment
  Matsu-kaze no
ochiba ka mizu no
oto suzushi     
  Vent dans les pins –
Des aiguilles de pin tombant sur l’eau
le son agréable
Matsuo Bashô (1644-1694)

La nuit, il avait neigé légèrement. Le lendemain, les odeurs de la terre et des pierres tombales du sanctuaire Okunoin se sont mêlées à celles des conifères. En cas de pluie ou de neige, l’eau libère les huiles stockées dans les pierres et leurs parfums emplissent l’air.

Cette odeur a elle aussi un nom. Les scientifiques parlent de « petrichor » des termes grecs petra (pierre) et ichor, qui fait référence à l’essence qui circule dans les veines des dieux en lieu et place du sang. Petrichor signifie donc littéralement « l’essence de la pierre ». L’odeur de la vie ! extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First

(*) Hinoki « cèdre blanc » et « arbre à feu », cyprès (Chamaecyparis obtusa) 30-40 m hauteur. Arôme frais, citronné et une légère note fumée. Autrefois, on produisait du feu en frottant des baguettes de son bois dans les temples shintoïstes. C’est un arbre sacré de Kiso (**) utilisé pour la construction (maisons, temples, sanctuaires dont celui d’Ise), la menuiserie (rotenburo les bains en bois) et la sculpture. Il est tendre, ne se fendille et ne se déforme pas dans les climats humides, et il est résistant aux insectes nuisible. Ses écorces étaient utilisées  pour constituer des bardeaux hiwadabuki et on extrait de ses feuilles une huile servant à faire des parfums. Il en existe de nombreuses sortes de cèdres parfois appelées hiba (Thujospsis dolabrata).
Bienfaits de l’huile essentielle : calme l’anxiété, détend, apaise les douleurs musculaires

Sugi(noki) cèdre rouge du Japon ou le pin japonais (Cryptomeria japonica). Arôme boisé et chaude de résine. Huile est extraite du bois. Les coffres à linge sont souvent en cèdre car sa haute teneur en huile du bois qui chassent les insectes. Les Égyptiens l’utilisaient pour se parfumer et pour l’embaument.
Bienfaits de l’huile essentielle : traite les problèmes respiratoires et musculaires, favorise la stabilité émotionnelle.

Koyamaki (Sciadopythis verticillata) son nom vient du lieu de présence autour du mont Koya. Ses longues aiguilles vert clair sont disposées en bouquet autour du rameau, ce qui fait son originalité. Il est utilisé dans la construction des bateaux car résistant à l’humidité.
Bienfaits de l’huile essentielle : propriétés antibactériennes et antiseptiques, stimulante et tonifiante, calme l’anxiété, calme les douleurs musculaires et articulaires…

(**) Kiso : Pendant l’époque d’Edo, les samouraïs au pouvoir protégeaient les arbres qui poussaient dans la vallée de Kiso. Ils étaient abattus que pour la construction des maison et temples des familles influentes. La règle d’une tête pour un arbre a été instituée ; cela signifiait, comme vous l’avez sans doute deviné, que si vous abattiez un arbre, on vous coupât la tête. Les cinq types d’arbres protégés ont été surnommés les Kiso Goshinboku ou cinq arbres sacrés de Kiso.

    • Cyprès hinoki (Chamaecyparis obtusa)
    • Cyprès sawara (Chamaecyparis pisifera)
    • Nezuko ou Thuya du Japon (Thuja standishii)
    • Asunaro ou Thujopsis (Thujospsis dolabrata)
    • Koyamaki ou pin parasol du Japon (Sciadopitys verticilatta)

extrait Shinrin Yoku L’art et la science du bain de forêt Dr Qing Li éditons First