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Auteur/autrice : AMCAdmin20

KURASHIKI

mardi 30 avril 2013 *** KURASHIKI

 
Pris le train direction Kurashiki, une petite ville proche d’Okayama, un ancien port actif pour le commerce du riz Ă  l’Ă©poque seigneuriale qui a Ă©tĂ© administrĂ© directement par le shogunat Tokugawa d’Edo (Tokyo). Ici a vĂ©cu le cĂ©lèbre Yasushi InouĂ© qui a Ă©crit entre autres le MaĂ®tre de thĂ©. Et actuellement vit Yoko Ogawa, une fameuse romancière contemporaine.

Pour y arriver, j’ai dĂ» changer 3 fois de train : Amanohashidate – Fukuchiyama – Shin-Osaka – Okayama- Kurashiki. NĂ©anmoins j’ai pris le shinkansen pour la 1ère fois et je me suis sentie comme un enfant Ă©bahi qui dĂ©couvre la vitesse. 

 

L’hĂ´tel oĂą j’ai sĂ©journĂ©, Dormin Inn, a Ă©tĂ© parfait de tous les points de vus, dont son magnifique onsen et sa situation – juste en face du vieux quartier Bikan.  Ce quartier est fameux pour son atmosphère des temps anciens que libèrent les vieux entrepĂ´ts Ă  riz kura.  La rivière qui la traverse, bordĂ©e de saules pleureurs, et ses petits bateaux de l’Ă©poque Edo takasebune font Ă©galement son charme.

au bord du chemin
près d’un cour d’eau limpide
Ă  l’ombre d’un saule
un long moment
je m’arrĂŞte

Basho

J’ai flânĂ© dans les rues, rentrĂ©e dans les boutiques pour admirer les produits locaux rĂ©putĂ©s. Dans l’une d’elle, j’ai Ă©tĂ© marquĂ©e par la beautĂ© et les prix des poteries (plusieurs centaines de milliers d’euros), certainement crĂ©Ă©es par des artisans Ă©levĂ©s au rang de « trĂ©sors nationaux vivants » – dĂ©signation informelle pour des artisans, des artistes et des comĂ©diens (nĹŤ, bunraku et kabuki) des mĂ©tiers que le gouvernement a choisi comme exemple de la tradition japonaise.

 

Le temps Ă©tant magnifique, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© visiter un seul musĂ©e, celui du folklore local. Fort intĂ©ressant, il y expose des cĂ©ramiques, poteries, objets en bois, en bambou, textiles, des meubles… le tout d’un raffinement inouĂŻ. Comment ne pas s’extasier devant la perfection dĂ©licate du travail, de la grâce des objets… !

 

Poterie création locale

Insolite ! Un Monsieur passait sa journĂ©e Ă  nourrir des koĂŻ (carpes symbole de virilitĂ© et d’amour dans la culture japonaise) tout en chassant de son bâton un hĂ©ron gourmand.

Ă  chaque souffle du vent
le papillon change de place
sur le saule

Basho

TAKAMATSU – ILE DE NAOSHIMA

mercredi 1er mai 2013 *** TAKAMATSU

 
Dans le train vers Takamatsu, j’ai admirĂ© tout en filmant, les petites Ă®les du Setonankai. Un « choc » visuel mĂ©morable provoquĂ© par les paysages et la lumière vaporeuse ! La mer de Seto a d’ailleurs Ă©tĂ© classĂ©e parc national naturel en 1934 avant le Mont Fuji !


Cette ville portuaire n’a rien d’attirant. Elle est connue pour son parc Ritsurin qui date de l’Ă©poque Edo, achevĂ© au bout de 100 ans, dit-on. Puis, pour Yashima, un plateau de lave qui fut le théâtre d’une bataille dĂ©cisive au 12ème siècle entre les clan des Taira et celui des Minamoto, d’oĂą on peut admirer une vue magnifique sur la mer intĂ©rieure. Par contre,  sa situation gĂ©ographique est parfaite pour visiter les trois Ă®les de l’art contemporain : Naoshima, Theshima et Inujima.

Naoshima et Inujima abritaient des usines de bronze dont la pollution Ă  l’acide sulfurique s’Ă©tendait jusqu’Ă  Teshima. Une fois leur activitĂ© stoppĂ©e, les Ă®les se sont retrouvĂ©es avec peu d’habitants, principalement des personnes âgĂ©es. C’est Tetsuhiko Fukutake, devenu riche grâce Ă  l’Ă©dition de manuels scolaires, qui a eu l’idĂ©e en 1990 de transformer ses Ă®les de son enfance en MusĂ©es Ă  ciel ouvert. Depuis sa disparition, son fils, Soichiro a pris la relève de la fondation paternelle.

J’ai visitĂ© uniquement Naoshima. Le trajet en bateau a durĂ© que 50 mn. La mer intĂ©rieure et ses milliers de petites Ă®les m’ont Ă©mue par leur magnificence.

Une fois arrivĂ©e sur l’Ă®le de Naoshima, j’ai visitĂ© le musĂ©e dĂ©diĂ© Ă  Tadao Ando puis l’extĂ©rieur des 3 musĂ©es qu’il avait construit : Benesse House, Lee Ufan et Chichu Art. Le temps et les paysages m’ont empĂŞchĂ©e de m’enfermer dans les musĂ©es. A mon grand regret, impossible de tout faire. Par contre, contente d’avoir enfin vu les fameuses Pumkins de Yayoi Kusama. 
 

Le soir, de retour extĂ©nuĂ©e Ă  Takamatsu, je me suis prĂ©cipitĂ©e dans une Isakaya situĂ©e en face de mon Terminal Hotel, Ă  5 mn de la gare. Partie sans mon dictionnaire, il m’a Ă©tĂ© impossible de bien communiquer. Personne ne parlait anglais et les menus Ă©taient uniquement en kanji et hiragana, pas un mot en romaji. Fort déçue de ne pas pouvoir dĂ©couvrir des nouveaux plats, je me suis contentĂ©e d’une assiette d’udon… exquise !

 

KOTOHIRA – KONPIRA

vendredi 3 mai 2013 *** KOTOHIRA/KONPIRA

 
Le nom de cette petite ville, Konpira, viendrait viendrait du sanskrit « Khumbira » (un crocodile qui fut transformĂ© en une divinitĂ© gardienne bouddhiste). J’ai logĂ© dans le ryokan Daokokuia tenu par un couple adorable et gĂ©nĂ©reux qui parle uniquement japonais. Dans la cour, un minuscule jardin sauvage.
 
La ville s’est agrandie autour du sanctuaire shintĂ´, un des plus importants du Japon nommĂ© Kotohiragu, situĂ© sur le flanc du Mont Zozu (altitude 521m). Pour s’y rendre il faut monter 785 marches, soit un total de 1368 pour arriver au sanctuaire Izutama qui se trouve près du sommet de la montagne. J’ai commencĂ© Ă  monter mais j’ai vite Ă©tĂ© dĂ©couragĂ©e tellement elles Ă©taient hautes et Ă©puisantes. Puis Ă  la vue des adolescents descendre en boitant avec des cannes,  j’ai aussitĂ´t changĂ© de programme vu qu’il me restait 5 jours de marche…
 
Du coup, j’ai visitĂ© le musĂ©e du sakĂ© et je me suis laissĂ©e emportĂ©e par le tourbillon d’activitĂ©s qui entoure les boutiques longeant la route qui mène au temple.

J’aurais tant aimer visiter le théâtre kabuki Kanamaru-za le plus ancien du Japon construit en 1835 mais plus aucune reprĂ©sentation lors de mon sĂ©jour.
 

Konpira est célèbre aussi pour ses sources thermales naturelles qui traitent efficacement les douleurs nerveuses, musculaires et articulaires. Le souvenir le plus agréable de mon séjour a été le copieux et divin shabushabu, la fondue japonaise (onomatopée correspondant au bruit de la viande plongée dans le bouillon chaud) et le bain onsen au Kotohiraspa Kotosankaku. 

MATSUYAMA – UCHIKO

samedi 4 mai 2013 *** MATSUYAMA et UCHIKO

C’est la deuxième fois que j’ai ressenti un coup de foudre pour une ville, après Kyoto. En gĂ©nĂ©ral, je fuis les grandes agglomĂ©rations pour la tranquillitĂ© de la campagne avec sa faune et flore, qui seule m’offre la possibilitĂ© de vivre au plus près du Japon traditionnel que j’affectionne particulièrement.

Matsuyama (« la montagne aux pins ») est la plus grande ville de l’Ă®le de Shikoku. Masaoka Shiki, le père du haiku moderne, et le cĂ©lèbre romancier Natsume SĂ´seki y ont rĂ©sidĂ©. Ce dernier y a d’ailleurs placĂ© l’histoire de l’un de ses romans les plus cĂ©lèbres, Botchan. En son hommage, Matsuyama a mis en place un tramway Ă  l’ancienne, appelĂ© le train de Botchan et ouvert une chambre souvenir et lieu de recueillement dans le Dogo Onsen.

 
Cette source thermale, Dogo Onsen, existant depuis 3000 ans est l’une des plus anciennes du Japon. Le bâtiment actuel du bain public, classĂ© comme Bien culturel important, est un bâtiment en bois sur trois niveaux construit en 1894. J’ai visitĂ© d’ailleurs, le bain spĂ©cialement rĂ©servĂ© Ă  la famille impĂ©riale, appelĂ© Yushinden, qui de nos jours n’est plus utilisĂ©. Mon hĂ´tel Dogo Patio Ă©tait situĂ© juste en face.
 
Un autre monument qui attire la foule est le château de Matsuyama, achevĂ© en 1627 sur une colline de 132 mètres de haut. C’est l’un des rares château au Japon a avoir Ă©tĂ© prĂ©servĂ© dans son Ă©tat d’origine bien que certaines parties aient Ă©tĂ© reconstruites au milieu du 19e siècle. Du donjon, on jouit d’une vue panoramique mĂ©morable sur la ville entourĂ©e des montagnes et les Ă®les de la mer IntĂ©rieure Seto.
 
 
Abris de glycines
la fête des garçons : Kodomo no hi
La fĂŞte du 5 mai, Kodomo no hi (la fĂŞte des garçons), cĂ©lèbre la croissance des enfants et leur bonne santĂ©. « Dans les familles oĂą il y a des garçons, on dispose une rĂ©plique d’un casque ou une poupĂ©e de samouraĂŻ dans la maison et on accroche Ă  l’extĂ©rieur des koinobori (carpes en tissu, flottant au vent). La carpe est un poisson porte-bonheur, symbole du succès dans la vie. »
le moine boit son thé du matin
dans la quiétude
des chrysanthèmes en fleurs
Basho
deviser auprès des iris
du voyage
l’un des plaisirs

Basho
Dans le temps, il y a eu comme coutume le 5 mai de mettre sur les toits des iris fleuris en vue de chasser les mauvais esprits.
 J’ai visitĂ© Ă©galement le temple Ishite que j’ai surnommĂ©, le temple des chats car des dizaines y ont Ă©lu domicile. Ishite est le temple n°51 dans le pèlerinage des 88 temples de l’Ă©cole Shingon du Shikoku fondĂ©e par Kukai, pratiquĂ© par des fidèles reconnaissables Ă  leur tenue blanche, chapeau de paille et un long bâton de marche. Certains bâtiments sont classĂ©s TrĂ©sors nationaux et Biens culturels importants. 
 
dans la brume de l’aube
tournoie
le son de la cloche
Basho
Promenade dans le grand parc de la ville :
Lors de mon sĂ©jour j’ai profitĂ© de visiter UCHIKO « la petite Kyoto d’Ehime » Ă  seulement 25 mn en train.
 
Dans le passé, les rues d’Uchiko étaient bordées de boutiques qui prospéraient grâce au commerce du haze (ingrédient de base de la cire de sumac, également appelée cire du Japon). On peut encore voir le paysage urbain de l’époque Edo en arpentant la rue Yokaichi où 90 bâtiments y ont survécu. On y trouve aussi l’Uchizoka, le théâtre de kabuki actuellement utilisé pour des représentations de marionnettes traditionnelles japonaises, appelées ningyo joruri.
La maison de l’influente et riche famille Kamihaga a Ă©tĂ© transformĂ©e en musĂ©e. J’ai Ă©tĂ© subjuguĂ©e et profondĂ©ment Ă©mue par la beautĂ© architecturale, les matĂ©riaux, le jardin intĂ©rieur, la cuisine avec ses ustensiles et sa vaisselle spĂ©cifique Ă  chaque saison… tout ce que pour moi reprĂ©sente la maison typique japonaise : sublime et fonctionnelle, qui vit avec la nature.
 
toilettes conçues avec support pour les kimonos !
assiettes et bols 
indistincts dans l’obscuritĂ©
soirée fraîche
Basho  
les montagnes et le jardin
aussi s’invitent
dans le salon d’Ă©tĂ©
Basho
Parlant d’architecture, comme nous l’explique Junichiro Tanizaki dans son livre « Eloge de l’ombre », c’est l’obscuritĂ© qui crĂ©e l’espace au Japon, pays dont le nom en kanji signifie « l’origine du jour », l’opposĂ© donc.

Dans la revue Architecture Ă  vivre j’ai trouvĂ© ce paragraphe qui explique parfaitement  ce qui nous sĂ©pare. LĂ  oĂą « nous voyons un vide, les Japonais voient un plein de rien qui relie les Ă©lĂ©ments entre eux ; nous recherchons une harmonisation des matières, ils juxtaposent les matĂ©riaux et les objets de qualitĂ©s contraires pour les mettre en valeur ; nous isolons nos habitats du froid, ils prĂ©fèrent des maisons permĂ©ables pour ressentir les saisons. »  

Ă€ proximitĂ© d’Uchiko il y a des fermes touristiques pour la cueillette des fruits selon la saison et le marchĂ© « Fresh Park KaRaRi » oĂą les producteurs vendent directement les fruits et lĂ©gumes qu’ils ont cultivĂ©s aux restaurants. On peut y faire l’expĂ©rience de l’agriculture locale grâce au dĂ©veloppement du tourisme vert.

HIROSHIMA

mardi 7 mai 2013 *** HIROSHIMA
 

Pour aller à Hiroshima, une traversée en bateau de 2h à travers un « décor » de rêve : des milliers de petites îles, certaines perdues au loin dans la brume. Je me suis laissée bercée par les vagues et la quiétude profonde dégagée par les montagnes. 

la saveur solitaire
de la rosée blanche
comment l’oublier ?

Basho

Je suis arrivĂ©e Ă  Hiroshima avec l’idĂ©e d’y rester le moins possible car j’Ă©tais très embarrassĂ©e par le passĂ© historique tragique.

A peine arrivĂ©e Ă  mon hĂ´tel Grand Inteligent Hotel, je me suis empressĂ©e de sortir pour goĂ»ter la spĂ©cialitĂ© rĂ©gionale : okonomiyaki (okonomi « ce que vous aimez/voulez » et yaki  « grillé »). TestĂ© le spĂ©cial : un mĂ©lange de chou, pouces de soja, calamars, scampis, lard, oeufs, le tout couvert d’une sauce soja sucrĂ©e et des graines de sĂ©same. On m’a conseillĂ© de monter au 6ème Ă©tage d’un building remplis de boutiques de luxe. Je me suis trouvĂ©e avec l’embarras du choix car tous les restaurants proposaient cette spĂ©cialitĂ©. J’ai repĂ©rĂ©e un dont la clientèle Ă©tait principalement jeune et fĂ©minine.

J’ai juste visitĂ© le DĂ´me de la bombe atomique (6 aoĂ»t 1945) classĂ© au patrimoine mondial de l’Unesco comme tĂ©moignage des ravages de l’arme nuclĂ©aire. La bombe est tombĂ©e Ă  600 m au dessus et Ă  160 m distance de ce bâtiment qui a Ă©tĂ© Ă  l’Ă©poque un hall d’exposition et de promotion industrielle pour les produits de la prĂ©fecture d’Hiroshima, achevĂ©e en 1915 d’après les plans de Jean Letzel, un architecte tchèque.

Vue de mon hĂ´tel

MIYAJIMA

mercredi 8 mai 2013 ***MIYAJIMA
J’ai tant rĂŞvĂ© de cette Ă®le « oĂą cohabitent les hommes et les dieux « , rien que pour pouvoir caresser des biches tout au long de la journĂ©e !

Le sanctuaire d’Itsukushima a Ă©tĂ© dĂ©diĂ© dès 593 Ă  la dĂ©esse gardienne des mers. Sa particularitĂ© est due en partie Ă  sa construction dans la mer, avec des bâtiments sur pilotis et son torii Ă  quelques dizaines de mètres au large. Les paysages magnifiques de l’Ă®le, ses belles plages ou ses sentiers de randonnĂ©e en font une destination incontournable. Tout Japonais est censĂ© visiter cette Ă®le sacrĂ©e au moins une fois dans sa vie ! Dormi dans le ryokan Kigugawa. 

 
Musiciens de gagaku
Danseur de bugaku sur la musique de la cour impériale gagaku

« Le fond de la vallée, très tôt ensevelie dans les ombres, avait déjà revêtu les tons du soir. Dressées hors de la zone enténébrée, les montagnes, là-bas, tout éclatantes des lumières du couchant, semblaient beaucoup plus proches avec leur relief accentué par les ombres plus creuses, plus obscures, et leur blancheur un peu phosphorescente sous le ciel rougeoyant. » Yasunari Kawabata, extrait de Pays de neige

Bébé pleurait après sa maman !
Les spécialités culinaires de Miyajima sont les grandes huîtres bien charnues au barbecue.


Puis,  les gâteaux momiji manjû qui prennent la forme et le goût des feuilles d’érable momiji. Ils sont fourrés avec une pâte de haricots rouges azuki.

Dernier soir Ă  Miyajima, restĂ©e jusqu’Ă  la tombĂ©e de la nuit pour admirer une dernière fois Itsukushima envahi par la marĂ©e haute…
 
« La nuit se tenait immobile, figĂ©e, sans le moindre soupçon de brise, et le paysage se revĂŞtait d’une austère sĂ©vĂ©ritĂ©. » 
Yasunari Kawabata, Pays de neige

ONOMICHI_ILE DE MUKAISHIMA

vendredi 10 mai 2013 *** ONOMICHI/ILE DE MUKAISHIMA
Je suis arrivĂ©e Ă  Onomichi avec la pluie et un Ă©pais brouillard. J’ai pris le bateau pour atteindre l’Ă®le en face, Mukaishima, oĂą se trouvait mon ryokan Kono. Au temps gris s’est rajoutĂ© ma tristesse de devoir quitter le Japon le surlendemain. La pluie et la fatigue accumulĂ©e m’ont empĂŞchĂ© de l’explorer. Je comptais visiter les lieux oĂą Ozu a filmĂ© un de ses cĂ©lèbres films « Voyage Ă  Tokyo« .

 

Madame Kono, la propriĂ©taire du ryokan, a Ă©tĂ© d’une gentillesse absolue. Très serviable, elle m’a emmenĂ©e faire mes dernières courses puis le soir m’a dĂ©posĂ©e diner chez ses amis qui tenaient une Izakaya spĂ©cialisĂ©e en sashimi.
Très curieuse de  nature, je me suis assise au  comptoir pour observer le chef. Tout s’est dĂ©roulĂ© parfaitement quand tout Ă  coup il a sorti du frigo un Ă©norme poulpe vivant qu’il s’apprĂŞtait Ă  assassiner devant mes yeux avec un gigantesque couteau. Il a suffit que je pousse en petit cri de dĂ©sespoir pour qu’il ferme aussitĂ´t la vitre coulissante et occulter la vue du carnage.
Mon dernier diner a consistĂ© en tempura de scampis et un poisson qui m’Ă©tait inconnu, nommĂ© kawahagi. PrĂ©parĂ© dans une sauce soja au miel, il fondait dans la bouche. Saveurs uniques et inoubliables !
Une tentacule de poulpe
kawahagi
kawahagi au soja et miel

KANSAI

samedi 12 mai 2013 *** KANSAI

Je me suis envolĂ©e de l’aĂ©roport de Kansai (bâti par Renzo Piano) avec le dĂ©sir de revenir au plus vite, dès mi-dĂ©cembre pour mon 3ème voyage.
 
Mon histoire d’amour avec le Japon risque de durer pour la vie car, pour citer Lafcadio Hearn :
 
« Comment ne pas ĂŞtre charmĂ© par une civilisation oĂą toutes les relations semblent gouvernĂ©es par l’altruisme, toutes les actions inspirĂ©es par le devoir et tous les objets modelĂ©s par l’Art ? »








Avant le dĂ©part…

 
Je ne compte plus depuis combien d’annĂ©es je m’entends dire : « mon rĂŞve, c’est d’aller au Japon ».
 
Le dĂ©clic a Ă©tĂ© la littĂ©rature japonaise. Des livres achevĂ©s la faim au ventre car souvent une part d’incomprĂ©hension subsistait après leur lecture au point de rester frustrĂ©e.
Puis, le cinéma, les films qui abordent le couple, en général présenté comme froid et dépourvu de tendresse (Ozu, Kurosawa Kyoshi, Suwa Nabuhiro…).
 
Sans oublier sa mythologie car le Japon n’a pas Ă©tĂ© « créé » mais « procréé » ! Il est nĂ© de l’amour charnel entre frère et sĹ“ur : Izanagi (celui qui invite) et Izanami (celle qui invite). « La mer barattĂ©e s’Ă©paissit et un grumeau tombĂ© de leur lance forme le premier Ă®lot de la mer IntĂ©rieure. Le frère et la sĹ“ur s’y posent, ils examinent, elle se fait provocante, et ma foi… ils s’invitent. Dans une auguste union, ils joignent leurs augustes parties et engendrent 3 avortons, car il n’Ă©tait pas sĂ©ant que la femme fĂ®t ainsi les avances. » extrait Japon de Nicolas Bouvier.
 
Par conséquent, les Japonais ne connaitraient ni pêché, ni châtiment, ni enfer ! 
Les plaisirs physiques, dont l’adultère, seraient bons et dignes d’ĂŞtre cultivĂ©s ainsi que les autres « émotions humaines » fondamentales dans leur culture et qui ont un sens très diffĂ©rent voir opposĂ© au nĂ´tre : le bain, le sommeil, la nourriture, l’ivresse.
 
Mais malgrĂ© cela, le bonheur est une dĂ©tente Ă  laquelle ils s’adonnent quand ils ont le temps. Les plaisirs ne doivent pas interfĂ©rer avec les choses sĂ©rieuses de la vie : travail, famille,… Tout Japonais nĂ© avec des obligations qui exigent d’Ă©normes sacrifices (on, gimu, giri…). C’est pourquoi on dit qu’ils ont une grande force d’âme, la vertu la plus admirĂ©e au Japon. L’autodiscipline, la raideur, la politesse et la rĂ©serve extrĂŞmes dans le monde de l’Ă©tiquette japonais sont remarquables.
 
Je suis fortement attirĂ©e par cette culture Ă©trangère Ă  la nĂ´tre, leurs comportements et pensĂ©es, traditions et rituels qui ordonnent la rĂ©alitĂ© avec cĂ©rĂ©monie « pour tenir sĂ»rement le chaos Ă  l’Ă©cart » N.B. Et encore plus par le raffinement austère. 
 
Chez les Japonais, le sens de la beauté est partout, on le retrouve dans les idées de Miyabi (élégance raffinée), du Mono no Aware (sensibilité esthétique), du Wabi (calme apaisant) et du Sabi (élégante simplicité). Trois mots expriment le sentiment de la beauté depuis la nuit des temps : utsukushûte (petit, joli et fragile), kuwashi (fin, raffiné et détaillé), kiyoshi (beau à travers la pureté).
 
La liste de ce qui m’intrigue est longue, preuve que tant de choses nous sĂ©parent gĂ©ographiquement, historiquement et philosophiquement. Certains points m’ont Ă©tĂ© Ă©clairĂ©s par le livre culte de Benedict Ruth « Le Chrysanthème et le Sabre », par les journaux de Nicolas Bouvier dont j’ai extrait quelques paragraphes et bien Ă©videmment par tant d’autres Ă©crivains.
 
J’ai achetĂ© mes billets longtemps Ă  l’avance. Depuis, je dĂ©couvre que lorsqu’on a vraiment un but, les jours ne se ressemblent pas. Il n’y a plus de quotidien, plus rien qu’une immense trajectoire tendue et la crainte qu’Ă  tout moment un Ă©vĂ©nement pourrait s’interposer pour vous  empĂŞcher d’atteindre ce but.
 
Vais-je retrouver le Japon que je me suis « créé » Ă  l’aide de mes lectures ? Pour m’Ă©viter quelconque dĂ©ception, je ferais mieux de tout oublier et rĂ©apprendre Ă  sentir par moi-mĂŞme. Nicolas Bouvier Ă©crivait avec ironie :« On s’emballe, on mythifie le Japon, puis, la dĂ©ception venue, on « dĂ©mystifie » avec autant d’aigreur qu’on croit avoir Ă©tĂ© trompĂ©, avec l’amertume de la vacherie d’une femme insatisfaite par un amant compromettant. « MalgrĂ© ses deux grands sabres, il ne vaut pas cher au lit ».
 
J’ai choisi d’arriver au Japon avec le printemps pour pouvoir admirer les cerisiers en fleurs sakura et voir les geishas danser Haru no Odori. Une fois sur place, je vivrai dans l’instant. Je passerai le temps Ă  observer, Ă  contempler le moindre dĂ©tail en profondeur, remplir mon journal avec mes cinq sens. Le temps Ă©tant comptĂ©, je dois organiser ce voyage avec minutie, alors que j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© me laisser portĂ©e au grĂ© du vent… printanier.

 

KOYASAN

Du vendredi 30 mars au dimanche 1er avril 2012
J’ai dĂ©collĂ© au matin du 29 mars 2012 ivre d’enthousiasme pour revenir le 9 avril enivrĂ©e avec des amples provisions de sensations, d’images, d’anecdotes que je m’empresse Ă  mettre par Ă©crit avant que le temps dĂ©tĂ©riore ma mĂ©moire.
 

J’ai atterri Ă  KansaĂŻ Ă  9h du matin, un aĂ©roport d’exception vu du ciel, bâti sur la mer par l’audacieux Renzo Piano. Ma valise a subi une fouille complète et minutieuse. Je reprĂ©sentais un cas complexe pour des insulaires : origine Roumaine, nationalitĂ© Française, rĂ©sidente Belge.

 

Après avoir changĂ© trois fois de train, je suis arrivĂ©e Ă  la gare de Koyasan vers 14h. De lĂ , j’ai pris le tĂ©lĂ©phĂ©rique pour me rendre dans le village qui se situe Ă  plus de 1000 m altitude. La beautĂ© du site sous le soleil a soudain dissipĂ© ma fatigue !
 
Vers Koyasan, vue du train
Téléphérique

 

Le mont Koya est la deuxième montagne sacrée après le mont Fuji. Ici, des moines de la secte bouddhiste Shingon (« Vraie Parole »), fondée par KÛKAI (Kôbo Daishi), vivent dans des temples entourés de forêts de cèdres, de cyprès et de pins. Cette forme de bouddhisme japonais est la plus proche du lamaïsme tibétain. La campagne est belle, soignée, empreinte de noblesse et de poésie.
 

 

 

J’ai choisi ce lieu car KĂ›KAI (774-835) est le père de la culture classique japonaise. Il a Ă©tĂ© architecte, peintre, sculpteur et calligraphie Ă©minent. Il a inventĂ© le système syllabaire des Kanas, et a compilĂ© le plus ancien dictionnaire du Japon Tenrai BanshĂ´ MyĂ´gi. 
 
Il a Ă©tĂ© adoptĂ© comme le « maĂ®tre Ă  penser » de toute l’aristocratie de Kyoto dès son retour au Japon après plusieurs annĂ©es passĂ©es auprès du maĂ®tre Hui Guo en Chine. C’est en 819, qu’il a construit son plus grand temple sur le mont KĂ´ya (Ă  90 km de KyĂ´to), Ă  l’abri des fastes de la cour. Et c’est ici qu’il a composĂ© une cinquantaine d’ouvrages religieux sur les dogmes de sa secte Shingon. Il a crĂ©Ă© Ă©galement un pèlerinage de 88 temples dans l’Ă®le de Shikoku que ses disciples accomplissent encore aujourd’hui.
 
Pour mon sĂ©jour de 2 jours, j’ai choisi le temple Ekoin. L’atmosphère est intime, recueillie, d’un raffinement exquis.

 

 

 

 

Avant de rentrer dans ce shukubo, j’ai dĂ» enlever mes chaussures et enfiler une paire de babouches. Le monde de l’extĂ©rieur et celui de l’intĂ©rieur sont rigoureusement sĂ©parĂ©s, et porter ses chaussures d’extĂ©rieur dans la maison est un manquement grave Ă  l’Ă©tiquette. La maison est la frontière entre le pur et l’impure. Aussi, pour aller aux toilettes, une autre paire de babouches vous attend pour y rentrer ! L’intĂ©rieur est tenu avec un ordre et une propretĂ© intransigeante.

Tout en traversant les couloirs du temple devancĂ©e par un moine, j’ai Ă©tĂ© conquise par l’architecture, le dĂ©cor traditionnel (tatamis, paravents, portes coulissantes peintes, fenĂŞtres en papier de riz), les jardins… Ce que j’ai toujours rĂŞvé de voir !

 

 

 

 

 

 

Je suis arrivĂ©e Ă  ma chambre Ă©merveillĂ©e et abasourdie par tant de beautĂ©. Une 1ère porte coulissante donnait sur une mini-entrĂ©e oĂą je me devais de contempler la peinture et une statuette (okimono) qui se trouvaient sur la gauche. Ici, on abandonne ses babouches tout en plaçant leurs bouts dirigĂ©s vers la sortie et ce avant d’ouvrir la 2ème porte coulissante. Cette dernière Ă©tait peinte en or et reprĂ©sentait des KoĂŻ (carpes sacrĂ©es, symboles d’amour et de virilitĂ©). 

La chambre aux tatamis (1 natte = 1,86 m/0,93 m) comportait juste une table centrale entourĂ©e de quatre coussins zabuton et couverte d’une sorte de couette sous laquelle on glisse ses jambes pour les rĂ©chauffer. Puis, d’une petite alcĂ´ve tokonoma au plancher surĂ©levĂ© en tatami oĂą Ă©taient exposĂ©s une calligraphie et un vase Ă  ikebana. Bien Ă©videmment, la chambre s’ouvrait sur une petite terrasse qui donnait sur un jardin oĂą une autre paire de chaussures en bois geta m’attentait pour les promenades. En ouvrant les cloisons de papier et les portes coulissantes, l’intĂ©rieur et le jardin deviennent un seul espace continu. Le jardin est le prolongement de l’intĂ©rieur de la maison.

« Toute la maison, est fondĂ©e sur des multiples ou sous-multiples de l’unitĂ© fondamentale (le tatami) ; c’est sur elle que sont calculĂ©es la hauteur et la largeur des fusama (portes Ă  glissière), la hauteur du plafond, le diamètre des colonnes, la largeur des vĂ©randas, etc. Quatre siècles au moins avant que le Corbusier inventât son modulor, l’espace vital minimum, ces poètes des choses simples Ă©taient, Ă  l’autre extrĂ©mitĂ© du monde, parvenus aux mĂŞmes conclusions… » F.M.

 

A peine installĂ©e, on m’a servi un dĂ©licieux thĂ© vert accompagnĂ© d’une mini friandise Ă  la pâte de haricots rouges azuki. Puis, on m’a apportĂ© un pinceau Ă  calligraphie pour recopier la portrait de Bouddha, discipline que l’on appelle shabutsu. Elle exige de la concentration et un travail sur la respiration pour y aboutir de la manière la plus parfaite possible. Faute d’ĂŞtre capable de recopier des sutras, ce vĂ©ritable art Ă©tant rĂ©servĂ© Ă  ceux qui maĂ®trisent la calligraphie japonaise ou chinoise !

MalgrĂ© que mes journĂ©es aient Ă©tĂ© rythmĂ©es par la vie du temple, j’ai eule temps d’admirer, de m’Ă©tonner, de respirer un air chargĂ© de parfums inconnus, de mĂ©diter…

                                                     
6h30 – 7h30 – cĂ©rĂ©monies durant 1h, dont celle du feu

Les moines lisaient en chĹ“ur les Ă©critures sacrĂ©es en une envoutante mĂ©lopĂ©e de baryton rehaussĂ©e par le battement sourd et saccadĂ© du tambour et du timbre clair d’une cloche, tous enveloppĂ©s par le parfum de l’encens qui brĂ»le en continu.

 

7h30 petit déjeuner végétarien shôjin-ryôri composé de multiples petits plat : riz, nouilles au sarrasins (ou au thé vert) aux champignons, légumes, tofu, légumes de saison (haricots, aubergines, carottes), pickles (radis blanc,…), un fruit (orange, fraises). Tout un art, à contempler avant de savourer !

 

 

 16h30 initiation à la méditation ajikan


17h30 dîner (plus copieux que le petit-déjeuner)

 

 

18h30 on vous apporte le futon et le nĂ©cessaire : un oreiller remplit de haricots, 2 kimonos (1 d’hiver et 1 en coton lĂ©ger yukata), serviettes et brosse Ă  dent

Le bain Ă  la japonaise se prenait entre 16h-22h. Au Japon, l’impuretĂ© physique est tenue pour Ă©gale Ă  l’impuretĂ© morale. La puretĂ© possède une dimension Ă  la fois physique et Ă©thique, il existe un lien indirect entre environnement propre et pensĂ©es et Ă©motions propres. Ce sont non seulement les vĂŞtements qui sont laissĂ©s au vestiaire, mais Ă©galement les soucis du quotidien. Seulement une fois lavĂ© et rincĂ© que l’on se plonge jusqu’au cou dans un bain brulant 42°C.  On sort du bain rafraĂ®chi, dĂ©tendu, rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, en paix avec soi et avec le monde. Un soir j’ai pris mon bain en compagnie d’une chinoise et une japonaise. NuditĂ© oblige, j’ai dĂ» me dĂ©barrasser de la pudibonderie occidentale !
 
Pour me chauffer, je ne disposais pas de 12 kimonos Ă  superposer comme Ă  l’Ă©poque Heian (794-1185), mais d’un chauffage au gaz Ă  commande Ă©lectrique. Je ne l’allumais jamais la nuit car l’odeur m’indisposait, par consĂ©quent le froid me rĂ©veillait rĂ©gulièrement. Le 1er matin, je me suis rendormie après le glas du rĂ©veil. Mais fort heureusement, Ă  6h25 prĂ©cises, un moine est venu me rĂ©veiller d’une voix forte et torrentielle ! La 2ème nuit il a fait 4 °C. Le matin, en allant vers le temple pour la cĂ©rĂ©monie et bien en avance…, quelques minuscules flocons de neige m’ont vite « éveillĂ©e ». 
 
C’est en logeant dans une maison traditionnelle que j’ai enfin compris pourquoi on affirme que  dans le temps les Japonais vivaient avec la nature : peu de chauffage et aucune isolation, tout est en bois, paille et en papier de riz.  La nature et l’homme font partie d’un tout ! La nature stimule tous les sens : olfactifs (odeurs de la terre, de la vĂ©gĂ©tation), visuels (jardins et paysages environnants), l’ouĂŻe (oiseaux, la pluie, bruit du vent dans les arbres)… J’ai Ă©tĂ© totalement immergĂ©e dans les Ă©motions suscitĂ©e par la simplicitĂ©, la puretĂ©, l’Ă©lĂ©gance et l’ascĂ©tisme de la maison japonaise. 
 Durant mon « temps libre », j’ai visitĂ© plusieurs temples dont le MausolĂ©e de KĂ»kai et son cimetière Okunoin. Une immense nĂ©cropole Ă©tendue sur la montagne oĂą près de 200 000 pierres tombales de samouraĂŻs, de nobles et de gens simples sont protĂ©gĂ©es par une haute et majestueuse forĂŞt de pins et cèdres centenaires. Sur le chemin qui mène au MausolĂ©e, on est charmĂ© par les plantes grimpantes, les buissons, les fleurs et les mousses vĂ©gĂ©tales qui envahissent les tombes. Jizo, la divinitĂ© qui protège les voyageurs et les enfants, tant vĂ©nĂ©rĂ©e par les shintoĂŻstes et les bouddhistes, est omniprĂ©sente (vĂŞtue en gĂ©nĂ©ral de bonnets et de bavettes pour bĂ©bĂ©).

Des nuĂ©es d’encens constants enveloppent ces lieux et leur parfum pĂ©nètre tous les sens. Dans la culture bouddhiste, elles traduisent l’Ă©phĂ©mère et la fragilitĂ© de l’existence humaine tout comme les fleurs de cerisiers. A la fois, elles reprĂ©sentent les voies Ă©vanescentes qui Ă©lèvent l’homme vers la divinitĂ©. C’est pourquoi, l’encens est indissociable des rites funĂ©raires. D’autre part, les bonzes Shingon enduisent leur bras et mains d’encens en poudre en signe de purification. 

Tout comme la cĂ©rĂ©monie du thĂ©, il existe celle de l’encens, le kĂ´do – un art qui consiste Ă  apprĂ©cier les parfums d’encens fabriquĂ©s et brĂ»lĂ©s selon des règles ancestrales. Aux Ă©poques Heian et Edo, l’encens Ă©tait un passe-temps d’Ă©lĂ©gants dont le parfum devait s’harmoniser aux saisons. Il parfumait les soieries et les pavillons. Dans le prestigieux roman « Le Dit de Genji » de Murasaki Shikibu, on parle du Prince ParfumĂ© dont la brise qui le portait au loin Ă©tait perceptible au-delĂ  de 100 pas… 
MĂŞme le papier Ă  lettres et leur couleur, l’art extrĂŞme de la sĂ©duction en ces temps-lĂ , Ă©taient Ă©lĂ©gamment parfumĂ© et mĂ©ticuleusement choisis : papier parme pour le temps des glycine, rose perlĂ© Ă  la floraison des pruniers (en outre, l’Ă©pistolier nouait Ă  sa lettre une branche ou une fleur de saison). L’Ă©tiquette amoureuse voulait que l’amant, peu après son dĂ©part matinal envoie Ă  la dame de ses pensĂ©es une lettre et un poème pour confirmer ses sentiments et sa culture littĂ©raire. Le code exigeait que la dame fasse Ă©cho avec un poème waka. 
La taille des bâtons d’encens diffĂ©rent suivant leur utilisation : 15 cm pour l’autel domestique, 30 cm pour les temples, 70 cm pour ceux vouĂ©s exclusivement au zazen.
Aussi, dans le temps, un bâton d’encens piquĂ© dans un vase rempli de cendres servait Ă  mesurer le temps, une sorte d’horloge (1 bâton = entre 30mn-40mn). Pour anecdote, les courtisanes comptabilisaient le temps passĂ© en compagnie et fixaient leur tarif au nombre d’encens brĂ»lĂ©s !