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Avant le départ…

 
Je ne compte plus depuis combien d’années je m’entends dire : « mon rêve, c’est d’aller au Japon ».
 
Le déclic a été la littérature japonaise. Des livres achevés la faim au ventre car souvent une part d’incompréhension subsistait après leur lecture au point de rester frustrée.
Puis, le cinéma, les films qui abordent le couple, en général présenté comme froid et dépourvu de tendresse (Ozu, Kurosawa Kyoshi, Suwa Nabuhiro…).
 
Sans oublier sa mythologie car le Japon n’a pas été « créé » mais « procréé » ! Il est né de l’amour charnel entre frère et sœur : Izanagi (celui qui invite) et Izanami (celle qui invite). « La mer barattée s’épaissit et un grumeau tombé de leur lance forme le premier îlot de la mer Intérieure. Le frère et la sœur s’y posent, ils examinent, elle se fait provocante, et ma foi… ils s’invitent. Dans une auguste union, ils joignent leurs augustes parties et engendrent 3 avortons, car il n’était pas séant que la femme fît ainsi les avances. » extrait Japon de Nicolas Bouvier.
 
Par conséquent, les Japonais ne connaitraient ni pêché, ni châtiment, ni enfer ! 
Les plaisirs physiques, dont l’adultère, seraient bons et dignes d’être cultivés ainsi que les autres « émotions humaines » fondamentales dans leur culture et qui ont un sens très différent voir opposé au nôtre : le bain, le sommeil, la nourriture, l’ivresse.
 
Mais malgré cela, le bonheur est une détente à laquelle ils s’adonnent quand ils ont le temps. Les plaisirs ne doivent pas interférer avec les choses sérieuses de la vie : travail, famille,… Tout Japonais né avec des obligations qui exigent d’énormes sacrifices (on, gimu, giri…). C’est pourquoi on dit qu’ils ont une grande force d’âme, la vertu la plus admirée au Japon. L’autodiscipline, la raideur, la politesse et la réserve extrêmes dans le monde de l’étiquette japonais sont remarquables.
 
Je suis fortement attirée par cette culture étrangère à la nôtre, leurs comportements et pensées, traditions et rituels qui ordonnent la réalité avec cérémonie « pour tenir sûrement le chaos à l’écart » N.B. Et encore plus par le raffinement austère. 
 
Chez les Japonais, le sens de la beauté est partout, on le retrouve dans les idées de Miyabi (élégance raffinée), du Mono no Aware (sensibilité esthétique), du Wabi (calme apaisant) et du Sabi (élégante simplicité). Trois mots expriment le sentiment de la beauté depuis la nuit des temps : utsukushûte (petit, joli et fragile), kuwashi (fin, raffiné et détaillé), kiyoshi (beau à travers la pureté).
 
La liste de ce qui m’intrigue est longue, preuve que tant de choses nous séparent géographiquement, historiquement et philosophiquement. Certains points m’ont été éclairés par le livre culte de Benedict Ruth « Le Chrysanthème et le Sabre », par les journaux de Nicolas Bouvier dont j’ai extrait quelques paragraphes et bien évidemment par tant d’autres écrivains.
 
J’ai acheté mes billets longtemps à l’avance. Depuis, je découvre que lorsqu’on a vraiment un but, les jours ne se ressemblent pas. Il n’y a plus de quotidien, plus rien qu’une immense trajectoire tendue et la crainte qu’à tout moment un événement pourrait s’interposer pour vous  empêcher d’atteindre ce but.
 
Vais-je retrouver le Japon que je me suis « créé » à l’aide de mes lectures ? Pour m’éviter quelconque déception, je ferais mieux de tout oublier et réapprendre à sentir par moi-même. Nicolas Bouvier écrivait avec ironie :« On s’emballe, on mythifie le Japon, puis, la déception venue, on « démystifie » avec autant d’aigreur qu’on croit avoir été trompé, avec l’amertume de la vacherie d’une femme insatisfaite par un amant compromettant. « Malgré ses deux grands sabres, il ne vaut pas cher au lit ».
 
J’ai choisi d’arriver au Japon avec le printemps pour pouvoir admirer les cerisiers en fleurs sakura et voir les geishas danser Haru no Odori. Une fois sur place, je vivrai dans l’instant. Je passerai le temps à observer, à contempler le moindre détail en profondeur, remplir mon journal avec mes cinq sens. Le temps étant compté, je dois organiser ce voyage avec minutie, alors que j’aurais préféré me laisser portée au gré du vent… printanier.

 

KOYASAN

Du vendredi 30 mars au dimanche 1er avril 2012
J’ai décollé au matin du 29 mars 2012 ivre d’enthousiasme pour revenir le 9 avril enivrée avec des amples provisions de sensations, d’images, d’anecdotes que je m’empresse à mettre par écrit avant que le temps détériore ma mémoire.
 

J’ai atterri à Kansaï à 9h du matin, un aéroport d’exception vu du ciel, bâti sur la mer par l’audacieux Renzo Piano. Ma valise a subi une fouille complète et minutieuse. Je représentais un cas complexe pour des insulaires : origine Roumaine, nationalité Française, résidente Belge.

 

Après avoir changé trois fois de train, je suis arrivée à la gare de Koyasan vers 14h. De là, j’ai pris le téléphérique pour me rendre dans le village qui se situe à plus de 1000 m altitude. La beauté du site sous le soleil a soudain dissipé ma fatigue !
 
Vers Koyasan, vue du train
Téléphérique

 

Le mont Koya est la deuxième montagne sacrée après le mont Fuji. Ici, des moines de la secte bouddhiste Shingon (« Vraie Parole »), fondée par KÛKAI (Kôbo Daishi), vivent dans des temples entourés de forêts de cèdres, de cyprès et de pins. Cette forme de bouddhisme japonais est la plus proche du lamaïsme tibétain. La campagne est belle, soignée, empreinte de noblesse et de poésie.
 

 

 

J’ai choisi ce lieu car KÛKAI (774-835) est le père de la culture classique japonaise. Il a été architecte, peintre, sculpteur et calligraphie éminent. Il a inventé le système syllabaire des Kanas, et a compilé le plus ancien dictionnaire du Japon Tenrai Banshô Myôgi
 
Il a été adopté comme le « maître à penser » de toute l’aristocratie de Kyoto dès son retour au Japon après plusieurs années passées auprès du maître Hui Guo en Chine. C’est en 819, qu’il a construit son plus grand temple sur le mont Kôya (à 90 km de Kyôto), à l’abri des fastes de la cour. Et c’est ici qu’il a composé une cinquantaine d’ouvrages religieux sur les dogmes de sa secte Shingon. Il a créé également un pèlerinage de 88 temples dans l’île de Shikoku que ses disciples accomplissent encore aujourd’hui.
 
Pour mon séjour de 2 jours, j’ai choisi le temple Ekoin. L’atmosphère est intime, recueillie, d’un raffinement exquis.

 

 

 

 

Avant de rentrer dans ce shukubo, j’ai dû enlever mes chaussures et enfiler une paire de babouches. Le monde de l’extérieur et celui de l’intérieur sont rigoureusement séparés, et porter ses chaussures d’extérieur dans la maison est un manquement grave à l’étiquette. La maison est la frontière entre le pur et l’impure. Aussi, pour aller aux toilettes, une autre paire de babouches vous attend pour y rentrer ! L’intérieur est tenu avec un ordre et une propreté intransigeante.

Tout en traversant les couloirs du temple devancée par un moine, j’ai été conquise par l’architecture, le décor traditionnel (tatamis, paravents, portes coulissantes peintes, fenêtres en papier de riz), les jardins… Ce que j’ai toujours rêvé de voir !

 

 

 

 

 

 

Je suis arrivée à ma chambre émerveillée et abasourdie par tant de beauté. Une 1ère porte coulissante donnait sur une mini-entrée où je me devais de contempler la peinture et une statuette (okimono) qui se trouvaient sur la gauche. Ici, on abandonne ses babouches tout en plaçant leurs bouts dirigés vers la sortie et ce avant d’ouvrir la 2ème porte coulissante. Cette dernière était peinte en or et représentait des Koï (carpes sacrées, symboles d’amour et de virilité). 

La chambre aux tatamis (1 natte = 1,86 m/0,93 m) comportait juste une table centrale entourée de quatre coussins zabuton et couverte d’une sorte de couette sous laquelle on glisse ses jambes pour les réchauffer. Puis, d’une petite alcôve tokonoma au plancher surélevé en tatami où étaient exposés une calligraphie et un vase à ikebana. Bien évidemment, la chambre s’ouvrait sur une petite terrasse qui donnait sur un jardin où une autre paire de chaussures en bois geta m’attentait pour les promenades. En ouvrant les cloisons de papier et les portes coulissantes, l’intérieur et le jardin deviennent un seul espace continu. Le jardin est le prolongement de l’intérieur de la maison.

« Toute la maison, est fondée sur des multiples ou sous-multiples de l’unité fondamentale (le tatami) ; c’est sur elle que sont calculées la hauteur et la largeur des fusama (portes à glissière), la hauteur du plafond, le diamètre des colonnes, la largeur des vérandas, etc. Quatre siècles au moins avant que le Corbusier inventât son modulor, l’espace vital minimum, ces poètes des choses simples étaient, à l’autre extrémité du monde, parvenus aux mêmes conclusions… » F.M.

 

A peine installée, on m’a servi un délicieux thé vert accompagné d’une mini friandise à la pâte de haricots rouges azuki. Puis, on m’a apporté un pinceau à calligraphie pour recopier la portrait de Bouddha, discipline que l’on appelle shabutsu. Elle exige de la concentration et un travail sur la respiration pour y aboutir de la manière la plus parfaite possible. Faute d’être capable de recopier des sutras, ce véritable art étant réservé à ceux qui maîtrisent la calligraphie japonaise ou chinoise !

Malgré que mes journées aient été rythmées par la vie du temple, j’ai eule temps d’admirer, de m’étonner, de respirer un air chargé de parfums inconnus, de méditer…

                                                     
6h30 – 7h30 – cérémonies durant 1h, dont celle du feu

Les moines lisaient en chœur les écritures sacrées en une envoutante mélopée de baryton rehaussée par le battement sourd et saccadé du tambour et du timbre clair d’une cloche, tous enveloppés par le parfum de l’encens qui brûle en continu.

 

7h30 petit déjeuner végétarien shôjin-ryôri composé de multiples petits plat : riz, nouilles au sarrasins (ou au thé vert) aux champignons, légumes, tofu, légumes de saison (haricots, aubergines, carottes), pickles (radis blanc,…), un fruit (orange, fraises). Tout un art, à contempler avant de savourer !

 

 

 16h30 initiation à la méditation ajikan


17h30 dîner (plus copieux que le petit-déjeuner)

 

 

18h30 on vous apporte le futon et le nécessaire : un oreiller remplit de haricots, 2 kimonos (1 d’hiver et 1 en coton léger yukata), serviettes et brosse à dent

Le bain à la japonaise se prenait entre 16h-22h. Au Japon, l’impureté physique est tenue pour égale à l’impureté morale. La pureté possède une dimension à la fois physique et éthique, il existe un lien indirect entre environnement propre et pensées et émotions propres. Ce sont non seulement les vêtements qui sont laissés au vestiaire, mais également les soucis du quotidien. Seulement une fois lavé et rincé que l’on se plonge jusqu’au cou dans un bain brulant 42°C.  On sort du bain rafraîchi, détendu, régénéré, en paix avec soi et avec le monde. Un soir j’ai pris mon bain en compagnie d’une chinoise et une japonaise. Nudité oblige, j’ai dû me débarrasser de la pudibonderie occidentale !
 
Pour me chauffer, je ne disposais pas de 12 kimonos à superposer comme à l’époque Heian (794-1185), mais d’un chauffage au gaz à commande électrique. Je ne l’allumais jamais la nuit car l’odeur m’indisposait, par conséquent le froid me réveillait régulièrement. Le 1er matin, je me suis rendormie après le glas du réveil. Mais fort heureusement, à 6h25 précises, un moine est venu me réveiller d’une voix forte et torrentielle ! La 2ème nuit il a fait 4 °C. Le matin, en allant vers le temple pour la cérémonie et bien en avance…, quelques minuscules flocons de neige m’ont vite « éveillée ». 
 
C’est en logeant dans une maison traditionnelle que j’ai enfin compris pourquoi on affirme que  dans le temps les Japonais vivaient avec la nature : peu de chauffage et aucune isolation, tout est en bois, paille et en papier de riz.  La nature et l’homme font partie d’un tout ! La nature stimule tous les sens : olfactifs (odeurs de la terre, de la végétation), visuels (jardins et paysages environnants), l’ouïe (oiseaux, la pluie, bruit du vent dans les arbres)… J’ai été totalement immergée dans les émotions suscitée par la simplicité, la pureté, l’élégance et l’ascétisme de la maison japonaise. 
 Durant mon « temps libre », j’ai visité plusieurs temples dont le Mausolée de Kûkai et son cimetière Okunoin. Une immense nécropole étendue sur la montagne où près de 200 000 pierres tombales de samouraïs, de nobles et de gens simples sont protégées par une haute et majestueuse forêt de pins et cèdres centenaires. Sur le chemin qui mène au Mausolée, on est charmé par les plantes grimpantes, les buissons, les fleurs et les mousses végétales qui envahissent les tombes. Jizo, la divinité qui protège les voyageurs et les enfants, tant vénérée par les shintoïstes et les bouddhistes, est omniprésente (vêtue en général de bonnets et de bavettes pour bébé).

Des nuées d’encens constants enveloppent ces lieux et leur parfum pénètre tous les sens. Dans la culture bouddhiste, elles traduisent l’éphémère et la fragilité de l’existence humaine tout comme les fleurs de cerisiers. A la fois, elles représentent les voies évanescentes qui élèvent l’homme vers la divinité. C’est pourquoi, l’encens est indissociable des rites funéraires. D’autre part, les bonzes Shingon enduisent leur bras et mains d’encens en poudre en signe de purification. 

Tout comme la cérémonie du thé, il existe celle de l’encens, le kôdo – un art qui consiste à apprécier les parfums d’encens fabriqués et brûlés selon des règles ancestrales. Aux époques Heian et Edo, l’encens était un passe-temps d’élégants dont le parfum devait s’harmoniser aux saisons. Il parfumait les soieries et les pavillons. Dans le prestigieux roman « Le Dit de Genji » de Murasaki Shikibu, on parle du Prince Parfumé dont la brise qui le portait au loin était perceptible au-delà de 100 pas… 
Même le papier à lettres et leur couleur, l’art extrême de la séduction en ces temps-là, étaient élégamment parfumé et méticuleusement choisis : papier parme pour le temps des glycine, rose perlé à la floraison des pruniers (en outre, l’épistolier nouait à sa lettre une branche ou une fleur de saison). L’étiquette amoureuse voulait que l’amant, peu après son départ matinal envoie à la dame de ses pensées une lettre et un poème pour confirmer ses sentiments et sa culture littéraire. Le code exigeait que la dame fasse écho avec un poème waka
La taille des bâtons d’encens différent suivant leur utilisation : 15 cm pour l’autel domestique, 30 cm pour les temples, 70 cm pour ceux voués exclusivement au zazen.
Aussi, dans le temps, un bâton d’encens piqué dans un vase rempli de cendres servait à mesurer le temps, une sorte d’horloge (1 bâton = entre 30mn-40mn). Pour anecdote, les courtisanes comptabilisaient le temps passé en compagnie et fixaient leur tarif au nombre d’encens brûlés !

 

 

 

 

 

 

 

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Dimanche 1er avril 2012

J’ai quitté Koysan et le temple Ekoin remplie de regrets malgré mon impatience à découvrir Kyoto, « le cœur » de la culture japonaise. Arrivée à la gare de Namba, où je devais prendre le métro pour Osaka puis le train pour Kyoto, j’ai été prise de panique ! Je me suis retrouvée dans un grandiose labyrinthe de plusieurs étages rempli d’une foule pressée. Les panneaux indicateurs étant uniquement en japonais, j’ai été contrainte de demander de l’aide et là j’ai découvert combien les Japonais sont serviables. Une fille m’a accompagnée d’Osaka jusqu’à mon hôtel qui soi-disant se trouvait sur son trajet !

 La gare actuelle de Kyoto est gigantesque ! Elle a été reconstruite en 1997 par l’architecte Hiroshi Hara à l’occasion du 1200e anniversaire de la notification de la ville (anciennement Heian Kyo) comme capitale du Yamato (ancien nom du Japon) par l’empereur Kammu en 794. Elle est constituée de vitres transparentes et de structures d’acier surplombant toute la surface et comprend des hôtels, restaurants, cafés, théâtres, magasins, musées…

 

Malgré la foule et le trafic incessant, les Japonais sont très disciplinés (indiqué parterre la distance à respecter entre personnes). On ne se bouscule jamais, on sort et on rentre chacun à son tour !

 

Mon hôtel, The Palace Side Hotel, est situé juste en face du Palais Impérial. Les employés sont la plupart des étrangers (Iran, Uruguay, Népal…) qui font des études dans les universités japonaises. Chambre moderne, petite mais tout confort. Salle de bain avec baignoire à la japonaise, minuscule mais profonde, puis les lunettes des toilettes sont comme partout douillettes car… chauffantes ! Elles sont dotées d’autres fonctions dont certaines de otohime (princesse du son) qui masque tout bruit « incongru »… politesse oblige !

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Lundi 2 avril 2012

Après, ma 1ère nuit complète de sommeil, je suis descendue dès 7h prendre un brunch (mets occidentaux et japonais… à volonté). Ma première journée à Kyoto a été ensoleillée et bien remplie :
 
Visite du Palais Impérial, composé de plusieurs bâtiments et jardins. Kyoto a été la capitale du Japon entre 794-1869. L’empereur y a résidé entouré de sa cour, de la noblesse, des familles de samouraïs, du clergé et des religieux shinto et bouddhistes, d’artisans et de commerçants. 

Dans un des jardins, j’ai aperçu pour la première fois un prunier japonais. Il s’est démarqué par ses grandes fleurs fuchia semblables aux rosiers sauvages.

 
 L’amour que les Japonais portent aux arbres en général dont ceux à fleurs ne se limite pas à une simple culture, c’est un culte. Par exemple, l’impératrice, les concubines impériales et les dames de la cour résidaient dans la « Retraite interdite » en des appartements désignés par le nom des arbres qui les entouraient : salle du Poirier, de la Glycine, de la Prune. Puis, prenons rien que le terrain d’un jeu de balle le kemari, prisé à l’époque Heian et originaire de Chine. Il était délimité par des arbres en pot : cerisier au N-E, saule pleureur au S-E, pin au N-O et érable au S-O (les joueurs élégamment habillés se passaient la balle en peau de cerf en la frappant avec le pied et en évitant le plus longtemps possible qu’elle ne touche le sol).

Concernant les jardins japonais, l’orientaliste Fosco Maraini a tout compris : « Le jardin en Extrême-Orient est en effet une œuvre d’art aussi belle qu’un tableau, une statue ou un poème. Nous considérons le jardin comme une simple décoration, au moyen de pièces d’eau et de fleurs, de l’habitation : villa, institut ou palais ; et la nature offensée d’être si peu sollicitée nous accorde peu ; le jardin sert de cadre à la vie mondaine de l’homme. Sage et docile, il garnit la maison, comme la salade, le bifteck. L’artiste oriental crée le jardin en musicien comme un chant, une symphonie dont les notes sont les herbes, les pierres, les eaux, les fleurs. Il vise très haut et dans ses moments heureux il parvient très haut. »
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sanctuaire Shimogamo (UNESCO), où a lieu tous les 15 mai le festival dit Aoi Matsuri, connu pour sa procession de centaines de personnes vêtues de kimono des nobles de l’époque Heian. C’est mon premier sanctuaire shintoïste, vite reconnaissables grâce aux torri, littéralement « là où sont les oiseaux ». Ce sont des portails de couleur rouge orangé érigés à l’entrée pour séparer symboliquement l’enceinte sacrée du temple du monde profane. Aussi, j’ai aperçu des miko, souvent filles de prêtres, qui gèrent le fonctionnement quotidien des sanctuaires shinto : boutiques de souvenirs, mariages, baptêmes, etc. Elles sont toujours vêtues d’un court kimono blanc et de très larges pantalons de la même couleur éclatante que les torri. Les cheveux longs sont attachés à l’ancienne, en bas de la nuque puis enroulés avec des bandelettes de tissus blanc.

 

 

 

 

 

 
Jardin des Beaux-Arts de Kyoto conçu par Tadao Ando, y expose des copies de céramique de 8 grands chefs-d’œuvre dont « Les Nénuphars » de Monet, « Le Jugement dernier » de Michel-Ange, « Le dernier souper » de Leonardo Da Vinci… Un jardin de construction asymétrique complexe (lignes et courbes, chutes d’eau…). 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sanctuaire Kamigamo (UNESCO) sur 664 000 m2 comprenant 34 bâtiments. Ici, j’ai eu la chance de voir un jardinier travailler son jardin zen de pierres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Temple Daitokuji, un des plus importants temples Zen du Japon, fut construit en 1319 et remplis de biens offerts par de nombreux seigneurs féodaux. Il ressemble à un minuscule village où l’on peut s’égarer dans le labyrinthe des rues aux murs tapissées d’herbes folles, de mousse et de fleurs de champs.

 

 

Temple Kinkakuji – Pavillon d’Or (UNESCO) construit en 1397 par le shogoun Yoshimitsu Ashikaga comme villa de repos. Les jardins et les étangs sont sublimes. La maison de thé Sekka-tei située dans le jardin est connue pour son pilier de renforcement nanten et pour ses étagères échelonnées faites à partir d’arbrisseaux. Le célèbre Yukio Mishima a écrit un roman « Le Pavillon d’or » inspiré par le fait divers qui s’est produit juste après la Seconde Guerre Mondiale, lorsqu’un jeune bonze shintoïste de Kyoto a incendié celui-ci par dépit. Le roman oscille entre respect de la tradition, révolte et nihilisme.

 

 

 

 

 

 

Anecdotes du jour :
Sons particuliers pour les feux piétons, semblables aux chants d’oiseaux ! 

Dans les bus, l’entrée se fait à l’arrière et on règle en descendant un montant en fonction de la distance parcourue si on ne possède pas un pass. Les chauffeurs de bus sont très distingués avec leurs gants blancs et leurs casquettes. Ils annoncent au micro l’arrêt et remercie chaque personne lors du paiement  avec une grande patience.

 Pour monter dans le taxi, toujours derrière à gauche, la porte s’ouvre et se referme automatiquement. La file est en sens inverse, il faut prendre le dernier et non pas le 1er car les taxis se rangent en marche arrière.

Le Japon n’a pas été une colonie anglaise et pourtant les voitures ont le volant à droite. C’est parce qu’à la fin du 19ème (Meiji), les Anglais ont eu le 1er rôle à jouer dans la modernisation des transport.

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Mardi 3 avril 2012

Dès 8h30, je pars sous la pluie vers le Temple Ryoanji, qui doit sa célébrité au plus abouti jardin zen, jardin des Rochers (UNESCO) construit en 1450 par Soami. Ce jardin abstrait est « le plus singulier, le pus hardi, une étendue de sable blanc, ratissé avec un soin exacte en multiples lignes parallèles, et quinze pierres de toutes les tailles. »F.M. Il change d’aspect au fur et à mesure que l’on s’en approche. Il est impossible de voir ses 15 pierres à la fois, quel que soit l’endroit où l’on se place. Le jardin explique à sa manière que l’on ne peut jamais appréhender la Vérité complète. Lors de la méditation et selon l’état d’esprit de la personne, les rochers sur le sable blanc évoquent des montagnes sortant des nuages ou des îles au milieu de la mer. C’est recréer le monde par la pensée au lieu de le contempler simplement avec les yeux.

 

 

 

 

Temple Ginkakuji – Pavillon d’Argent (UNESCO). Pour se rendre au temple, on monte une route jalonnée de maisonnettes et de jardins. Construit en 1489, il a d’abord servi de villa de repos pour le shogoun Yoshimasa Ashigaka qui élabora en compagnie des plus grands artistes de son temps, les idéaux d’une beauté rigoureuse purifiée de tout superflu. Les idées mûries à cette époque ont fait sentir leur influence et ont imprégné la vie japonaise jusqu’à nos jours : l’architecture, l’ameublement, le style de vie…

Le jardin a pour fond la foret verte et luxuriante du Mont du Levant. J’ai pris le petit chemin qui mène vers le haut de cette montagne, à travers une végétation luxuriante composée de fleurs et divers arbres. La vue du sommet était sublime même sous la pluie car une brume enveloppait les cimes lointaines.  

Les détails du lieu : le gravier, les bois, les arbres taillés, les tâches de mousse éparpillées, les plaques d’égout et les rampes en bambous, révèlent un soin attentif et tendre mis au service d’un goût exquis, épris de perfection. Les vagues de sable blancs et les deux uniques montagnes de sable, le Kogetsudai (monticule lunaire) et le Ginshadan (mer de sable blanc), ont été créés pour refléter la lumière de la lune et pour mettre le jardin même en valeur lors des nuits de pleine lune. 

 

 

 

 

 

 

Sur l’étang mort
un bruit de grenouille
qui plonge

Basho

 

 

 

 

Fleur de camélia
en tombant pleura l’eau
de la corolle

Basho

 

 

Le sanctuaire Shintoïste Heian Jingu Shrine a le torri le plus imposant du Japon. Il a été construit en 1895 pour marquer le 1100ème anniversaire de Kyoto qui fut capitale impériale du Japon, jusqu’à ce que l’avant dernier empereur Meiji décide son transfert à Tokyo en 1868. Il est dédié aux esprits du premier et du dernier empereur de Kyoto : l’Empereur Kammu et l’Empereur Komei. A l’arrière du sanctuaire il y a des jardins d’azalées et de cerisiers.

 

 

Malgré le vent et la pluie de plus en plus violents, je me suis dirigée butée vers le Château Nijo (UNESCO). Elevé en 1603, il est entouré de grandes douves et d’un énorme rocher pour le talus. Il sert souvent de décor dans les films, par exemple Tabou de Nagisa Oshima. 
 
Les très célèbres portes coulissantes ont été peintes par les artistes de l’école Kano. Cette puissante école de peinture fut fondée au milieu du XVème siècle par Kâno Masanobu et fleurit jusqu’à la fin de l’époque des Tokugawa. Elle s’est basée sur la peinture chinoise, dont celle à l’encre de Chine, tout en y ajoutant des spécificités de la peinture japonaise. Les thèmes sont divers et comportent parfois des éléments bouddhiques, mais les grandes surfaces décoratives des peintures murales dépeignent principalement des pins, des tigres, des fleurs et des oiseaux et des paysages de saisons. A la différence de l’école Rimpa, les techniques et les styles particuliers se transmettaient seulement de père en fils. 
 
Le corridor du bâtiment principal fut ingénieusement construit pour qu’il émette des sifflements semblables à ceux d’un rossignol lorsque quelqu’un y pose le pied. A cela s’est rajouté le bruit fascinant provoqué par la violence du vent ! Les photos sont interdites ! Je regrette tant ne pas avoir pu immortaliser les mises en scènes constituées avec des mannequins pour représenter la cour (la salle du conseil, la chambre du shogoun…). 
 

 

 


Le château a dû fermer à cause de la tempête. Têtue, j’ai continué à visiter les jardins et la maison de thé. J’ai été trompée jusqu’à l’os et j’avais les bottes remplies d’eau, mais rien ne pouvait m’arrêter ! Au moment où la foudre est tombée tout proche, vaincue, j’ai aussitôt pris le bus pour rentrer à l’hôtel, dont vidéo :

 

 
J’ai allumé la télé par curiosité et j’ai découvert que Kyoto a été plus ou moins épargnée grâce aux montagnes qui l’entourent alors que tout le reste du pays a gravement souffert : camions retournés par la force du vent, trafic arrêté, inondations, maisons détruites et tout genre d’autres accidents dont mortels,… C’était la plus forte tempête depuis 1959 ! J’ai filmé quelques images lors du journal TV du soir, voici Kyoto :
 
Anecdotes du jour :
Dans un bus, un vieux papi a longuement fait la morale à un couple d’asiatiques qui se sont assis sur les places réservées aux personnes âgées. Tolérance 0 si règles enfreintes !
J’ai découverts les sandwichs auxquels on accorde également le soin de la présentation : en forme de petits triangles, dans le même paquet on y trouve 3 saveurs différentes (il existe même des boîtes à encas adaptées).
Vu, proche de Ginkakuji, des poussepousses conduits également par des femmes. Fortes et courageuses !
Rentrée par curiosité dans un Panchinko, le symbole le plus désolant du désarroi contemporain. Incapable de comprendre comment peut-on supporter durant des heures un bruit si assourdissant.

 

 

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Mercredi 4 avril 2012

C’était ma dernière nuit à The Palace Side Hotel. J’ai partagé la table de mon petit déjeuner avec un Californien ingénieur chez HP, qui y venait tous les ans rendre visite à son fils et sa fille qui ont élu domicile ici il y a 5 ans respectivement pour les études et le travail !
 

Des métros, les travailleurs sortent en file indienne et avancent très disciplinés deux par deux, tous à la même cadence, comme des fourmis.

Traversé le Parc du Palais Impérial, les cerisiers étaient légèrement dévastés par la tempête de la veille. Que des travailleurs à vélos dans tous les sens, cachés sous des parapluies (parapluie maintenu par un support car interdit de le tenir à la main sous peine d’être verbalisé, téléphoner est également interdit).

J’ai commencé par visiter le temple Toji (UNESCO) qui a été construit dans le but de prier pour la paix et la tranquillité de la capitale quand Heian-Kyo (nom originel de Kyoto) fut déplacée en 794. Sa pagode de 5 étages est la plus élevée du Japon (56,4 m). Le temple regorge d’objets d’arts, tous trésors nationaux. Tous les 21 du mois un grand marché aux puces y a lieu.


Temple Nishi Honganji  (UNESCO) fut transféré à sa place actuelle en 1591 par le shogoun Toyotomi Hideyochi. La chambre Shoin et la Porte Chinoise Karamon, sont toutes deux enregistrées au rang de trésor national. Il y a aussi un très célèbre jardin et le plus vieux théâtre Nô du Japon.

Lorsque j’ai visité la salle principale du temple, j’ai entendu un son de cloche envoutant : lent au début, mais devenu de plus en plus fort et rythmé. Intriguée, j’ai fini par trouver son origine : une cloche suspendue à l’extérieur, frappée par un moine qui annonçait le début de la cérémonie. 
 

A côté, se trouve le temple Higashi Honganji créé et rendu indépendant du premier par le shogoun Tokugowa Ieyasu en 1602.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après un trajet de 45 mn en bus, je suis arrivée à la Villa Impériale Katsura. Pour la visiter, il faut faire une demande la veille auprès du Bureau de l’Agence de la Maison Impériale. La construction de ce chef-d’œuvre architectural, dont son jardin connu mondialement, a commencé en 1620 (période Edo). Sa superficie de 56 000 m2 comprend une série de superbes jardins ainsi qu’un nombre important de maisons de thé. L’amour des japonais pour l’imprévu, l’asymétrique, la nature, a toujours dominé les architectes et les artistes.
 
La villa respecte les préceptes anciens de la géomancie japonaise inspirée de feng-shui (art chinois consistant à faire circuler harmonieusement l’énergie d’un lieu pour assurer santé et prospérité à ses habitants).
 

De plus, cette villa est un modèle esthétique de la méthode « construction par ajout » à l’opposé de la « méthode sur plan ». A partir d’une pièce on rajoute d’autres qu’on relie par des couloirs (partant des parties on arrive à tout). La conception traditionnelle de l’espace selon la méthode par ajout, présente deux particularités : les petits espaces où l’on se concentre sur les détails et l’asymétrie. Les cloisons de papier sont d’une parfaite géométrie et modulables à l’infini. Les couleurs et les motifs sont d’une modernité inimaginable. Les motifs floraux et géométriques pourraient dater des années 1970 !! 

Des plateformes ont été construites en prolongement de la villa pour admirer les jardins au clair de lune, une architecture qui accueille et suit la nature. Ces jardins sont encore une des preuves vivantes que les Japonais transforment mousses, cailloux, arbres, fleurs et eaux en véritables œuvres d’art. Elles entourent les maisons de thé et sont propices à la méditation vue que la cérémonie du thé est régie par quatre valeurs spirituelles : harmonie wa, le respect kei, la pureté sei et la tranquillité jaku
 
Sen no Rikyû (1522-1591), le grand maître du thé, aurait séjourné ici. Il a construit toutes ses maisons de thé dominé par une recherche esthétique : petites, légères et neutres, elles se fondent paisiblement dans l’environnement des jardins. Le bois n’est pas peint, les piliers ont encore leur écorces, les murs en torchis sont laissés tels quels sans traitement de surface, la décoration d’intérieur, outre les ustensiles pour faire le thé, comporte seulement une branche fleurie et un rouleau suspendu. Les maisons changent avec les saisons, elles expriment le sentiment de l’éphémère. 
 
D’après le penseur Katô Shûichi, Rikyû a épuré le pavillon de thé parce que pour lui la richesse des moyens et la richesse de l’expression dans l’art sont deux choses distinctes. « La diversité des couleurs ne garantit pas nécessairement la qualité de l’expression picturale.« K.S.
 
On y entre en se glissant par une porte très basse. C’est un endroit où les barrières de classe sont temporairement suspendues. On laisse derrière soi le monde de tous les jours en rentrant dans un espace sacré pour y trouver la sérénité.
 
Pendant le chadô, on doit admirer le bol en raku. Lorsqu’on le tourne sur la paume, le « paysage » évolue. Pour Katô, « le paysage » est la coloration de l’émail qui recouvre le côté extérieur du bol à thé et désigne les aspects complexes variant selon l’angle sous lequel nous le voyons. « Du jardin au pavillon de thé, du pavillon de thé au bol à thé, du bol à thé à « l’évolution » de son paysage, on aboutit au contraste de couleurs du vert du thé entouré de rouge ou de gris ou du noir du côté intérieur du bol à thé. »K.S. Nul part ailleurs il existe de tels exemples où l’on ait poussé jusqu’à ce point le raffinement esthétique des détails de l’espace.
 
Le raku fût créé par Chôjiro (1516-1592), le fils d’un Coréen (ou d’un Chinois) naturalisé Japonais, sous la direction du maître du thé Sen no Rikyû. Raku est un nom donné postérieurement, lorsque l’idéogramme Raku (signifiant « joie ») gravé sur un sceau d’or fut offert par Toyotomy Hideyoshi, qui appréciait profondément l’art du thé. Essentiellement utilisés lors de la cérémonie du thé, les bols-Raku sont issus d’une cuisson rapide à une relativement basse température. Sa douceur et sa forme irrégulière constituent ses grandes caractéristiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après Katsura, visite du temple Sanjusangendo (littéralement 33), la plus longue structure de bois du monde (125m). Entre chaque pilier qui la compose, il y a 33 travées. Connu pour ses 1000 sculptures de Kannon (déesse de la clémence) qui représentent les 1001 bras du Bouddha. L’allée centrale contient 28 divinités associées à Kannon. 
 
Tous les ans à mi-janvier, il y a une compétition de tir à l’arc (Tohiya) où les tireurs doivent atteindre une cible placée à 60 m distance. Tous les spécialistes du tir à l’arc se rassemblent ici, qu’ils soient archers émérites ou jeunes pratiquants de 20 ans, qui est l’âge de la majorité au Japon. Cette pratique sert à faire comprendre aux enfants que la vie d’adulte requière patience et contrôle de soi. 
 
On raconte que les maîtres en tir à l’arc sont capables d’atteindre leur cible d’un bout à l’autre des 120 mètres du Sanjusangendo. A l’époque d’Edo se mit en place un véritable concours basé sur le nombre de flèches ayant atteint leur cible entre 6h du matin et la même heure le lendemain. « Le record est encore détenu par Wasa Daihachiro qui en 1688 a mis 8132 flèches dans la cibles, ce qui représentait 62 % de ses tirs de la journée. » Les piliers du temple sont encore marqués des flèches de samurai ayant raté leur cible dont l’un est exposé dans une vitrine. Dans une autre, on peut y admirer quelques arcs anciens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dernière destination de la journée, le temple Kiomizu-dera (littéralement eau limpide) classé UNESCO. Le bâtiment principal dispose d’un balcon surplombant une petite falaise supportée par une structure en bois compliquée. Malheureusement, le temps que j’arrive en haut de la colline, il a fermé pour préparer la grande fête des sakura aux feux d’artifices qui allait durer toute la nuit. Je regrette tant d’avoir raté une vue impressionnante de Kyoto !

 

 

 

 

 

 

 

 

Le soir, j’ai pris le taxi pour me rendre dans mon nouveau quartier où j’allais dormir jusqu’à la fin de mon séjour : le Gion, quartier des geisha. J’ai dormi dans un vieux ryokan, nommé Sawai, tenu par un vieux couple octogénaire. 

 

 

 

 

 

Pour y aller, le taxi a traversé le quartier des bars et restaurants, le Pontchoko éclairé par des lanternes en papier de riz. Unique moment où j’ai regretté de voyager en solitaire !

 

 

 

 

 

 

 










 

 

Anecdotes du jour :

Au temple Honganji, épuisée et l’esprit ailleurs, j’ai remarqué des sacs en plastique pour les chaussures. J’ai commencé à les enfiler sur mes chaussures, à la risée d’un couple de vieux qui me montrait que les chaussures on les enlève pour les mettre… dans le sac.
Avant la visite de Katsura, rentrée dans un café du village, rempli d’hommes. Une minute de silence, étonnés certainement par l’apparition de cette gaijin (littéralement gens du dehors) et femme de surcroît. Mal à l’aise, j’ai eu un moment d’hésitation partir ou rester ? Mais, les Messieurs se sont serrés et m’ont invitée à prendre place. En partant, la patronne m’a couru après pour me donner ce que j’avais oublié sur la table, tenez-vous bien : un trombone !

KYOTO_5

Jeudi 5 avril 2012

Bien dormi à Sawai dans ma nouvelle chambre traditionnelle, le futon était chauffant ! Deux seuls inconvénients dans ce ryokan : pas de bain traditionnel japonais et pas de petit déjeuner. La veille, je me suis achetée des beignets au thé vert fourrés à la pâte de haricots, un délice ! Puis des yaourts et une bouteille de thé sencha froid.
 
Réveillée à 6h30, trop pressée de découvrir le quartier de Gion. Il est bien préservé et réputé pour ses décors raffinés, ses maisons de thé où travaillent des geiko (nommé geisha dans le reste du pays) et des maiko (apprentie-geisha). Geisha signifie littéralement « personne qui pratique les arts ». Métier en voix d’extinction depuis 1980, il n’en reste actuellement qu’environ 200.

 

 
Gion, c’est le plus célèbre et populaire quartier festif et nocturne de Kyoto, regorgeant de nombreux restaurants de première classe, clubs et bars. Il a aussi des grandes zones commerçantes où j’ai flâné et profité d’acheter quelques cadeaux souvenirs.

 

 

 

 

 

Visité le Musée de Kyoto, déçue par le peu d’œuvres exposées. De plus, la plupart des descriptifs étaient en japonais !

Il paraît qu’il est difficile de se faire une idée exacte de l’histoire de l’art japonais, parce qu’un grand nombre d’œuvres significatives appartiennent à des collections privées inaccessibles.
Le soir, je me suis régalée avec une soupe ramen dans un restaurant du quartier. J’y ai rencontré un jeune Suisse qui voyageait sereinement durant 3 semaines, sans avoir organisé à l’avance son séjour. 
 
Anecdote du jour :
Dans mon ryokan est arrivée une magnifique danseuse Hawaïenne, star dans son pays, qui portait des kimonos sublimes ! Une équipe de la télévision japonaise l’accompagnait jour et nuit.
Toutes les nuits j’entendais quelqu’un monter suivi par un son de cloche spécifique à celles que les geisha mettent dans leur coiffure. Sortie excitée pour surprendre une geisha, je suis tombée nez à nez avec l’octogénaire propriétaire ! La cloche était attachée à ses clés.

Découvert une astuce pour rentrer avec la valise pleine de cadeaux : rentrer dans un magasin et demander quelque chose qui « manque ». Pour se faire pardonner, le commerçant vous offre d’office un petit « cadeau » !
Les chiens on les promène en poussette pour ne pas salir les trottoirs.

UJI / KYOTO_6

 
Réveillée à 8h, le dos toujours bloqué depuis la tempête du 3 avril. J’avais pris froid et il m’était devenu difficile de marcher, de m’habiller, de manger ou de prendre des photos. Lorsque j’ai demandé au propriétaire du ryokan s’il connaissait un masseur ou un acupuncteur il m’a invité à me renseigner auprès du koban. J’ai appris plus tard que ce sont ces petits commissariats de communauté qui tiennent à jour les informations sur chaque foyer et chaque entreprise du quartier. Ils font même des visites pour s’enquérir de l’éventuelle présence de « personnes suspectes » dans le voisinage. Même les yakuza n’y échapperaient pas ! (yakuza signifie 9_8_3, une combinaison néfaste dans le jargon des joueurs).
 
J’ai été découragée car je ne voulais pas perdre du temps à chercher mais aussi par le prix du massage qui serait de 200 euros car il est pratiqué par des aveugles dont le métier est protégé. J’aurais pu faire du shiatsu 47 euros la demi-heure mais je savais par expérience qu’il ne m’aurait été d’aucun secours. 
 
Malgré mon piteux état, j’ai suivi à la lettre mon programme. A la gare, je suis montée dans la Kyoto Tower sise juste en face. Haute de 131 m, elle a la forme d’une énorme bougie japonaise. Elle a été construite en 1964 par l’architecte Mamoru Yamada et par Ryo Tanahashi qui a conçu la structure. J’ai été touchée par la splendeur et grandeur des montagnes qui entourent Kyoto. 

Après, j’ai pris le train pour la ville de Uji à 20 mn au sud de Kyoto. Cette petite ville de 200 000 habitants est traversée par la rivière Ujigawa. Le plus vieux pont vermillon a assuré la richesse de la ville qui relie Kyoto à Nara. C’est le clan des Fujiwara qui y a élu domicile à l’époque Heian. 

 
Uji m’a attirée pour diverses raisons. Premièrement, j’ai tenu à aller sur les traces de la première romancière japonise Murasaki Shikibu et de son roman le Dit de Genji. Un musée leur est d’ailleurs dédiés. 
 
Deuxièmement, c’est un lieu incontournable pour les amateurs de thé comme moi. Le thé d’Uji est le plus prestigieux dans l’univers des thés. C’est au 13ème siècle que le moine Myôe du temple Kôzan-ji a choisi Uji pour ses sols propices à la culture des théiers. On produit quasi exclusivement le gyokuro (le thé des samuraï), le tencha (qui donne le matcha en poudre pour la cérémonie du thé) et le kyô-bancha. Je me suis offerte le meilleur sencha chez un des fameux producteurs. Il y avait tant d’autres produits à base de thé : gâteaux, bonbons, glaces…. !!

 

les roses jaunes en fleurs
au moment où se répand le parfum
des fours à thé d’Uji
Basho
 
Puis, ici se trouve le temple bouddhiste Byôdô-in et son hôôdô, le hall du Phénix. Ce dernier, célèbre en raison de sa beauté et longévité (1052) ainsi que pour son importance culturelle, il a fini représenté au dos des pièces de 10 yens.

 

Des cormorans dressés, retenus par une ficelle, plongent la nuit et capturent des des petits poissons qu’un brasier a attirés à la surface. Le pêcheur fait remonter l’oiseau sur la barque et lui fait rendre sa proie.
Le premier poisson attrapé est destiné à l’Empereur.
 
 
De retour à Kyoto tardivement, épuisée et contrariée par mon dos et ma difficulté à marcher, j’ai décidé de m’offrir une bière japonaise en guise de détente. Je suis rentrée dans un bar proche de mon ryokan. Il est tenu par deux filles joyeuses et pleines d’énergie. 

 

Adresse :
 
KISUI
605-0801
KYOTO-SHI HIGASHIYAMA-KU
MIAKAWASUJI 2-CHOME 239
KOUEN-MAE BUILDING 1se Floor
 
En début de soirée, il y avait juste un couple et un jeune garçon. J’ai demandé une bière pression nama biru et je me suis retrouvée avec un demi-litre de bière ! Petit à petit, mon voisin, timide et réservé a commencé à me parler et à faire des blagues au fur et à mesure qu’il ingurgitait des bouteilles de bières. Il était chercheur en mathématiques, 27 ans, très cultivé. Nous avons parlé de photo, architecture,… J’ai appris qu’au Japon Araki n’est pas considéré comme artiste mais comme simple photographe pornographe. Au Japon, le nu aurait droit de cité dans la vie mais non dans l’art. 
D’autres personnes sont arrivées, des habitués… Je me sentais si bien que j’ai commandé à manger et mon voisin s’est proposé à m’offrir un verre. Bien évidemment j’ai pris un saké de Kyoto. Erreur fatale ! Je me suis retrouvée brutalement dans un état de « bienheureuse incertitude », ça n’a pas arrangé ma capacité à marcher ! Dommage pour la geisha que j’ai croisée en pleine nuit en allant vers mon ryokan. Le temps que je dégaine mon appareil photo, elle a disparu avec des petits pas rapides et assurés sur ses socques.
Anecdotes du jour :
A Uji, le marchand de thé a appelé un taxi et attendu avec moi son arrivée au moins 10 mn alors que son temps était précieux vu le nombre de clients dans le magasin.
Dans le train j’ai été abordée en japonais par un couple de septuagénaires. Après des minutes de conversations difficiles, et vu mon niveau en japonais, la dame m’a offert une carte postale en papier traditionnel fait main, le washi, qu’elle s’était achetée au Musée.
Je confirme la ponctualité des trains et l’incroyable propreté des transports en commun.

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Samedi 7 avril 2012

Je ne voulais pas quitter Gion sans voir le spectacle annuel donné par les Geishas. J’avais pris plein les yeux ! D’abord, les kimonos, les plus anciens et plus beaux qui existent (la pièce vaudrait entre 20 000 et 50 000 euros). Puis l’originalité des décors et des éclairages et le temps record mis pour les changer d’une pièce à l’autre ! Malheureusement, il m’a été interdit d’immortaliser quoi que ce soit… à part la scène avant le spectacle.

 Après, je suis allée à la fête du Parc Maruyama, situé juste derrière le sanctuaire Yasaka, qui comporte des étangs et des centaines de cerisiers le tout sur 90 000 m2. Au centre, vit depuis 300 ans un cerisier géant qui ressemble à un saule. Ses branches sont retenues par des fils et maintenues par des béquilles en bois. Les gens se bousculent pour photographier cette « star » du pays. 

 

A l’intérieur du parc il y a plusieurs magasins de thés, restaurants, cafés… Se sont rajouté ce jour-là plein de stands pour régaler les papilles : poissons grillés, beignets de poulpes, gâteaux gluants de riz,… 

J’ai été enchantée à la vue des nombreux gens qui se sont retrouvés pique-niquer pour la fête des fleurs. Le sol a été couvert de bâches bleues, qui se sont remplies jusqu’au petit matin, malgré que le temps ait été très frais. Tous joyeux, on entendait crier, chanter, rire… un vacarme !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Le soir je suis retournée à mon café déterminée à ne pas boire un seul gramme d’alcool. J’ai fait d’autres connaissances. Un jeune chercheur en ingénierie qui angoissait de devoir quitter le Japon pour la première fois de sa vie et durant 1 an pour Londres. Je ne pense pas l’avoir encouragé en lui parlant de la cuisine anglaise et de l’éternel temps pluvieux ! Un couple élégant et distingué dont la femme est restée 1 an en France pour apprendre à faire le pain. Malgré tout, elle ne savait pas un mot de français, par timidité certainement.

Tout le café s’était mobilisé pour moi avec Iphone et Ibook pour trouver le numéro de téléphone de l’hôtel où je devais dormir le lendemain à côté de l’aéroport. Toujours aussi serviables et solidaires !

Anecdotes du jour :
Jamais je n’oublierai le beau dandy Japonais d’une cinquantaine d’année que la police a embarqué car il était saoul en plein jour sur le trottoir. Il n’aurait pas dû quitter le parc Maruyama !  Belle moustache, cheveux noirs gominés, beau costume 3 pièces à rayures, cravate… Dommage que je n’ai pas eu le courage de le photographier. Il paraît qu’avec la police japonaise mieux vaut jamais discuter, juste confesser sa faute pour obtenir éventuellement un simple avertissement !
A ce propos, jamais je ne me suis sentie autant en sécurité qu’au Japon. Le taux de criminalité serait très bas et ce malgré que le système de justice pénale soit rarement sévère, il s’avère très efficace !

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Dimanche 8 avril 2012
Mon dernier jour à Kyoto ! C’est un grand jour de fête : Hana Matsuri – la fait des Fleurs. A la fois, on commémore dans tous les temples la naissance de Bouddha. 
 
Dès le réveil j’ai pris le train afin de visiter le sanctuaire principal de tous les sanctuaires Inari du Japon, au nombre de plus de 40 000, le Fushimi Inari. Le temple est plein de fidèles, surtout au nouvel an et le premier jour de chaque mois, qui viennent prier le dieu des récoltes et des affaires.
 
Sur le site, j’ai acheté un kimono (littéralement « chose que l’on porte sur soi »). J’avais appris tardivement que le côté gauche se juxtapose sur le côté droit, l’inverse se fait uniquement pour les défunts !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au retour, je me suis promenée pour la dernière fois le long de la rivière bordée par les cerisiers. Puis, dans le quartier de Pontchoko où j’ai vu les plus belles maisons anciennes de Kyoto. 
Vu le nombre et la densité des cerisiers ainsi que des plantes exposées devant leurs maisons, je m’étais dit que les Japonais vivent dans un état chronique de fièvre florale. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Inutile de vous dire que j’ai quitté Kyoto remplie de tristesse pour aller dormir dans un hôtel à Rynkiu Town proche de l’aéroport de Kansaï. Passé une soirée sans importance. Fin du voyage !