Mercredi 4 avril 2012
C’Ă©tait ma dernière nuit Ă The Palace Side Hotel. J’ai partagĂ© la table de mon petit dĂ©jeuner avec un Californien ingĂ©nieur chez HP, qui y venait tous les ans rendre visite Ă son fils et sa fille qui ont Ă©lu domicile ici il y a 5 ans respectivement pour les Ă©tudes et le travail !
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Des métros, les travailleurs sortent en file indienne et avancent très disciplinés deux par deux, tous à la même cadence, comme des fourmis.
TraversĂ© le Parc du Palais ImpĂ©rial, les cerisiers Ă©taient lĂ©gèrement dĂ©vastĂ©s par la tempĂŞte de la veille. Que des travailleurs Ă vĂ©los dans tous les sens, cachĂ©s sous des parapluies (parapluie maintenu par un support car interdit de le tenir Ă la main sous peine d’ĂŞtre verbalisĂ©, tĂ©lĂ©phoner est Ă©galement interdit).
J’ai commencĂ© par visiter le temple Toji (UNESCO) qui a Ă©tĂ© construit dans le but de prier pour la paix et la tranquillitĂ© de la capitale quand Heian-Kyo (nom originel de Kyoto) fut dĂ©placĂ©e en 794. Sa pagode de 5 Ă©tages est la plus Ă©levĂ©e du Japon (56,4 m). Le temple regorge d’objets d’arts, tous trĂ©sors nationaux. Tous les 21 du mois un grand marchĂ© aux puces y a lieu.
Temple Nishi Honganji (UNESCO) fut transféré à sa place actuelle en 1591 par le shogoun Toyotomi Hideyochi. La chambre Shoin et la Porte Chinoise Karamon, sont toutes deux enregistrées au rang de trésor national. Il y a aussi un très célèbre jardin et le plus vieux théâtre Nô du Japon.
Lorsque j’ai visitĂ© la salle principale du temple, j’ai entendu un son de cloche envoutant : lent au dĂ©but, mais devenu de plus en plus fort et rythmĂ©. IntriguĂ©e, j’ai fini par trouver son origine : une cloche suspendue Ă l’extĂ©rieur, frappĂ©e par un moine qui annonçait le dĂ©but de la cĂ©rĂ©monie.Â
Après un trajet de 45 mn en bus, je suis arrivĂ©e Ă la Villa ImpĂ©riale Katsura. Pour la visiter, il faut faire une demande la veille auprès du Bureau de l’Agence de la Maison ImpĂ©riale. La construction de ce chef-d’œuvre architectural, dont son jardin connu mondialement, a commencĂ© en 1620 (pĂ©riode Edo). Sa superficie de 56 000 m2 comprend une sĂ©rie de superbes jardins ainsi qu’un nombre important de maisons de thĂ©. L’amour des japonais pour l’imprĂ©vu, l’asymĂ©trique, la nature, a toujours dominĂ© les architectes et les artistes.
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La villa respecte les prĂ©ceptes anciens de la gĂ©omancie japonaise inspirĂ©e de feng-shui (art chinois consistant Ă faire circuler harmonieusement l’Ă©nergie d’un lieu pour assurer santĂ© et prospĂ©ritĂ© Ă ses habitants).
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De plus, cette villa est un modèle esthĂ©tique de la mĂ©thode « construction par ajout » Ă l’opposĂ© de la « mĂ©thode sur plan ». A partir d’une pièce on rajoute d’autres qu’on relie par des couloirs (partant des parties on arrive Ă tout). La conception traditionnelle de l’espace selon la mĂ©thode par ajout, prĂ©sente deux particularitĂ©s : les petits espaces oĂą l’on se concentre sur les dĂ©tails et l’asymĂ©trie. Les cloisons de papier sont d’une parfaite gĂ©omĂ©trie et modulables Ă l’infini. Les couleurs et les motifs sont d’une modernitĂ© inimaginable. Les motifs floraux et gĂ©omĂ©triques pourraient dater des annĂ©es 1970 !!Â
Des plateformes ont Ă©tĂ© construites en prolongement de la villa pour admirer les jardins au clair de lune, une architecture qui accueille et suit la nature. Ces jardins sont encore une des preuves vivantes que les Japonais transforment mousses, cailloux, arbres, fleurs et eaux en vĂ©ritables Ĺ“uvres d’art. Elles entourent les maisons de thĂ© et sont propices Ă la mĂ©ditation vue que la cĂ©rĂ©monie du thĂ© est rĂ©gie par quatre valeurs spirituelles : harmonie wa, le respect kei, la puretĂ© sei et la tranquillitĂ© jaku.Â
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Sen no RikyĂ» (1522-1591), le grand maĂ®tre du thĂ©, aurait sĂ©journĂ© ici. Il a construit toutes ses maisons de thĂ© dominĂ© par une recherche esthĂ©tique : petites, lĂ©gères et neutres, elles se fondent paisiblement dans l’environnement des jardins. Le bois n’est pas peint, les piliers ont encore leur Ă©corces, les murs en torchis sont laissĂ©s tels quels sans traitement de surface, la dĂ©coration d’intĂ©rieur, outre les ustensiles pour faire le thĂ©, comporte seulement une branche fleurie et un rouleau suspendu. Les maisons changent avec les saisons, elles expriment le sentiment de l’Ă©phĂ©mère.Â
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D’après le penseur KatĂ´ ShĂ»ichi, RikyĂ» a Ă©purĂ© le pavillon de thĂ© parce que pour lui la richesse des moyens et la richesse de l’expression dans l’art sont deux choses distinctes. « La diversitĂ© des couleurs ne garantit pas nĂ©cessairement la qualitĂ© de l’expression picturale.« K.S.
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On y entre en se glissant par une porte très basse. C’est un endroit oĂą les barrières de classe sont temporairement suspendues. On laisse derrière soi le monde de tous les jours en rentrant dans un espace sacrĂ© pour y trouver la sĂ©rĂ©nitĂ©.
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Pendant le chadĂ´, on doit admirer le bol en raku. Lorsqu’on le tourne sur la paume, le « paysage » Ă©volue. Pour KatĂ´, « le paysage » est la coloration de l’Ă©mail qui recouvre le cĂ´tĂ© extĂ©rieur du bol Ă thĂ© et dĂ©signe les aspects complexes variant selon l’angle sous lequel nous le voyons. « Du jardin au pavillon de thĂ©, du pavillon de thĂ© au bol Ă thĂ©, du bol Ă thĂ© à « l’Ă©volution » de son paysage, on aboutit au contraste de couleurs du vert du thĂ© entourĂ© de rouge ou de gris ou du noir du cĂ´tĂ© intĂ©rieur du bol Ă thĂ©. »K.S. Nul part ailleurs il existe de tels exemples oĂą l’on ait poussĂ© jusqu’Ă ce point le raffinement esthĂ©tique des dĂ©tails de l’espace.
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Le raku fĂ»t crĂ©Ă© par ChĂ´jiro (1516-1592), le fils d’un CorĂ©en (ou d’un Chinois) naturalisĂ© Japonais, sous la direction du maĂ®tre du thĂ© Sen no RikyĂ». Raku est un nom donnĂ© postĂ©rieurement, lorsque l’idĂ©ogramme Raku (signifiant « joie ») gravĂ© sur un sceau d’or fut offert par Toyotomy Hideyoshi, qui apprĂ©ciait profondĂ©ment l’art du thĂ©. Essentiellement utilisĂ©s lors de la cĂ©rĂ©monie du thĂ©, les bols-Raku sont issus d’une cuisson rapide Ă une relativement basse tempĂ©rature. Sa douceur et sa forme irrĂ©gulière constituent ses grandes caractĂ©ristiques.
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Après Katsura, visite du temple Sanjusangendo (littĂ©ralement 33), la plus longue structure de bois du monde (125m). Entre chaque pilier qui la compose, il y a 33 travĂ©es. Connu pour ses 1000 sculptures de Kannon (dĂ©esse de la clĂ©mence) qui reprĂ©sentent les 1001 bras du Bouddha. L’allĂ©e centrale contient 28 divinitĂ©s associĂ©es Ă Kannon.Â
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Tous les ans Ă mi-janvier, il y a une compĂ©tition de tir Ă l’arc (Tohiya) oĂą les tireurs doivent atteindre une cible placĂ©e Ă 60 m distance. Tous les spĂ©cialistes du tir Ă l’arc se rassemblent ici, qu’ils soient archers Ă©mĂ©rites ou jeunes pratiquants de 20 ans, qui est l’âge de la majoritĂ© au Japon. Cette pratique sert Ă faire comprendre aux enfants que la vie d’adulte requière patience et contrĂ´le de soi.Â
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Le soir, j’ai pris le taxi pour me rendre dans mon nouveau quartier oĂą j’allais dormir jusqu’Ă la fin de mon sĂ©jour : le Gion, quartier des geisha. J’ai dormi dans un vieux ryokan, nommĂ© Sawai, tenu par un vieux couple octogĂ©naire.Â
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Pour y aller, le taxi a traversĂ© le quartier des bars et restaurants, le Pontchoko éclairĂ© par des lanternes en papier de riz. Unique moment oĂą j’ai regrettĂ© de voyager en solitaire !
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Au temple Honganji, Ă©puisĂ©e et l’esprit ailleurs, j’ai remarquĂ© des sacs en plastique pour les chaussures. J’ai commencĂ© Ă les enfiler sur mes chaussures, Ă la risĂ©e d’un couple de vieux qui me montrait que les chaussures on les enlève pour les mettre… dans le sac.
Avant la visite de Katsura, rentrĂ©e dans un cafĂ© du village, rempli d’hommes. Une minute de silence, Ă©tonnĂ©s certainement par l’apparition de cette gaijin (littĂ©ralement gens du dehors) et femme de surcroĂ®t. Mal Ă l’aise, j’ai eu un moment d’hĂ©sitation partir ou rester ? Mais, les Messieurs se sont serrĂ©s et m’ont invitĂ©e Ă prendre place. En partant, la patronne m’a couru après pour me donner ce que j’avais oubliĂ© sur la table, tenez-vous bien : un trombone !