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Catégorie : Articles culture

9/2022

KIMONO   &   ART DU maquillage traditionnel

Artifice ou célébration de la beauté ?

°°°

Exquise et Ă©trange, avec son air de froide dĂ©esse qui regarde en dedans, qui regarde au-delĂ , qui regarde on ne sait oĂč.
Pierre Loti

Le maquillage traditionnel, contrairement Ă  la coiffure et au vĂȘtement, a Ă©voluĂ© lĂ©gĂšrement entre l’AntiquitĂ© et le XIXe siĂšcle. En dissimulant ses traits, la femme Ă©tait devenue une abstraction qui ne prenait de sens que dans la rigiditĂ© des codes sociaux propres Ă  chaque Ă©poque.

Durant Heian (794-1185) « La trĂšs longue chevelure, objet de nombreux poĂšmes, mettait en valeur le blanc du visage qui s’appliquait en couche de plus en plus Ă©paisse et se rĂ©pandait chez les courtisanes et les jeunes danseuses. Les yeux Ă©taient Ă©tirĂ©s et la bouche rouge, menue Ă  l’extrĂȘme. L’ensemble devait apparaĂźtre comme immatĂ©riel et inexpressif car la dame se devait d’afficher un lĂ©ger masque de dĂ©tachement et d’ennui pour mettre un paravent Ă  l’expression de ses sentiments. L’esthĂ©tique qui en rĂ©sulte imprĂ©gna longtemps l’esprit du maquillage. Cette incertitude mĂ©lancolique, cette opposition de sensualitĂ© et d’inexpression, cette corrĂ©lation Ă©troite entre la beautĂ© et la tristesse marquĂšrent la naissance du goĂ»t japonais. » extrait Le corps japonais, Dominique Buisson, Editions Hazan

Depuis le 6 janvier 1869, date du dĂ©cret impĂ©rial qui a interdit le fard d’un autre Ăąge, seuls les geisha, les maiko et les acteurs de kabuki maintiennent cet art vivant.

Mon article dĂ©voile les secrets de maquillage Ă  travers sa palette de base – blanc, noir et rouge – ainsi que les soins du visage et, pour finir, quelques accessoires remarquables par leur raffinement.

BLANC

Une peau blanche Ă©tait, comme dans la plupart des sociĂ©tĂ© aristocratiques, un signe de beautĂ©. Dans les peintures reprĂ©sentant les messieurs et les dames de la cour, les gens d’un rang supĂ©rieur avaient toujours des visages plus pĂąles. La nature ne respectant pas toujours cette distinction, la pĂąleur nĂ©cessaire Ă©tait acquise au moyen de gĂ©nĂ©reuses applications de poudre. extrait La vie de cour dans l’ancien Japon au temps du Prince Genji, Ivan Morris, Collection La Suite des temps, Gallimard

@ Artmemo, Goyo HASHIGUCHI (1880 – 1921)   Jeune femme se poudrant

« Un visage blanc cache beaucoup de dĂ©fauts » – proverbe

[いろぼしろいぼはしちăȘんかくす, iro no shiro no wa shichinan kakusu] « Iro no shiro » dĂ©signe la blancheur d’un visage de femme, 侃難 – しちăȘん- shichinan ; dĂ©signe les 7 infortunes bouddhistes et dans son sens figurĂ© un grand nombre de dĂ©fauts. Il faut se mĂ©fier des apparences. 

Pour cela, on employait une poudre blanche – keifun blanc de mercure ou o-shiroi blanc de cĂ©ruse (en dĂ©pit du Saturnisme dĂ» au plomb !) – fondue dans l’eau et appliquĂ©e avec des pinceaux sur le visage, le cou, la nuque et le dĂ©colletĂ© qui Ă©taient enduits auparavant de l’huile de camĂ©lia bintsukĂ©-abura. AprĂšs Edo (1603-1868), ces poudres nocives ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par une pĂąte non mĂ©tallique neri-o-shiroi et la poudre kona-o-shiroi.

Les geisha mettent en valeur leur nuque en la blanchissant, mais gardent nus trois triangles de peau naturelle dĂ©nommĂ©s « trois jambes » sanbon-ashi (les apprenties maiko n’ont que deux !). Ce minime dĂ©tail invite Ă  l’érotisme en laissant imaginer les secrets d’une intimitĂ© interdite.

makeup guide | Geisha

Aujourd’hui encore, la blancheur de la peau demeure la condition premiĂšre de la beautĂ©. En Ă©tĂ©, la japonaise cache son visage du soleil sous des chapeaux, des ombrelles,
 et les bains de soleil font dĂ©faut Ă  sa culture.

NOIR

Le noir est inhĂ©rent aux coutumes de passage de l’existence fĂ©minine, de l’enfance Ă  l’ñge adulte.

  • Les sourcils

La coutume d’épiler ou de raser les sourcils  existait en Chine pendant la premiĂšre dynastie Han et fut importĂ©e au Japon. L’aristocrate et la femme des samuraĂŻ se rasaient les sourcils Ă  partir de la maturitĂ© (13 ans) tandis que la femme du peuple, une fois mariĂ©e ou devenue mĂšre, coutume dĂ©nommĂ©e hongenpuku.

A la trĂšs aristocrate Ă©poque Hein, le goĂ»t Ă©tait Ă  l’extrĂȘme dĂ©licatesse et le maquillage se japonisa. Les sourcils Ă©taient alors les Ă©lĂ©ments les plus importants de la beautĂ©. On les dĂ©testait naturels et on Ă©pilait « ces horribles chenilles » afin de les redessiner, gĂ©nĂ©ralement plus haut sur le front. Au dĂ©but, c’était des croissants fins et longs, mais les plus spectaculaires Ă©taient larges et estompĂ©s. Plus tard, on les nomma « feuilles de saule », « croissants de lune », « antennes de papillon », « cocons de soie ». extrait Le corps japonais, Dominique Buisson, Editions Hazan

@ Artmemo, Shodo YUKAWA BeautĂ© de l’Ă©poque Heian (794-1185)

On redessinait les sourcils rasĂ©s avec du noir mayuzumi obtenu par un mĂ©lange de fleurs brĂ»lĂ©es, de poudre d’or, de suie et d’huile de sĂ©same ou par de la pelure de chĂątaigne, du charbon de paulownia.

Dans l’ouvrage Kewai mayuzukuri kuden La tradition du maquillage des sourcils,  Mizushima Bokuya dĂ©taille les rĂšgles pour dessiner les sourcils et les accessoires nĂ©cessaires.

  • Les dents

La coutume detsushi ou kanetsuke qui consistait Ă  se noircir les dents Ă©tait usitĂ©e par les femmes et les hommes de classes supĂ©rieures jusqu’à l’ùre Meiji « pour se diffĂ©rencier des esclaves et des animaux » (Ă  la pĂ©riode de Tokugawa (1603-1867) les prostituĂ©es appelĂ©es « les mariĂ©es d’une nuit » Ă©galement).

D’abord rĂ©servĂ© aux dames de la cour, le o-haguro, le noir Ă  dents, est adoptĂ© par les hommes et se rĂ©pand dans les meilleurs guerriers ; puis son usage est Ă  nouveau restreint aux femmes du peuple. ParallĂšlement, ce signe de l’accĂšs Ă  l’ñge adulte devient celui du mariage : couleur inchangeante, symbole de la fidĂ©litĂ© et de l’obĂ©issance des femmes. Abolie en 1870, la coutume du noircissement des dents subsista longtemps dans les campagnes reculĂ©es. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

© Kitagawa Utamaro, Museo Nacional del Prado

La poudre hagurome était composée de débris de fer oxydés et de noix de galle fushi, dissoute dans du thé ou du saké.

ROUGE

Sur ce fond blanchĂątre, les femmes mariĂ©es appliquaient gĂ©nĂ©ralement un peu de rouge, elles peignaient Ă©galement leurs lĂšvres pour donner Ă  la bouche l’aspect d’un bouton de rose. extrait La vie de cour dans l’ancien Japon au temps du Prince Genji, Ivan Morris, Collection La Suite des temps, Gallimard

Le rouge beni-guchi, extrait de benibana*, plante de la famille du chrysanthĂšme Carthamus tinctoris, servait pour rougir les lĂšvres, les joues et parfois pour le contour des yeux afin d’éclairer l’iris et creuser un peu l’arcade.

@ Artmemo, Goyo HASHIGUCHI (1880 – 1921)   Jeune fille se mettant du rouge Ă  lĂšvres

Elle est mignonne, fine, Ă©lĂ©gante ; elle sent bon. DrĂŽlement peinte, blanche comme du plĂątre, avec un petit fond rond rose bien rĂ©gulier au milieu de chaque joue ; la bouche carminĂ©e et un peu de dorure soulignant la lĂšvre infĂ©rieure. extrait Japon, Erwin Fieger, L’iconothĂšque

*Entre parenthùse, ces agents colorants de benibana servirent pour teindre les tissus, puis à partir du XVIIe dans la fabrication des encres d’imprimerie pour les estampes ukiyo-e de type benizuri-e et beni-e.

LES SOINS

A l’époque Edo 1813  est paru un ouvrage sur l’esthĂ©tique intitulé Le Guide de la beautĂ© dans la capitale Miyako fĂ»zoku keshĂŽden de Sayama Hanshichimaru et illustrations de Hayami ShungyĂŽsai.

  • Le visage

Les femmes utilisaient des sachets de tissus nuka-bukuro remplis de son de riz hydratant nuka, de plantes mĂ©dicinales ou aromatiques, de poudre de haricots rouge azuki nettoyante araiko qui contenait de la saponine. Elles plongeaient les sachets dans l’eau chaude puis les essoraient avant de frotter leurs visages.

Cent belles femmes dans des sites cĂ©lĂšbres d’Edo : La colline Goten-yama, Utagawa Toyokuni III, 1858 © POLA Research Institute of Beauty and Culture
  • Les dents

On utilisait une brosse Ă  dents fusayĂŽji en bois de saule, de cĂšdre ou de bambou sur laquelle on mettait du sel ou une poudre abrasive rouge mĂȘlĂ©e Ă  des parfums.

@ Yoshitoshi, Fine Art Print

Source : catalogue de l’exposition Secrets de beautĂ©, Maquillage et coiffures de l’Ă©poque Edo dans les estampes japonaises Ă  la Maison de la culture du Japon Ă  Paris 

ACCESSOIRES
@ Artmemo, Kitagawa UTAMARO (1753-1806) La courtisane Takashima Ohisa

Voici un aperçu de quelques accessoires qui ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s du 19 mai au 10 juillet 2021 lors de l’exposition Secrets de beautĂ©, Maquillage et coiffures de l’Ă©poque Edo dans les estampes japonaises Ă  la Maison de la culture du Japon Ă  Paris

 

@ Maison de la culture du Japon Ă  Paris

@ TACHIBANA MUSEM JAPAN

SECRETS DE BEAUTE

Michiyo Watanabe du POLA Research Institute of Beauty & Culture nous Ă©claire sur les rituels du maquillage des Japonaises de l’Ă©poque Edo. Fard blanc, rouge Ă  lĂšvres, dents noircies ou encore sourcils rasĂ©s signifient souvent bien plus qu’une simple mise en valeur esthĂ©tique de ses atours. Elle nous explique en quoi le maquillage Ă©tait souvent le reflet d’une position sociale ou d’un statut marital.

 

8/2022

KIMONO  I  COIFFURES & ORNEMENTS

°°°

La coiffure a Ă©voluĂ© parallĂšlement au vĂȘtement et sa diversification a entraĂźnĂ© l’essor des ornements de cheveux, les seuls bijoux qui dĂ©coraient et mettaient en valeur la chevelure de jais des Ă©lĂ©gantes : peignes kushi,  piques kĂŽgai,  Ă©pingles kanzashi. En outre, elle variait selon l’ñge et le statut social des femmes, sans oublier les femmes artistes geisha, les femmes galantes asobi-bito et les courtisanes yĂ»jo.

COIFFURES

Pendant la pĂ©riode Heian (794-1185), la chevelure Ă©tait une obsession mĂȘme dans les conversations des dames. Les aristocrates laissaient pendre leurs cheveux lisses, brillants, sĂ©parĂ©s en deux par une raie, immensĂ©ment longs, sauf les mĂšches latĂ©rales coupĂ©es Ă  une longueur de 30 cm, coiffure dĂ©nommĂ©e taregami.

Japan's Love-Hate Relationship With Cats | Arts & Culture| Smithsonian Magazine

Haru no kuni
koi no mikuni no

asaborake
shiruki wa kami ka
baika no abura ?
En ces deux pays
du printemps et de l’amour

pour moi l’aurore…
Preuve n’en est-ce dans mes cheveux
le baume aux fleurs de prunier ?

Dans son Journal, Murasaki Shikibu, lorsqu’elle aborde les cĂ©rĂ©monies du Jour de l’An (1008), fait le portrait de onze dames Ă©minentes de la Cour (la taille, le maintien du corps, le kimono et ses couleurs, la forme du visage et le maquillage, les cheveux et ses ornements, l’esprit….).

La dame Dainagon est trĂšs petite, raffinĂ©e, blanche, belle et ronde, quiconque trĂšs hautaine de maintien. Ses cheveux sont trois pouces plus longs qu’elle. Elle se sert d’épingles Ă  cheveux dĂ©licieusement sculptĂ©es. Son visage est exquis, ses maniĂšres raffinĂ©es et charmantes.

Les cheveux de cette beautĂ© avait donc 10 cm de plus que sa taille ! Mais la longueur la plus impressionnante (1,80 m) relatĂ©e par Murasaki dans Le Dit du Genji I Genji Monogatari est celle de la Princesse Ochiba. A l’Ă©poque, un homme pouvait tomber amoureux d’une femme grĂące Ă  sa chevelure rien qu’en l’apercevant de dos, aussi parce que les femmes dissimulaient leurs visages derriĂšre les manches de kimono, les Ă©ventails, les paravents, les rideaux…

Kurogami no
midare no shirazu
uhi fuseba
maza kakiyarishi
hito zo koishiki
Lorsque je pleurais
indifférente au désordre
de mes noirs cheveux
celui qui les dĂ©mĂȘlait
Ah combien je l’ai aimĂ©

Yosano Akiko

Lors des cérémonies, les femmes attachaient leurs cheveux avec des rubans.

Pour le repas de Madame, huit femmes, vĂȘtues de pareille couleur, les cheveux reliĂ©s, nouĂ©s d’un cordon blanc, se suivent portant les plateaux d’argent blanc. Miya no NaĂŻshi qui ce soir assure le service, en impose toujours par sa beautĂ© grave et nette, mais ses mĂšches qui retombent, par le contracte avec les cordons blancs, la rendent plus aimable que jamais et son profil a demi cachĂ© par l’éventail possĂšde un charme singulier. extrait Journal, Murasaki Shikibu

Murasaki ni
ogusa ga ue e

kage ochimu
no no harukaze nii
kami kezuru asa

Comme violacée,
sur les petites herbes

tombe mon ombre ;
au vent de printemps des champs,
matin lissant mes cheveux…
Yosano Akiko

Si une femme décidait de se couper les cheveux avant une reconversion religieuse rakushoku pour se retirer du monde, les assistants pleuraient durant la cérémonie car ils savaient que les cheveux ne regagneraient jamais leur longueur.

J’ai coupĂ© ma chevelure
Et teint
De noir mon vĂȘtement
Mais ce qui demeure inchangé
C’est mon cƓur.
poĂšme extrait de
Femmes galantes, femmes artistes dans le Japon ancien XIe-XIIIe siĂšcle
par Jacqueline Pigeot

III. Choses qui doivent ĂȘtre courtes
Les cheveux d’une femme de basse condition. il est bon qu’ils soient gracieusement coupĂ©s court. extrait Notes de Chevet Makura no soshi, Sei ShĂŽnagon

A l’époque AzuchiMomoyama (1573-1603), la Cour imposait aux femmes le port de chignons Ă  la mode chinoise des Tang, Ă  savoir double ou simple sur le haut de la tĂȘte. Les chignons des jeunes femmes Ă©taient plus complexes que ceux des femmes mariĂ©es, tout comme les manches des kimono et le nƓud de l’obi (plus de dĂ©tails dans mon article Kinomo I Éternelle fascination)

C’est durant Edo (1603-1868) que la coiffure japonaise Nihon-gami est nĂ©e ainsi que ses techniques. Elle comprenait quatre parties dont la forme a Ă©voluĂ© en fonction des modes :

  • les « cheveux du devant » maegami
  • les « cheveux des tempes » bin
  • les « cheveux de derriĂšre » jusqu’à la nuque tabo ou tsuto
  • cheveux enroulĂ©s en chignon mage

Les quatre types de chignons de base qui traversent toute la pĂ©riode Edo – hyĂŽgo-mage, shimada-mage, katsuyama-mage et kĂŽgai-magĂ© rĂ©pondaient Ă  des rĂšgles fixes en fonction notamment de la classe et du rang social, de l’ñge, du statut matrimonial ou encore de la rĂ©gion gĂ©ographique. extrait Secrets de beautĂ©, Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises, Catalogue Exposition Maison de la culture du Japon Ă  Paris

©Vintag.es

Le style caractĂ©ristique du coiffage des tempes on le retrouve dans l’immortelle estampe intitulĂ©e Trois beautĂ©s de notre temps Kansei san bijin de Kitagawa Utamaro.

@Utamaro (1793) Three Beauties of the Present Day (TĂŽji san bijin): Tomimoto Toyohina, Naniwaya Kita, Takashima Hisa

Avec la prospĂ©ritĂ© croissante de la classe marchande, leurs coiffures s’alourdissent de façon Ă  mettre en valeur la finesse de la nuque, tenue pour un gage de la beautĂ© du corps nouvellement prisĂ©e. Sous l’influence des geisha, des chignons de plus en plus complexes sont imaginĂ©s : les cheveux Ă©paissis Ă  l’huile de camĂ©lia, divisĂ©s en quatre ou cinq mĂšches, sont enroulĂ©s en coques ou en veloutes sur le sommet de la tĂȘte, sur la tempe ou sur la nuque, et fixĂ©s Ă  l’aide de cordons*, de peignes et d’épinglĂ©s dĂ©coratives. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

*cordons, cordelettes de papier motoyui, ou de fils de chanvre asaito ou fils tressé de kumihimo

ORNEMENTS

DĂšs la pĂ©riode Jomon (vers 8000 av J-C – vers 300 av J-C) apparaissent les Ă©pingles Ă  cheveux en os et les peignes Ă©troits avec des dents longues tate-kushi en os, corne ou bambou durci Ă  la laque, certains ornĂ©s d’animaux fantastiques chargĂ©s de pouvoirs magiques.

Le tate-kushi qui à la base maintenait la coiffure, s’est vu modifier la longueur et ses dents plus courtes pour remplir le rîle de peigne yoko-gushi (le peigne à double endenture tîgushi, peigne à queue kesuji-tate, peigne à dents larges tokigishi..)

@ Rob Michiels Action A collection of 42 Japanese ivory and lacquer Kushi combs and 18 Kougai hair pins, Meiji, 19th C.

A l’époque Heian (794-1185), les cheveux dĂ©nouĂ©s ont annihilĂ© la fonction ornementale des Ă©pingles et des peignes.

Cent belles femmes et sites cĂ©lĂšbres d’Edo : Devant le sanctuaire Shibashinmei, Utagawa Toyokuni III, 1858 © POLA Research Institute of Beauty and Culture

Enjiiro wa
tare ni kataramu
chi no yuragi
haru no omoi no
sakari no inochi
Enfant de vingt ans
dont ruissellent sous le peigne
les longs cheveux noirs…
Tant de beauté il y a
dans le printemps de l’orgueil !
Yosano Akiko

C’est au milieu de l’époque Edo (1603-1868) que peignes et Ă©pingles Ă  cheveux se multiplient et se diversifient. La bourgeoisie acquiert alors la suprĂ©matie Ă©conomique et supplante la classe des guerriers : elle promet une nouvelle culture et de nouvelles modes qui lui sont propres. extrait Dictionnaire de la civilisation japonaise, Augustin Berque, Hazan

Les accessoires kushi peigne, kĂŽgai pique, kanzashi Ă©pingle, kamikazari ornement… sont constituĂ©s de divers matĂ©riaux (Ă©caille de tortue, bois, bambou, nacre, ivoire, agate, verre, or, argent, corne de sabot de cheval ou de bƓuf, os de cou de grue pour les extravagants) et utilisent plusieurs techniques (la peinture laquĂ©e d’or ou d’argent maki-e, l’incrustation de nacre ou de verre, de cristal, de corail).

@ Trocadero, Rare Japanese Edo Period Silver Gilt Hair Pin

On sait que le peigne n’était pas seulement un accessoire de mode pour la Japonaise, mais aussi une marque de distinction, de dignitĂ© ou de rang. C’est ainsi qu’une courtisane rĂ©putĂ©e porte un grand nombre de peignes magnifiquement ornementĂ©s, qui « rivalisent » de splendeur avec sa coiffure. Ses cheveux bleu-noir et l’ivoire blanc (ou la nacre luisante) font naĂźtre, avec des bijoux de toutes couleurs, des contrastes intenses. Les peignes Ă©taient souvent assortis au kimono ou au fard trĂšs clair du visage, ce qui permettait de crĂ©er, lĂ  aussi, contrastes ou harmonies suivant la mode de l’époque . Si le peigne rĂ©pondait Ă  des soucis d’ordre esthĂ©tique, et s’il reflĂ©tait tel ou tel statut social, il obĂ©issait aussi Ă  une symbolique des saisons. extrait Japonisme, Wichemann Siegfried, EditĂ© par ChĂȘne/Hachette

Les motifs dĂ©coratifs raffinĂ©s du peigne nous font pĂ©nĂ©trer dans un monde miniature, celui de la flore, de la faune, de la littĂ©rature,…Plusieurs artistes ont reprĂ©sentĂ© des ornements de maniĂšre magistrale dans leurs Ɠuvres : Kiyomitsu, Harunobu, Masanobu, Utamaro, Tokyni, Kunisada, Kuniyoshi
Sous l’influence de l’occident, dĂšs l’ùre Showa (1926-1989) le port du kimono disparaĂźt de la vie quotidienne et par consĂ©quent la coiffure japonaise et ses ornements aussi. Seules les geisha, les jeunes filles pour le Nouvel An et les mariĂ©es utilisent encore ces sublimes bijoux.

Peigne (kushi) « Iris », Japon, fin XIXe siÚcle Ivoire, nacre et écaille. Musée des Arts Décoratifs © MAD, Paris / Jean Tholance
Rounded comb lacquered with sparrows and bamboo decor – Japan – XIX century Source ©Musée Guimet, Paris
Comb dragonflies decor – Japan – XIX century ©Musée Guimet, Paris

Tamakura ni
bin no hitisuji

kireshi ne wo
ogoto to kikishi
haru no yo no yume
Le bras en oreiller,
un de mes cheveux rompit.

Ce son me parut
ĂȘtre celui d’un koto ;
rĂȘve de nuit de printemps
Yosano Akiko
[su_row]

Uba-tama no
xwaga kuro-kami ya
kawaruran
kagami no kage ni
fureru shira-yuki
A des baies noires jusqu’ici
pareils mes cheveux auraient-ils
changé de couleur ?
Voici qu’au reflet du miroir
est tombée la neige blanche

Ki no Tsurayuki _ Anthologie Kokin ShĂŒ
Livre 10 poĂšme 460

COIFFURES DES GEISHA

Les geisha ainsi que les femmes galantes yûjo et les danseuses de kabuki nouent depuis toujours leurs cheveux.

© Japa-mania.fr  / geisha coiffure shimada-mage / maiko coiffure momoware

Pour dormir sans Ă©craser sa coiffure, l’Ă©lĂ©gante devait dormir sur un oreiller haut de bois rembourrĂ© parfois de paille, dĂ©nommĂ© takamakura. Un supplice !

Fine Japanese Lacquer Takamakura Geisha Pillow, First Half of the 20th Century

De nos jours, certaines geisha portent des perruques.
Elle sont faites de cheveux humains fixĂ©s sur une carcasse mĂ©tallique. La chevelure est partagĂ©e en mĂšches, enduite d’huile de graines de camĂ©lia et lissĂ©e avec des spatules chaudes. Le perruquier est capable de reconstruire entiĂšrement une perruque en vingt minutes, en fixant chaque mĂšches de cheveux Ă  l’aide d’invisibles bandelettes de papier. Quand tout est terminĂ©, il plante solidement un peigne en Ă©caille et une Ă©pingle de corail dans les Ă©pais rouleaux de cheveux. extrait Geisha Liza C. Dalby
Ichiban Japan I Documentaire : Une journée dans une maison de Geisha à Kyoto[/su_quote]

 

SECRETS DE BEAUTE DURANT EDO

Michiyo Watanabe du POLA Research Institute of Beauty & Culture nous Ă©claire sur les coiffures des Japonaises de l’Ă©poque Edo. Elle nous raconte l’histoire extraordinaire de ces chignons du plus simple au plus sophistiquĂ©. OrnementĂ©e d’accessoires et d’extensions choisis – parfois extrĂȘmement lourds et peu pratiques – la coiffure des femmes Ă©tait, tout comme le maquillage, une source de renseignements prĂ©cieuse sur leur statut social ou marital. source MCJP

7/2022

NETSUKE & SAGEMONO  I  ACCESSOIRES DU KIMONO

°°°

© Rijksmuseum & Europeana

Le kimono, contrairement au vĂȘtement occidental yĂŽfuku, n’est pas dotĂ© de poches. Par ailleurs, le port du sac a Ă©tĂ© empruntĂ© Ă  la mode occidentale qu’Ă  l’ùre Meiji (1868-1912) lorsque le Japon s’ouvrit au monde aprĂšs plus de deux siĂšcles d’isolement (Sakoku 1633-1854).

Mais avant cela, comment les femmes transportaient donc leurs effets personnels ?

© Bouddha Museum, Netsuke Geisha par Hoyuki

Au dĂ©but, elles glissaient les objets dans les manches du kimono et sous la ceinture obi  puis, Ă  l’époque Muromachi (1336-1573), des accessoires ingĂ©nieux et sublimes virent le jour : le nestuske et les sagemono.

NETSUKE

Netsuke est un minuscule  objet utilitaire (entre 3 et 8 cm) indispensable au kimono qui retient dans l’obi, avec l’aide d’un bouton coulissant ojime, le cordonnet qui attachent les sagemono « choses qui pendent » (dĂ©couvrez Kyoto Seishu Netsuke Art Museum !).

Les netsuke, quant Ă  eux, Ă©taient de vĂ©ritables chefs d’Ɠuvre de sculpture miniature, d’os, de bois prĂ©cieux, de pierre ou de laque, qui reprĂ©sentaient des sujets divers traitĂ©s le plus souvent avec humour : des dieux et des dĂ©esses de la mythologie japonaise, des personnages cĂ©lĂšbres ou encore des animaux, avec une prĂ©fĂ©rence pour ceux du signe du zodiaque. ExĂ©cutĂ© le plus souvent sur commande, chaque netsuke Ă©tait une piĂšce unique. extrait Kimono d’art et de dĂ©sir, Aude Fieschi, Editions Picquier

© Rijksmuseum & Europeana
© Rijksmuseum & Europeana
© Plazzart
© Ivory and art

Le port du netsuke s’est rĂ©pandu Ă  l’époque Edo. Plus de 3000 artistes ont Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s ! Leurs crĂ©ations matĂ©rialisaient l’imaginaire des Japonais et exigeaient un sens raffinĂ© de la beautĂ© et une technique artisanale d’une grande mĂ©ticulositĂ©.

L’aspect le plus frappant des arts nombreux de la pĂ©riode d’Edo est l’intĂ©rĂȘt mĂ©ticuleux avec lequel les Japonais scrutĂšrent tous les aspects de la nature Ă  la recherche des sujets. Il semble qu’aucun objet, animĂ© ou inanimĂ©, n’ait Ă©tĂ© trop banal pour devenir le thĂšme d’un minuscule chef d’Ɠuvre. Le goĂ»t innĂ© et les normes Ă©levĂ©es des artisans pendant ces siĂšcles n’ont jamais Ă©tĂ© Ă©galĂ©s dans aucun autre pays. extrait L’art dans le monde – Japon, Peter C Swann, Edition Albin Michel

© Bristol Museum, Kikugawa school (1840-1860)
© Beaussant LefÚvre

Depuis Meiji, les netsuke et les estampes sont trÚs prisés par les collectionneurs occidentaux qui savent reconnaßtre leur valeur artistique.

Les katabori-netsuke sont les plus recherchĂ©s car ce sont souvent des magnifiques Ɠuvres d’art miniature, reprĂ©sentant soit des masques (de NĂŽ ou de Gigaku) ; des animaux, des personnages de lĂ©gende, parfois des vĂ©gĂ©taux, des fleurs, ou des fruits, des poissons et crustacĂ©s par exemple. L’imagination des sculpteurs de netsuke (qui Ă©taient parfois aussi des des peintres ou des graveurs sur mĂ©tal) ne connut pas de bornes. extrait Le Japon, Dictionnaire et civilisation, Louis FrĂ©dĂ©ric

© Kyoto Seishu Netsuke Art Museum

SAGEMONO

Les sagemono impressionnent par leurs dĂ©corations d’un raffinement extrĂȘme. Preuves en images !

les bourses kinchaku littéralement « attaché à la ceinture »

© Fine Japanese Kinchaku Purse With Kagamibuta Netsuke, 1900