LA MONTAGNE Â I Â YAMA no hi
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YAMA NO HI, « le jour de la montagne » est célébré depuis 2016, aux alentours du 11/08, afin que les Japonais « se familiarisent avec les montagnes ».
une montagne sans nom
dans la brume légÚre
Basho
inutile de cueillir des chrysanthĂšmes
ils parfument la source chaude
Basho
le reflet sur la prunelle
dâune libellule
Issa
lâineffable grĂące
des violettes
Basho
OĂč quâon aille, une montagne nâest jamais loin car elle occupe +70 % du territoire. Lâarc insulaire nippon se compose d’une part de lâespace habitĂ© sato, d’autre part de lâespace sauvage yama la montagne boisĂ©e et dĂ©serte et umi la mer.
Nous allons voir comment ce trait saillant des ßles, la montuosité, dont Fuji-san le sacré, a marqué la langue, les croyances et les arts.
YAMA Ethymologie
MONT FUJI I FUJI SAn
Le mont Fuji a Ă©tĂ© Inscrit au patrimoine mondial de lâUnesco le 22 juin 2013 au titre de lieu sacrĂ© et source d’inspiration artistique. Lâesprit du Japon est incarnĂ© dans sa forme conique parfaite, un chef-dâĆuvre de la nature associĂ© aux concepts de puretĂ©, de grandeur, de force, dâĂ©ternitĂ© et de noblesse.
Pour lâĂ©tranger, mais pour le Japonais bien davantage encore, le Fuji câest le Japon, est le Japon, le Fuji. Un simple dĂ©tail du paysage sâimpose Ă lâesprit, au point de ravaler au second plan tous les autres sites, et finit par se confondre, en lâabsorbant, avec la contrĂ©e toute entiĂšre !
mont Fuji
invisible dans la bruine
Basho
ennuagé à sa base,
un grand cĂšdreâŠ
Basho
le vent du mont Fuji
sur cet Ă©ventail
Basho
escalade le mont Fuji
petit escargot !
Issa
Fuji-san est la montagne la plus haute 3 778 m du pays et circonfĂ©rence +100 km qui sâĂ©tale sur les provinces KaĂŻ, Suruga et Sagmai. Elle est nĂ©e une nuit de juin en 286 av. J.-C. et sa derniĂšre Ă©ruption date de dĂ©cembre 1707, depuis lors on attend qu’elle se rĂ©veille….
Lâascension se fait en juillet et aoĂ»t, une fois le Fuji-san dĂ©barrassĂ©e de la neige. Les milliers de pĂšlerins agitent des clochettes en chantant : « Que nos sens soient purs et que le temps soit beau sur lâhonorable montagne ».
Celui qui a la chance de voir le Mont Fuji « intĂ©gralement » retiendra un souvenir Ă©ternel du Japon qui Ă©crasera tous les autres ! Jâai guettĂ© des heures cet instant sur la plage de Hayama, lieu de rĂ©sidence hivernale de la famille impĂ©riale, mais en vain ! Farouche, elle m’a laissĂ©e apercevoir que le bout de son cĂŽne lors de mon 4Ăšme voyage
SHINTO et BOUDDHISME
La montagne tient une place essentielle sur le plan religieux et culturel.
Admirant le beau jardin du maĂźtre de lâermitage de Shua :
les montagnes et le jardin
aussi
sâinvitent
dans le salon dâĂ©tĂ©
Basho
Lâarchitecture des temples shinto ou bouddhistes a une attitude de respect et de symbiose avec la nature shizen. En gĂ©nĂ©ral, les temples shinto jinja se trouve en hauteur ou dans les profondeurs de la montagne yama no oku. Pour se rendre Ă okumiya le sanctuaire du fond, on emprunte un chemin long, sinueux et escarpĂ©.
Le bouddhisme est arrivĂ© au Japon au XIĂšme siĂšcle. A lâĂ©poque Heian (794-1185), les sectes Ă©sotĂ©riques Tendai-shu et Shingon-shu ont Ă©galement bĂąti leur temples o tera dans les montagnes pour pratiquer lâascĂšse et lâĂ©tude. Sans oublier, Shugendo, une pratique religieuse dans laquelle la montagne tient une place primordiale.
Du fond de la manche
de lâermite de la montagne
le chant dâune cigale
Issa
FondĂ© par En no Gyoja, la premiĂšre personne Ă avoir gravit Fuji-san, Shugendo relie les anciens rites chamaniques au shinto et aux traditions ascĂ©tiques du bouddhisme. Son centre se trouve dans les mont Kii, autour de Yoshino. Comme son fondateur, les yamabushi, prĂȘtre des montagnes, ont des talents de magiciens et dâexorcistes. Ses adeptes se ressourcent par des pratiques ascĂ©tiques en montagne qui apportent spiritualitĂ© et Ă©nergie. Le Shugendo a eu une influence considĂ©rable sur les arts du spectacle, la littĂ©rature, les beaux-arts et l’architecture (Ă lire mon article 5 et article 9).
PEINTURE
L’un des styles de paysage de la peinture classique est sansui (prononciation japonaise du terme chinois shÄnshuÇ Â« montagne et eau »). Le prĂ©curseur a Ă©tĂ© SesshĆ« TĆyĆ (1420-1506) cĂ©lĂšbre pour ses peintures monochromes sur papier aux Lavis (technique d’encre et d’eau).
© Sesshu Toyo, 1495 Tokyo National Museum
Ă lâĂ©poque d’Edo, Utagawa Hiroshige (1797-1858) a redu hommage au Mont Fuji dans son chef dâĆuvre : les Trente-six vues du mont Fuji Fugaku sanjĂ»-rokkei (1830-1833).
Nuages de brume –
par intermittence
les cents vues du mont Fuji
Basho
De son cĂŽtĂ©, Katsushika Hokusai (1760-1849) a reprĂ©sentĂ© le mont Fuji depuis plusieurs quartiers et monuments d’Edo, selon diffĂ©rents points de vue et moments de la journĂ©e. Entre 1834 et 1840, il a rĂ©alisĂ© une seconde sĂ©rie comptant presque cent vues !
LITTĂRATURE
La montagne, et surtout le Fuji-san, est immortalisĂ©e dans dâinnombrables Ă©crits et poĂšmes. Je nomme ici SaigyĆ HĆshi et Kamo no ChĂŽmei.
Auteur le plus citĂ© du recueil classique Shin-Kokinshu (1205), SaigyĆ HĆshi (1118-1190), guerrier de noble condition qui a fuit la sociĂ©tĂ© et devenu un moine errant, a dĂ©finitivement intronisĂ© dans la culture japonaise le thĂšme de la « montagne profonde » shinrin, oĂč de loin en loin lâon rencontre un « hameau solitaire » yamazato no sekiryo, etc. ) tout un trĂ©sor dâexpressions qui vont Ă©tablir, pour la postĂ©ritĂ©, un rapport immĂ©diat entre la montagne, la solitude et certain sentiment de calme, teintĂ© de mĂ©lancolie sabishi, le tout valorisĂ© tant moralement quâesthĂ©tiquement.
Ă la fin de l’automne,
c’est lĂ qu’on apprend
ce que signifie la tristesse
dans le souffle du vent d’hiver.
laissez-moi pousser encore plus profondément
dans la montagne!
Il y a peut-ĂȘtre un endroit
oĂč les mauvaises nouvelles ne peuvent jamais m’atteindre !
extrait de PoĂšmes de ma hutte de montagne
De son cĂŽtĂ©, Kamo no ChĂŽmei, fils d’un prĂȘtre shintoiste, est connu pour son autobiographie, Notes de ma cabane de moine, rĂ©digĂ©e en 1212, qui traite de lâuniverselle prĂ©caritĂ© de la vie humaine, de la dĂ©couverte de la montagne et le salut par la nature.
En 1964, l’Ă©crivain et alpiniste KyĂ»ya Fukada (1903-1971) a Ă©tabli la liste des 100 montagnes les plus cĂ©lĂšbres du Japon Nihon Hyaku meizan, en fonction de l’altitude des diffĂ©rents sommets, « de la dignitĂ© de la montagne, du caractĂšre historique, de l’individualitĂ© de la montagne » et de la beautĂ© des paysages. Depuis, l’ascension de ces 100 sommets est devenu un dĂ©fi pour les randonneurs japonais.
dans le village de montagne
blancheur du riz cuit
Buson
il lutte en marchant
le passereau
Issa